Les sages-femmes autorisées à pratiquer l'IVG chirurgicale à titre expérimental

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

12 janvier 2022

Paris, France — Un décret publié à la fin de l'année dernière autorise les sages-femmes à pratiquer de manière expérimentale l'interruption volontaire de grossesse (IVG) chirurgicale. Reste que les syndicats de la profession se posent la question de la pérennité de cette expérimentation.

Pas pour tout de suite

Un transfert de compétence de plus : dans un décret publié ce 30 décembre, le gouvernement autorise, de manière expérimentale, les sages-femmes à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse expérimentale. Il s'agit en fait de la mise en application de l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Ce décret est accompagné d'un arrêté portant sur le cahier des charges que les établissements de santé devront remplir pour participer à cette expérimentation. « Étant donné les termes du décret, ces expérimentations ne devraient pas commencer avant une dizaine de mois, le temps que les hôpitaux intéressés répondent au cahier des charges, fassent acte de candidature, etc. Du coup nous sommes en stand bye et nous nous demandons si cela va rentrer dans le champ de compétence des sages-femmes dans le cadre de la loi à venir, ou si l'on va rester dans un cadre expérimental », analyse Caroline Combot, secrétaire générale adjointe de l'organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF) pour Medscape. Les expérimentations ne vont pas commencer de sitôt, en effet : selon le décret, les établissements de santé qui souhaitent participer à cette expérimentation ont quatre mois pour déposer un dossier de candidature à compter de la publication du décret, et dans un deuxième temps, l'agence régionale de santé (ARS) a trois mois pour émettre un avis sur lesdites candidatures, tandis que la publication de la liste des établissements de santé retenus pour mener cette expérimentation n'est pas attendue avant dix mois, à compter de la publication de ce décret.

Sages-femmes, conditions requises

Quelles sont les conditions requises pour postuler ? L'article 1 de ce décret liste les conditions que doivent remplir les sages-femmes pour réaliser des IVG chirurgicales. Elles doivent ainsi, outre l'expérience professionnelle, justifier d'une qualification universitaire en orthogénie, ou « d'une expérience professionnelle préalable minimale d'un an dans le domaine de la santé de la femme dont six mois en orthogénie ». Elles doivent également bénéficier d'une formation pratique, « constituée par l'observation d'au moins trente actes d'interruptions volontaires de grossesse par voie instrumentale, complétée par la réalisation d'au moins trente actes, en présence d'un médecin formé à cette activité et disposant d'une expérience en la matière de plus de deux ans ou ayant réalisé plus de soixante actes ».

Quels établissements ?

Quant à l'établissement de santé, il doit avoir défini une procédure de recours à un médecin compétent en matière d'IVG chirurgicale, avoir formalisé les conditions d'accès aux produits sanguins labiles, avoir mis en place une procédure permettant de suivre les événements indésirables graves, et avoir signé, au cas où il ne pourrait dispenser la formation pratique due aux sages-femmes, « une convention avec un établissement de santé pratiquant les interruptions volontaires de grossesse par méthode instrumentale ».

L'article 3 définit les modalités de l'appel à projet tandis que l'article 4 définit le type de financement qui échoit aux établissements sélectionnés pour mener cette expérimentation. Une évaluation nationale de cette expérimentation sera menée un an avant la fin de cet essai qui doit durer trois ans, avant d'envisager une possible généralisation.

IVG chirurgicale : les sages-femmes pas opposées, mais pas une doléance non plus

L'IVG chirurgicale n'est cependant pas une doléance de la profession des sages-femmes, comme le rappelle Caroline Combot : « C'était un besoin exprimé dans les structures car il n'y a pas suffisamment de praticiens médecins qui désiraient participer à cette activité d'orthogénie chirurgicale. Mais dès lors que cela peut aider les femmes, nous sommes partantes. Cela va aussi offrir plus de choix aux femmes, car lorsque qu’elles ne peuvent accéder à l'IVG chirurgicale, elles n'ont pas d'autre choix que de choisir l'IVG médicamenteuse, qui n'est pas forcément bien vécue par toutes et qui ne répond pas forcément à toutes leurs demandes. »

Si les sages-femmes ne sont pas opposées à cette expérimentation, elles demandent à disposer des effectifs suffisants pour pouvoir accomplir toutes les tâches qui leur sont dévolues : « Je pense que la profession va répondre de manière favorable à cette demande à condition qu'il y ait suffisamment de sages-femmes dans les établissements. Nous sommes actuellement en flux tendu et la priorité est de mettre des effectifs dans les urgences d'obstétrique. »

Loi sur la profession à venir

Caroline Combot rappelle par ailleurs qu'une loi sur la profession va bientôt être débattue au Parlement, et se pose la question de la pérennité de ce décret : « je pense que les hôpitaux ne vont pas se précipiter tout de suite. Parallèlement à ce décret, il y a une proposition de loi qui va être étudié au Sénat dans les mois à venir, et l'on peut se demander si ce décret aura une suite ou non. Actuellement nous sommes dans l'expectative. »

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