Première mondiale : xénogreffe d'un cœur de cochon

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

17 janvier 2022

Baltimore, Etats-Unis – Et de deux. Trois mois et demi après la première xénotransplantation d'un rein de porc chez une patiente en état de mort cérébrale, l'école de médecine de l'université du Maryland (Baltimore, Etats-Unis) a annoncé lundi 10 janvier qu'un cœur de cochon génétiquement modifié avait été transplanté avec succès chez un homme de 57 ans.

Trois jours après l'intervention, il se portait bien.« Cette transplantation d'organe démontre pour la première fois qu'un cœur issu d'un animal génétiquement modifié peut fonctionner comme un cœur humain sans rejet immédiat par l'organisme receveur », se sont enthousiasmés les chirurgiens américains qui ont réalisé la prouesse.

Atteint d’une insuffisance cardiaque au stade terminal et d’une arythmie, David Bennett, qui a reçu le cœur porcin, avait été déclaré inéligible à la transplantation classique.  Interrogé par Medscape édition française, le Pr Philippe Ménasché (chirurgien cardiaque, HEGP, Paris), pionnier de la thérapie cellulaire, a déclaré : « Je suis admiratif de ce succès car je me rends compte qu'il s'agit de l'aboutissement d'années et d'années de travail ». Si la prouesse a été saluée partout dans le monde, le recul n'est que de 72 heures après l'intervention, puisqu'il n'y a pas eu de communication depuis le 10 janvier.

Un cœur d'un cochon génétiquement modifié

Le cœur utilisé est issu d'un cochon génétiquement modifié dans un double objectif : empêcher le rejet hyperaigu et éviter la contamination du receveur par un virus endogène du porc. Grâce à l'éditing des gènes, le greffon est notamment dépourvu de sucre alpha-gal à la surface de ses cellules, ce qui permet de résoudre ce problème d'incompatibilité et de rejet aigu. D'autre part, six gènes humains associés à la tolérance immunitaire ont été introduits dans le génome porcin. De plus, une autre modification génétique par la technique des ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9 a permis de se débarrasser du matériel génétique du virus endogène porcin (PERV).

 

Il faut savoir que l'ADN viral, incorporé au sein même du génome du porc, se transmet au fil des générations de porcs. « Enfin, un gène porcin a été inactivé afin d'éviter que le cœur du cochon ne grossisse trop. Dix gènes ont été en tout modifiés dans le cochon donneur », indique le communiqué.  La biotech, Revivicor, d'où provient le cœur est la même qui avait fourni le rein modifié il y a quelques mois.

En attendant la transplantation classique

Si la FDA a autorisé cette procédure expérimentale à titre compassionnel pour David Bennett, quel est l'avenir de la xénogreffe cardiaque ? « Selon moi, la xénogreffe cardiaque serait idéalement indiquée pour les patients ayant besoin d'une suppléance cardiaque en attendant une transplantation cardiaque classique », considère le Pr Ménasché qui détaille « Pour certains patients, elle pourrait remplacer le dispositif d'assistance, beaucoup plus lourd en termes de complications thromboemboliques et infectieuses ».

 
Selon moi, la xénogreffe cardiaque serait idéalement indiquée pour les patients ayant besoin d'une suppléance cardiaque en attendant une transplantation cardiaque classique
 

Il n'est pas favorable au fait que les patients récusés pour la transplantation classique puissent avoir accès à une xénogreffe. « Je trouve que c'est surprenant de pouvoir envisager une transplantation « low-cost » » argumente-t-il préférant imaginer la xénogreffe comme une solution d'attente quand les patients sont sur liste d'attente pour une transplantation classique.  Le recul n'est pas encore suffisant pour préconiser de se passer de la transplantation cardiaque, une procédure de routine validée, au profit d'une procédure toute récente et non validée.

Que devient la thérapie cellulaire ? Piste prometteuse dans l'insuffisance cardiaque, la thérapie cellulaire continue de faire l'objet d'essais cliniques, a indiqué Philippe Ménasché. Les quelques milliers de patients ayant déjà eu accès à cette procédure ont vu pour la plupart une amélioration de leur fonction cardiaque. Pour certaines cela a permis de retarder le moment de la transplantation.

D'autres approches, plus récentes, enthousiasment le chirurgien chercheur, comme le fait d'utiliser des CAR T cells qui expriment des anticorps contre la fibrose ou bien une approche régénérative fondée sur la prolifération des cellules restantes après un infarctus du myocarde. A suivre.
 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....