Péricardites : de l’urgence hospitalière au casse-tête en ville

Jean Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

19 janvier 2022

Paris, France Lors des Journées européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC), une session très animée et documentée a fait le point sur la prise en charge des différentes formes évolutives des péricardites, parfois urgence hospitalière, souvent casse-tête en ville[1].

L’urgence vitale : la tamponnade cardiaque !

Le Dr Nabil Bouali (Poitiers, La Rochelle) a ouvert la session avec la complication majeure vitale des péricardites : la tamponnade. « Ce n’est pas le volume de l’épanchement, c’est sa tolérance liée à la rapidité de constitution : son retentissement clinique et échographique qui caractérisent la tamponnade », a-t-il expliqué.

Cette urgence vitale se manifeste par des signes droits (turgescence jugulaire), une chute tensionnelle, des bruits du cœur assourdis (la triade de Beck )[2] et le pouls paradoxal qui doivent alerter s’ils surviennent dans un contexte étiologique (péricardite aiguë, procédure invasive cardiaque).

Ces signes doivent conduire sans délai à la réalisation d’une échographie cardiaque. Celle-ci montre immédiatement les signes pathognomoniques : épanchement plus ou moins abondant, diminution du flux mitral à l’inspiration, collapsus des cavités droites, dilatation figée de la veine cave inférieure.

La tamponnade cardiaque est une urgence vitale, il faut y penser, l’échographie cardiaque permet le diagnostic, la péricardiocentèse sauve le patient.

Pour le Dr Bouali, « l’évacuation de l’épanchement en grande urgence par voie percutanée est la règle actuelle, sauf si l’on évoque une cause conduisant à une chirurgie (dissection aortique, rupture cardiaque, péricardite purulente) selon les recommandations 2015 de l’ESC. »[3]

« La péricardiocentèse peut être réalisée au lit du patient grâce à un kit dédié permettant de gagner un temps précieux », indique-t-il. La quantité de liquide à évacuer est guidée par l’amélioration clinique. Des complications à ce geste salvateur sont décrites : le syndrome de décompression cardiaque, perforation du ventricule droit, d’une coronaire…

Pour l’intervenant, il est important d’évoquer rapidement ce diagnostic devant une décompensation droite dans le contexte précis sus cité. Il y a peu de diagnostics différentiels et l’échographie cardiaque permettra d’éliminer une embolie pulmonaire, un épanchement pleural compressif.

Et de conclure « La tamponnade cardiaque est une urgence vitale, il faut y penser, l’échographie cardiaque permet le diagnostic, la péricardiocentèse sauve le patient. Au décours de cet accident suraigu il faudra en rechercher la cause au sein d’une équipe multidisciplinaire », explique l’orateur.

Les péricardites aiguës récidivantes. Un casse-tête en ville

Le Dr Nacim Ezzouhairi (Bordeaux) a, pour sa part, abordé le cas des péricardites récidivantes « qui ont un important impact sur le patient et le quotidien ».

En s’appuyant sur le cas d’une patiente de 57 ans qui a souffert de 3 récidives après une première péricardite en rémission incomplète, entre avril 2018 et mars 2021, il a souligné la difficulté thérapeutique et le retentissement sur la qualité de la vie générés par les péricardites aiguës récidivantes, véritables cauchemars du patient et de son médecin.

« Quand on rentre (sic) dans une récidive, on est encore plus à risque de faire d’autres récidives », note le Dr Ezzouhairi.

Le patient ayant souffert d’une péricardite aiguë a un risque de récidive inflammatoire après 4 à 6 semaines de plus de 20% la première année. Dans 41% des cas ce même patient récidivera à 2 ans et son risque de récurrence sera de 53% à 3 ans.

« Il est impératif de prescrire dès la première manifestation un traitement anti inflammatoire adéquat comme recommandé par les sociétés savantes : aspirine 3g/j pendant un mois et colchicine (adaptée au poids) au moins 1mg/j pendant 3 mois et restreindre les activités physiques  [3] ».

Les récidives surviennent notamment quand le premier traitement n’a pas été bien conduit en intensité et en durée. [4]

La survenue de la première récidive doit faire rechercher une cause sous-jacente, qui nécessitera un traitement spécifique : inflammatoire, néoplasique, infectieuse (virale ou tuberculose).

Il est indispensable dans des cas récidivants de recourir aux soins d’un collègue interniste

Selon les recommandations ESC [4] la première récidive est traitée avec de la colchicine 1 à 1,5mg/J et des corticoïdes à la dose de 0,5mg/kg/J pendant au moins 6 mois en prenant garde de ne pas diminuer trop rapidement les corticoïdes et même à prolonger la prescription à plus faible dose.

En cas de nouvelle récidive on utilise des doses plus élevées de corticoïdes à 1mg/kg/J associées à la colchicine. Si le syndrome inflammatoire est important, il est alors recommandé d’associer aux corticoïdes un inhibiteur de l’Interleukine IL1, Rilonacept, Anakinra, Canakinumab souvent pendant 6 mois.[4,5].

La diminution des doses doit se faire très progressivement. « Il est indispensable dans des cas récidivants de recourir aux soins d’un collègue interniste ; la notion d’équipe médicale prend tout sa place ici », a souligné l’intervenant, et d’insister sur l’importance du premier traitement et de ne pas hésiter à utiliser les corticoïdes en cas de rémission incomplète lors du premier épisode aigu.

La péricardite chronique constrictive. Le casse-tête diagnostique ! 

Le DrJoséphine Soltani (Paris) a ensuite fait le point sur la péricardite chronique constrictive[6] qui est une « affection rare, d’évolution souvent lente (…) Souvent un diagnostic d’exclusion ».

L’oratrice a débuté sa présentation par un cas clinique, une femme âgée de 56 ans hypertendue ayant eu une radiothérapie 20 ans auparavant pour maladie de Hodgkin. Pendant plusieurs mois, l’essoufflement et les signes cliniques d’insuffisance cardiaque ont été rapportés à une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée avant que l’on arrive au diagnostic de péricardite chronique constrictive.

« Il faut comprendre la physiopathologie de la péricardite chronique constrictive : l’adiastolie. La coque fibreuse du péricarde conduit à l’écrasement du ventricule gauche par le ventricule droit au moment de l’inspiration puis décompression ventriculaire gauche, compression droite à l’expiration. Mais, le péricarde joue aussi un rôle hémodynamique, isolant le cœur de la pression intra-pleurale », précise-t-elle. C’est la caractéristique de la constriction péricardique, qui la différencie de la cardiomyopathie restrictive pour laquelle le remplissage gauche est peu modifié par l’inspiration.

« Il s’agit d’une affection rare et à évolution lente dont la cause est parfois survenue plusieurs années auparavant. L’étiologie varie volontiers avec l’endroit où elle est constatée. Dans les pays occidentaux : traumatisme, irradiation, chirurgie. A l’opposé dans les pays en voie de développement, les causes infectieuses (tuberculose au cours du VIH) font parties des premières causes envisagées », ajoute-t-elle.

La présentation clinique est celle d’une défaillance cardiaque globale avec un ECG perturbé mais non spécifique. L’écho-doppler cardiaque est le premier outil qui montre des « aspects liées à la physiopathologie : gêne au remplissage cardiaque, le ressaut septal vers le ventricule droit, la diminution inspiratoire du flux mitral, le dip-plateau au niveau des veines pulmonaires décrivent les critères de Welch[6].

L’IRM cardiaque a une place importante car elle permet de surcroît d’identifier une éventuelle inflammation péricardique conduisant à un traitement anti-inflammatoire souvent efficace dans certaines formes de péricardites constrictives transitoires.

C’est évidemment le cathétérisme droit qui dans les cas difficiles emportera le diagnostic.  « Encore faut-il que l’opérateur soit informé de l’hypothèse de constriction péricardique. Il mettra en évidence le dip-plateau (remplissage diastolique brutal et de courte durée) égalisation des pressions diastoliques et les variations hémodynamiques respiratoires opposant la péricardite constrictive à la cardiomyopathie restrictive. » 

En dehors du cas particulier de la péricardite constrictive transitoire bénéficiant d’un traitement anti-inflammatoire, le traitement est chirurgical : péricardectomie totale. Le risque de décès post opératoire n’est pas négligeable 8%. Aussi, à 10 ans, 60% des patients sont en vie.

Cas particulier du patient transplanté

Le Dr Guillaume Coutance (Paris) a abordé la question du patient transplanté. Le transplanté est un patient comme un autre, explique-t-il… « avec les particularités d’avoir été opéré, d’avoir un organe étranger, ce conflit auto immun peut conduire à un épanchement péricardique témoin du rejet. Par ailleurs le patient reçoit un traitement immuno-suppresseur source de réactions « et d’interférences médicamenteuses, notamment avec les AINS et la colchicine responsables de véritables catastrophes pour le rein », précise-t-il.

Péricardites post transplantation précoces et tardives

Les péricardites post-greffe précoces peuvent témoigner du rejet de l’allogreffe. Il peut s’agir aussi de la complication d’une biopsie endo myocardique transfixiante, d’une cause infectieuse voire chirurgicale « parfois d’un mismatch volume cardiaque/ cœur transplanté : un petit cœur dans une grande cavité péricardique responsable de l’épanchement », souligne le Dr Coutance.

Les péricardites survenant à distance de la greffe ont un mauvais pronostic. En rapport avec un rejet, une infection, une néoplasie. L’enquête diagnostique doit être importante. « Il faut être agressif, répéter les biopsie, les IRM cardiaques, les Pet scan à la recherche d’un cancer, d’une infection, ponctionner le liquide péricardique avec l’aide des radiologues interventionnels », insiste l’orateur.

La péricardite constrictive post transplantation

Elle est rare. Selon la littérature, elle touche moins de 1% des transplantés[7]. Il s’agit d’un diagnostic très difficile car la constriction peut être localisée chez ces patients multi opérés ayant des brides péricardiques. « Les péricardites constrictives sont souvent associées à une restriction myocardique du cœur greffé, comme s’il s’agissait d’une affection évolutive mixte ». Expliquant probablement le pronostic péjoratif : 50% des patients décèdent au cours de la première année après la péricardectomie, conclut-il.

Tous les intervenants n’ont pas de conflit d’intérêts avec le sujet traité.

 

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