Paris, France - Pour maitriser les dépenses de l’assurance maladie et limiter les mésusages, les hypolipémiants anti-PCSK9 alirocumab (Praluent®) et evolocumab (Repatha®) sont désormais soumis à une demande d’accord préalable (DAP). Les indications remboursables étant restreintes par rapport à celles de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), une session des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2022) a fait le point, notamment sur la démarche à suivre pour éviter un refus de prise en charge pour les patients éligibles[1].
Initialement réservés aux patients avec une hypercholestérolémie familiale ou une hypercholestérolémie résistante aux statines, les deux anti-PCSK9 actuellement disponibles en France ont obtenus, en 2020, une extension de leurs indications thérapeutiques remboursables (ITR) dans la prévention secondaire du risque cardiovasculaire. En contrepartie, l’assurance maladie a soumis la prescription et le renouvellement de ces traitements coûteux à son accord préalable.
Les anticorps anti-PCSK9 sont des hypolipémiants qui agissent en inhibant la protéine convertie subtilisine/kesine de type 9 (PCSK9). Cette protéine a un rôle important dans la régulation des récepteurs au LDL présents à la surface des cellules hépatiques. Avec l’inhibition des PCSK9, les récepteurs se retrouvent plus nombreux, ce qui réduit le cholestérol-LDL circulant.
Classés médicaments d'exception
L’alirocumab (Praluent®) est désormais remboursé en tant que traitement préventif secondaire de troisième ligne chez les patients adultes présentant un antécédent de syndrome coronarien aigu (angor instable ou infarctus du myocarde) récent (moins de 12 mois) et restant non contrôlés (LDL-c ≥ 0,7 g/L), malgré un traitement hypolipémiant optimisé comprenant au moins une statine à la dose maximale tolérée.
Il est également remboursé en association à un traitement hypolipémiant optimisé chez les patients adultes ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote insuffisamment contrôlée et nécessitant un traitement par LDL-aphérèse (LDL-c >3g/L en prévention primaire et LDL-c > 2g/L en prévention secondaire).
L’evolocumab (Repatha®) a de son côté eu une extension d’ITR en prévention secondaire chez les patients présentant une maladie athéroscléreuse établie par un antécédent d'infarctus du myocarde (IDM), d’accident vasculaire cérébral (AVC) non hémorragique et/ou d'artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) symptomatiques, non contrôlés (LDL-c ≥ 0,7 g/L), malgré un traitement hypolipémiant optimisé comprenant au moins une statine à la dose maximale tolérée.
Comme pour l’alirocumab, il reste pris en charge en association à un traitement hypolipémiant optimisé chez les patients adultes ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote insuffisamment contrôlée et nécessitant un traitement par LDL-aphérèse. Il est aussi remboursé dans le traitement de hypercholestérolémie familiale homozygote chez l’adulte et l’adolescent à partir de 12 ans.
Ces deux spécialités conservent leur statut de médicament d’exception et, par conséquent, leur taux de remboursement à 65%. Une boite de Praluent® (stylos préremplis à 75, 150 mg et plus récemment 300 mg) coûte 472,20 euros pour une ou deux injections par mois. Une boite de Repatha® (un stylo prérempli à 140 mg) est au prix de 218,88 euros (posologie à une ou trois doses par mois).
Le renouvellement ouvert aux médecins généralistes
Au cours de sa présentation consacrée aux indications de ces traitements, le Pr Franck Boccara (Hôpital Saint Antoine, Paris, AP-HP) a précisé que les anti-PCSK9 bénéficient principalement aux patients avec un antécédent de syndrome coronarien aigu (SCA) récent, avec un effet maximal dans un délai de deux à six mois après l’événement [2]. « Plus le traitement est initié tôt, plus le bénéfice clinique est important. »
Pour favoriser un traitement précoce par anti-PCSK9, « on peut envisager d’emblée un traitement combinant statine à dose maximale et ezetimibe en post-SCA chez les patients avec un taux de LDL-c > 1 g/L », a suggéré le cardiologue. « Deux à trois mois plus tard, si le LDL-c reste ≥ 0,7 g/L, un traitement par inhibiteur de PCSK9 peut être introduit. »
La prescription initiale est réservée aux spécialistes en cardiologie, endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ou en médecine interne. Elle est soumise à l’accord préalable de l’Assurance maladie, tout comme le renouvellement annuel par le spécialiste ou par le médecin généraliste dans l’année qui suit la prescription.
La demande se fait de façon dématérialisée via le téléservice « Accord préalable médicament », accessible sur le site de l’assurance maladie via son compte professionnel sécurisé (amelipro). Lorsque la demande dématérialisée n’est pas possible, elle peut se faire par courrier en utilisant les formulaires spécifiques pour l’alirocumab et l’évoculumab.
Prendre connaissance des logigrammes décisionnels
Le Pr Michel Krempf (CHU de Nantes), qui est revenu sur la procédure pendant sa présentation, a rappelé les critères qui peuvent conduire à un non-remboursement, alors que certains figurent dans l’AMM de ces anti-PCSK9 [3].
Dans le cas de l’alirocumab (Praluent®), le service médical rendu a été jugé insuffisant pour justifier un remboursement de ces spécialités chez les patients :
- intolérants aux statines ou chez qui les statines sont contre-indiquées ;
- avec une maladie cardiovasculaire athéroscléreuse établie autre qu’un antécédent de SCA récent ;
- qui n’ont pas d’hypercholestérolémie associée;
- ne recevant pas un traitement optimisé par au moins une statine à la dose maximale tolérée.
Ces patients ne sont donc pas éligibles. Chez les patients intolérants aux statines, « il devrait y avoir prochainement une modification du logigramme d’aide à la décision » utilisé par le service de contrôle médical pour apprécier la demande, a précisé le Pr Boccara. On s’attend à ce que l’anti-PCSK9 soit finalement remboursé lorsque les statines sont contre-indiquées.
Les logigrammes décisionnels ont été publiés au Journal officiel dans les arrêtés relatifs à la procédure d’accord pour bénéficier de la prise en charge des spécialités Praluent® et Repatha®, où ils apparaissent en fin de document (annexe 3). Mieux vaut en prendre connaissance avant de faire sa demande d’accord pour éviter les mauvaises surprises.
Lors de la saisie de la demande en ligne, l’algorithme de l’assurance maladie propose les critères successifs du logigramme en demandant de répondre par l’affirmative ou la négative. « Si vous tentez de rentrer dans la nuance, la demande est systématiquement rejetée », avertit le Pr Krempf. Le médecin de l’assurance maladie ne sera alors d’aucun secours « puisqu’il applique le logigramme de manière très stricte ».
L’ezetimibe obligatoirement ajouté en deuxième ligne
La demande en ligne est plus simple qu’en passant par les formulaires, précise l’endocrinologue. Autre avantage: l’accord de prise en charge est rendu immédiatement. Il est alors possible de saisir et imprimer la prescription via le téléservice. Pour une demande par écrit, l’Assurance maladie dispose d’un délai de 15 jours pour se prononcer.
Le Pr Krempf a apporté quelques avertissements concernant la demande. Pour l’evolocumab (Repatha®), le choix d’une hypercholestérolémie secondaire pour décrire le profil du patient conduit par exemple à un rejet de la demande. Les antécédents d’AVC ou d’AOMI doivent être symptomatiques pour avoir une validation.
Concernant le traitement par statine, « l’assurance maladie a accès aux prescriptions antérieures du patient » et demande quelle est la dose maximale tolérée. Le Pr Krempf rappelle que si le prescripteur indique que le patient a développé une intolérance aux statines, la demande est rejetée. Il faut également préciser que l’ezetimibe a été ajouté en deuxième intention.
Ces derniers avertissements sont également valables pour l’alirocumab (Praluent®). Autre précision importante pour cet anti-PCSK9: le SCA doit être survenu dans un délai de moins d’un an pour avoir une validation de la demande.
De nombreux anti-PCSK9 à l’essai
Pour clore la session, le Dr Michel Farnier (Institut de recherche cardiovasculaire, CHU de Dijon) a évoqué les nouveaux hypolipémiants actuellement testés, dont une majorité vise le PCSK9, à travers de multiples voies d’inhibition intra ou extracellulaires [4].
L’ARN interférent (ARNi) inclisiran (Alnylam Pharmaceuticals/the Medicines Company) est l’option le plus avancée et aussi l’une des plus prometteuses. Les essais de phase 3 ORION ont pu montrer l’efficacité de cet hypolipémiant, qui agit en inhibant la synthèse du PCSK9, avec notamment une baisse de près de 50% du taux de LDL-c dans l’hypercholestérolémie familiale déjà traitée par statine, avec seulement deux injections en sous-cutanée par an.
L’oligonucléotide antisens AZD8233, qui vise également à inhiber la synthèse de la protéine PCSK9, va être prochainement évalué en phase 3, tout comme le lerodalcibep, un inhibiteur de PCSK9 circulant, a indiqué l’endocrinologue. De nombreux inhibiteurs oraux de PCSK9 sont également testés en phase 1.
L’application de la technique d’édition génétique CRISPR-Cas9 sur le gène codant PCSK9 a également donné des résultats spectaculaires chez l’animal, avec une baisse de 90% du taux circulant de PCSK9 et une réduction du niveau de LDL-c de 60% pendant au moins huit mois après une seule injection. Le développement de cette technique chez l’homme pourrait toutefois être freinée pour des raisons éthiques, a souligné le Dr Farnier.
Des médicaments ciblant le métabolisme des lipides sont également à l’essai. Il s’agit notamment d’inhibiteurs de l’ANGPTL3 (angiopoïetine like 3), une protéine impliquée dans le catabolisme des lipoprotéines (evinacumab, vupanorsen) ou d’inhibiteurs de la lipoprotéine Lp(a) (pelacarsen, olpasiran).
Le Pr Boccara a déclaré des liens d’intérêt avec Sanofi, AstraZeneca, MSD France, NovoNordisk, Aegerion, Gilead, Janssen, Server et Novartis.
Le Pr Krempf a déclaré des liens avec AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Servier, Novo Nordisk et Organon.
Le Dr Farnier a déclaré des liens d’intérêt avec Abbott, Amarin, Amgen, AstraZeneca, Austell, Merck and Co, Organon, Pfizer, Recordati, Sanofi/Regeneron, Servier, SMB et Viatris.
Crédit image de Une : BSIP
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Citer cet article: Prescription des hypolipémiants anti-PCSK9 evolocumab et alirocumab: mode d’emploi - Medscape - 24 janv 2022.
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