Etats-Unis – Dans un éditorial[1], le British Medical Journal appelle à une sorte de « réveil collectif » en dénonçant l’absence d’accessibilité publique aux données brutes des essais cliniques sur les vaccins et les traitements contre le Covid-19 alors que ces derniers sont vendus et utilisés massivement à l’échelle mondiale.
« La transparence est la clé pour instaurer la confiance et un moyen important de répondre aux questions légitimes des gens sur l'efficacité et la sécurité des vaccins et des traitements […]. Nous avons des publications mais pas d'accès aux données sous-jacentes […]. C'est inquiétant pour les participants aux essais, les chercheurs, les cliniciens, les éditeurs de revues et le public […]. Ces données devraient être entièrement et immédiatement disponibles pour examen public […]. Il n'y a pas de place pour des dérogations massives aux bonnes pratiques pendant une pandémie », tapent du poing les éditeurs du BMJ.
Une longue histoire
Cela n’est pas la première fois que le journal part en guerre contre ce manque de transparence. Il y a plusieurs années, le BMJ avait appelé à la publication des données brutes des essais sur le médicament antiviral Tamiflu « après avoir découvert que les gouvernements du monde entier avaient dépensé des milliards pour stocker des antiviraux dont il n'avait pas été démontré qu'ils réduisaient le risque de complications de la grippe, d'admission à l'hôpital ou décès ».
Aussi, début novembre 2021, dans un article, le British Medical Journal accusait le groupe Ventavia, chargé par Pfizer d'évaluer l'efficacité de son vaccin (2,5% des participants de l’essai) d’avoir « falsifié des données» et «tardé à assurer le suivi d'effets secondaires ».
Notons à ce sujet que dans une lettre-réponses aux questions des membres du parlement européen Michèle Rivasi, Piernicola Pedicini et Tilly Metz publiée le 3 décembre, l’agence européenne du médicament répondait : « L'EMA, en étroite collaboration avec la FDA américaine, a examiné les problèmes signalés dans le BMJ. L'EMA a conclu que les déficiences identifiées ne mettent pas en péril la qualité et l'intégrité des données de l'essai principal avec Comirnaty et n'ont aucun impact sur l'évaluation des bénéfices et des risques ni sur les conclusions relatives à la sécurité, l'efficacité et la qualité du vaccin. »
Aujourd’hui, le rédacteur en chef du BMJ, Kamran Abbasi, le rédacteur en chef Peter Doshi et l'ancienne rédactrice en chef Fiona Godlee, lancent une nouvelle alerte.
« Malgré le déploiement mondial des vaccins Covid-19, les données-patients sous-jacentes aux essais de ces nouveaux produits restent inaccessibles aux médecins, aux chercheurs et au public – et le resteront probablement pendant des années », indiquent-ils.
Difficultés d’accès aux données brutes
Ils soulignent que l'essai pivot du vaccin Comirnaty de Pfizer a été financé par l'entreprise et conçu, exécuté, analysé et rédigé par des employés de Pfizer. L'entreprise et les organisations de recherche sous contrat qui ont mené l'essai détiennent toutes les données, « mais Pfizer a indiqué qu'elle ne commencerait pas à traiter les demandes d’accès aux données de l'essai avant mai 2025.
Moderna, pour sa part, indique que les données « pourraient être disponibles... avec la publication des résultats finaux de l'étude en 2022 ». Aussi, au 31 décembre 2021, AstraZeneca pourrait être prête à répondre aux demandes de données de plusieurs de ses grands essais de phase III. Mais comme l'explique son site Web, « les délais varient selon la demande et peuvent prendre jusqu'à un an après la soumission complète de la demande ».
Les entreprises fournissent des données beaucoup plus détaillées aux organismes de réglementation dans le cadre du processus d'examen réglementaire pour l’obtention des AMM mais pas de façon suffisante, indiquent les éditorialistes.
« Les rapports d'étude sont désormais disponibles et les annexes manquantes peuvent être accessibles via des demandes d'accès à l'information […]. Cependant, la plupart des régulateurs ne détiennent pas l’ensemble de données patients ».
Interrogée précisément sur l’accès qu’elle avait eu aux données brutes, adéquates et complètes des essais cliniques du Comirnaty de Pfizer, l’EMA répondait il y a peu : « Bien que l'EMA ne demande pas l'ensemble des données brutes et ne réanalyse pas ces données, les études soutenant l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament doivent respecter des règles strictes et sont hautement réglementées ».
Rendre possible un examen indépendant des données
« Le BMJ soutient la politique de vaccination basée sur des preuves » et juge aberrant de « simplement faire confiance au système, avec l'espoir lointain que les données sous-jacentes puissent devenir disponibles pour un examen indépendant à un moment dans le futur » indique le journal qui conclut : « les laboratoires pharmaceutiques récoltent d'énormes bénéfices sans examen indépendant adéquat de leurs affirmations scientifiques. Le but des régulateurs n'est pas de danser au rythme des riches entreprises internationales et de les enrichir ; mais de protéger la santé de leurs populations. Nous avons besoin d'une transparence totale des données pour toutes les études, nous en avons besoin dans l'intérêt public, et nous en avons besoin maintenant ».
Preuve que des progrès peuvent être accomplis en matière de transparence, au fil des ans, grâce notamment aux progrès du numérique, les données de plusieurs bases de données de pharmacovigilance nationales ou internationales sont devenues accessibles au public comme c’est le cas de la base européenne EudraVigilance ou de l’Adverse Event Reporting System (FAERS) de la FDA aux Etats-Unis qui colligent les effets indésirables présumés des médicaments (dont ceux sur les vaccins contre le Covid).
Alors, pourquoi pas les données brutes des essais cliniques ?
Crédit image de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2022 WebMD, LLC
Citer cet article: Vaccins et traitements anti-COVID : le BMJ veut la transparence sur les données cliniques - Medscape - 21 janv 2022.
Commenter