France—Bien que fréquent en médecine générale, le syndrome d’hyperventilation souffre d’une procédure diagnostique et de principes thérapeutiques mal codifiés. D’où l’importance de faire le point sur sa définition et ce que l’on sait sur les moyens diagnostiques et les prise en charge efficaces. Un atelier a été animé par le Dr Cécile Chenivesse (CHRU Lille) dans le cadre du congrès de la Société française de pneumologie (CPLF) qui s’est tenu à Lille du 21 au 23 janvier 2022.
Le syndrome d’hyperventilation (SHV) idiopathique correspond à une perception de sensations anormales au niveau de plusieurs organes qui est induite par une hyperventilation inappropriée, c’est-à-dire non nécessaire pour l’organisme. Ce syndrome d’hyperventilation peut être reproduit totalement ou partiellement par une hyperventilation volontaire. Même s’il concerne aussi les âges extrêmes de la vie, il touche généralement des adultes relativement jeunes et impacte considérablement leur vie quotidienne et professionnelle, ainsi que leur qualité de vie. Il s’inscrit dans le contexte des troubles fonctionnels respiratoires, qui englobent des dysfonctions de la mécanique ventilatoire, dont fait partie l’hyperventilation.
La prévalence de ce syndrome est difficile à estimer : elle serait de 6-10% en consultation en médecine générale, même si ce chiffre, établi à partir de questionnaires, pourrait être surestimé. En revanche, la prédominance du SHV chez les femmes est clairement démontrée.
De quoi se plaignent les patients ?
Les patients présentent un essoufflement inexpliqué, associé à des symptômes multi-organes : palpitations, arythmies, céphalées ou confusion, vertiges et lipothymies, plus rarement des paresthésies et des troubles digestifs ou musculaires. L’interrogatoire est très important pour identifier les spécificités du SHV : les patients parlent d’un manque d’air, d’un manque d’oxygène et disent ne pouvoir respirer à fond. Le SHV est fréquemment déclenché par la parole, et gêne la personne lors de la conversation, il est associé à des soupirs fréquents. La dyspnée du SHV est peu corrélée à l’effort, peut survenir au repos, et est associée à des difficultés à inspirer complètement. Ces manifestations se présentent de façon fluctuante et récurrente, et favorisent parfois la peur d’une mort subite.
Le SHV se distingue du syndrome de panique car il n’inclut pas d’étiologie psychique et n’a pas de caractère aigu. S’il est classé comme trouble somatoforme, c’est plus volontiers pour une incapacité à en identifier l’origine que parce qu’un lien psychosomatique a été démontré. Sur le plan physiopathologique, il semble qu’il serait lié à une hyperactivité du contrôle cortical de la ventilation.
Un diagnostic différentiel délicat
Le bilan doit inclure l’interrogatoire, l’examen clinique complet, et la réalisation du questionnaire de Nijmegen par le patient : le score indique un SHV s’il est supérieur à 23 sur 64. Il ne peut pas être utilisé chez des sujets ayant des comorbidités sous-jacentes car à risque de confusion.
Un ensemble d’examens complémentaires dont certains spécialisés sont souvent réalisés pour écarter les diagnostics différentiels : hémoglobine, THS ultrasensible, gazométrie artérielle, ECG, imagerie thoracique, pléthysmographie, mesure de la Dlco et échographie cardiaque.
Un test de provocation de l’hyperventilation peut être demandé au patient : hyperventilation durant 3 minutes environ, visant à atteindre la moitié de la PETCO2 ( valeur de la pression partielle en CO2 au niveau du site de prélèvement, reflet de la PA CO2) : il permet de vérifier que les symptômes habituels sont bien déclenchés et que le temps de récupération de la PETCO2 est anormalement allongé (>5 minutes).
Le diagnostic est posé sur les 3 signes : score de Nijmegen et/ou test de provocation positif, et signe d’hyperventilation alvéolaire. Le diagnostic différentiel peut être difficile avec l’asthme mais ce dernier présente quelques spécificités : il peut engendrer des réveils nocturnes, la gazométrie associée est normale, et il répond aux bronchodilatateurs. Il faut aussi noter que les deux troubles peuvent être associés dans une frange importante de la population des asthmatiques. Cette concomitance est complexe à identifier et prendre en charge, à risque d’intensification inadaptée et inefficace du traitement anti-asthmatique.
Un traitement d’abord non médicamenteux
La prise en charge n’est pas codifiée car quasiment aucune étude n’est disponible sur le plan des traitements pharmacologiques. Les bêta-bloquants, les antidépresseurs ou les benzodiazépines ne sont pas recommandés. Aucune preuve n’existe concernant la psychothérapie ni la sophrologie, et les techniques de contrôle respiratoire ne peuvent être recommandés sans encadrement, car elles peuvent être contre-productives.
Le traitement de première intention doit être la kinésithérapie par un professionnel formé à cette pathologie : la kinésithérapie vise à réduire la fréquence respiratoire à terme, mais consiste aussi à éduquer le patient (comprendre la mécanique ventilatoire, explication des mécanismes physiopathologiques, apprendre à reconnaître les prodromes pour les contrôler…). Le patient réapprend à être en phase avec ses perceptions corporelles et se réconcilier avec sa respiration. Le biofeedback peut aussi être efficace. La réhabilitation respiratoire quant à elle peut être une alternative en l’absence de prise en charge par kinésithérapie accessible.
Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: Syndrome d’hyperventilation : ce n’est pas psychologique ! - Medscape - 11 févr 2022.
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