Comment évaluer le risque de dissection aortique au cours de la grossesse ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

1er février 2022

Paris, France - Chez la femme enceinte, une pathologie affectant l’aorte, tel que le syndrome de Marfan, est un facteur de risque important de dissection aortique. En cas de dilatation avec diamètre aortique de 40 à 45 mm, un suivi strict est recommandé pendant la grossesse, a rappelé le Dr Julie De Backer (Ghent University Hospital, Belgique) lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2022)[] 1 ]. Au-delà, la grossesse est déconseillée.

La présence d’une aortopathie non diagnostiquée représente un risque majeur, surtout si elle s’accompagne d’une hypertension artérielle gestationnelle. Intervenant en fin de présentation, le Pr Jean-Philippe Verhoye (polyclinique Saint-Laurent, Rennes), modérateur de la session, a insisté sur la nécessité d’examiner l’état de l’aorte par échocardiographie en cas de suspicion d’aortopathie chez la femme enceinte.

Selon le cardiologue, une hypertension artérielle doit systématiquement conduire au dépistage d’une aortopathie en prévention du risque de dissection pendant la grossesse. L’échographie permet de rechercher une éventuelle dilatation « par la mesure des diamètres de la racine de l’aorte, des sinus de Valsalva, de la jonction sinotubulaire et de l’aorte ascendante ».

Risque élevé en cas de syndrome de Marfan

On estime que le risque de dissection aortique est multiplié par quatre pendant la grossesse. Chez les femmes de moins de 35 ans, 19% des dissections aortiques surviennent pendant cette période ou dans les 12 semaines qui suivent l’accouchement, selon les données du registre international sur les dissections aortiques (IRAD).

En plus de la présence d’une pathologie touchant l’aorte ou d’une maladie du tissu conjonctif, tel que le syndrome de Marfan, les principaux facteurs de risque de dissection aortique pendant la grossesse sont l’hypertension artérielle, la pré-éclampsie et la bicuspidie, a rappelé le Dr De Backer, lors de sa présentation.

Chez les femmes enceintes présentant en particulier un syndrome de Marfan, le risque de dissection aortique est cinq à huit fois élevé. Les personnes atteintes de cette maladie génétique rare affectant le tissu conjonctif présentent notamment une dilatation progressive de l’aorte, qui risque plus facilement de se déchirer sous l’effet de la pression sanguine.

Certains signes physiques doivent faire suspecter un syndrome de Marfan. Cette maladie se manifeste notamment par une croissance anormale des os, qui se traduit par exemple par un morphotype longiligne, des doigts allongés et des anomalies du squelette, comme le pectus excavatum (dépression au niveau du sternum) ou la scoliose.

Doigts allongés, yeux écartés, luette fendue…

A l’imagerie, « la dilatation de l’aorte apparait sous la forme d’un bulbe d’oignon et la valve mitrale peut également présenter un prolapsus, associé à une fuite généralement légère », a précisé le Dr Olivier Milleron (Hôpital Bichat, AP-HP, Paris), au cours de sa présentation consacrée au risque de dissection aortique lié au syndrome de Marfan [] 2 ].

Certaines mutations peuvent conduire à des troubles particuliers liés au syndrome qui se traduisent par des signes spécifiques comme une tortuosité des vaisseaux sanguins, des yeux écartés (hypertélorisme orbital) ou une luette fendue (bifide). De l’arthrose précoce peut également être associée à un anévrisme de l’aorte.

« La présence d’un anévrisme de l’aorte thoracique avec ou sans signe non cardiologique doit conduire à une évaluation dans un centre expert », a souligné le cardiologue. Le risque de dissection aortique est déterminé « en fonction du gène impliqué, du type de mutation, du diamètre aortique et de la tortuosité des vaisseaux ».

Dans ses recommandations sur la prise en charge des maladies cardiovasculaires pendant la grossesse, la Société européenne de cardiologie (ESC) indique que les femmes avec un diagnostic de syndrome de Marfan doivent être informées du risque de dissection aortique [] 3 ]. Une imagerie par scanner ou IRM de l’ensemble de l’aorte est recommandé avant la grossesse.

Contrôle strict de la pression artérielle

Pendant la grossesse, un contrôle strict de la pression artérielle doit être mené. La recommandation est valable pour toutes les femmes avec une prédisposition génétique de dissection aortique. Par ailleurs, l’examen par échocardiographie doit être répété au moins une fois par trimestre, selon le niveau de risque et six mois en post-partum en cas de dilatation aortique ascendante.

Les recommandations distinguent trois niveaux de risque chez les femmes atteintes d’un syndrome de Marfan et préconisent une surveillance et un accompagnement adaptés.

Chez les femmes sans dilatation de l’aorte, mais avec une hypertension artérielle (HTA), le risque de dissection aortique est moyen. Une nouvelle évaluation par imagerie est recommandée tous les deux mois.

Avec une dilatation modérée (diamètre de l’aorte de 40 à 45 mm) associée à une HTA, le risque de dissection est significatif. Les femmes doivent en être informées avant la conception a rappelé le Dr De Backer. La surveillance se fait avec des visites tous les mois ou tous les deux mois.

En cas de dilatation avec un diamètre aortique > 50 mm et de HTA, le risque est très élevé. La grossesse est déconseillée. Si elle a débuté, une interruption doit être envisagée, précisent les recommandations. Le maintien de la grossesse implique un suivi très strict, avec des visites et une imagerie prévues chaque mois.

 

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