France – Environ la moitié des patients sont encore fumeurs au moment du diagnostic de cancer du poumon. Le sevrage tabagique a-t-il alors encore un intérêt ? La question, posée lors d’une session du congrès de la Société française de pneumologie (CPLF) qui s’est tenu à Lille du 21 au 23 janvier 2022 [1]. Elle a été abordée par le Dr Corinne Vannimenus (pneumologue au CHU Lille) qui a souligné que la tentation de ne pas proposer de sevrage tabagique était forte chez certains praticiens, avec l’idée sous-jacente que « compte tenu du pronostic, l’arrêt du tabac n’y changera rien », ou « je ne vais pas en plus l’embêter avec ça ». Pourtant le sevrage tabagique est bénéfique au patient, y compris chez ceux qui ont une maladie avancée.
Pronostic et qualité de vie
Des études de cohorte montrent que la survie à 1 an liée à la maladie est supérieure chez ceux qui avaient arrêté de fumer par rapport à ceux qui étaient toujours fumeurs. Des données françaises confirment cette observation, en décrivant l’âge et le sexe, puis le statut tabagique comme étant les principaux facteurs de risque de décès à 1 an liés au cancer du poumon [2].
En termes de qualité de vie, beaucoup d’études ont été menées, et souvent avec des résultats hétérogènes, mais leur compilation permet de conclure qu’il existe bien un bénéfice au sevrage tabagique, les données les plus concluantes étant celles issues des études ayant le meilleur niveau de preuve, à savoir les études prospectives longitudinales (vs études transversales ou rétrospectives) [2]. En, 2016, l’INCa a édité un argumentaire décrivant les bénéfices du sevrage tabagique et à systématiser l’accompagnement chez ces patients en soulignant que « la poursuite de la consommation de tabac après diagnostic de cancer apparaît associée à un risque plus important d’altération de qualité de vie des patients (physique, sociale, émotionnelle, symptômes pulmonaires), de détérioration de l’autonomie (statut de performance de Karnofsky ou « performance status ») et de douleurs intenses ressenties. Ces résultats reposent principalement sur des études observationnelles à partir de patients atteints de cancer du poumon. Le lien est aussi bien observé pour les cancers de stades précoces que de stades avancés. Ainsi, l’arrêt du tabac pour les patients atteints de cancer du poumon avancé peut représenter également un enjeu important pour améliorer la qualité de vie dans les derniers mois de vie » [4].
Le bénéfice psychosocial n’est pas non plus négligeable : l’arrêt, préconisé dans les 3 mois suivant le diagnostic, est très dépendant de l’entourage (poursuite du tabac chez les proches, culpabilisation du patient vis-à-vis de son tabagisme, ...). La pratique montre que les patients les plus jeunes, les femmes, ceux vivant en couple et ceux bien insérés socialement ont moins de difficultés au sevrage tabagique. Aussi, l’accompagnement est indispensable.
Traitements et risque de second cancer
Dans une large étude prospective, la poursuite du tabagisme et l’intensité du tabagisme favorisaient aussi l’apparition d’un second cancer primitif, avec un pronostic moins bon de cette seconde pathologie tumorale par rapport aux autres [5]. Une étude prospective conduite durant 10 ans chez un millier de personnes avant tout diagnostic de cancer montre aussi que 51% arrête le tabac au cours de cette période, en priorité parmi ceux qui développent un cancer pulmonaire sur la période, confirmant l’impact incitatif du diagnostic pour initier un sevrage, et montre également un risque moindre de second cancer [6].
Enfin, la présence de composés procarcinogènes et carcinogènes dans la fumée de tabac perturberait l’efficacité et/ou la tolérance de différentes classes de traitements pharmacologiques (thérapies ciblées ou chimiothérapie), mais aussi celle de la chirurgie (risque de complications infectieuses, difficultés de cicatrisation, …) ou de la radiothérapie (efficacité moindre, plus de risque de toxicité, ...).
Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Crédit photo de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le sevrage tabagique a-t-il encore un intérêt en cas de cancer du poumon avéré ? - Medscape - 3 févr 2022.
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