L'apixaban serait l'anticoagulant de choix dans la FA, selon une vaste étude

11 janvier 2022

Nashville, Etats-Unis – D'après une nouvelle étude, l'apixaban serait préférable au rivaroxaban comme anticoagulant oral chez les patients atteints de fibrillation auriculaire (FA) [1].

Cette étude observationnelle réalisée à grande échelle a montré, chez des patients atteints de FA âgés de 65 ans, que le traitement par rivaroxaban était associé à un risque significativement accru d'événements ischémiques ou hémorragiques majeurs en comparaison avec l'apixaban. Il a été publié en ligne dans le JAMA[1].

Etude d’envergure

Les auteurs de cette étude, publiée en ligne par le JAMA le 21 décembre dernier et dirigée par le Dr Wayne Ray (école de médecine de l'université Vanderbilt, Nashville), notent que bien que des études de cohorte rétrospectives antérieures aient examiné l'efficacité comparative du rivaroxaban et de l'apixaban dans la fibrillation auriculaire, leur analyse « apporte trois contributions distinctes aux preuves nécessaires pour guider la pratique clinique. »

Premier point à noter : avec plus de 580 000 nouveaux utilisateurs de rivaroxaban ou d'apixaban, cette étude est de taille plus élevée que les précédentes, ce qui permet une quantification plus précise de la survenue d'événements peu fréquents mais cliniquement importants, comme les hémorragies extra-crâniennes létales. Deuxièmement, contrairement à d'autres études, ce travail comprenait une comparaison entre deux doses réduites des deux médicaments, ce qui a montré un avantage encore plus grand de l'apixaban. Enfin, le principal résultat de l'étude était une mesure intégrée des principaux avantages et inconvénients de l'anticoagulation chez les patients atteints de fibrillation auriculaire.

« Nos résultats, ainsi que ceux des études observationnelles précédentes et les données pharmacocinétiques des médicaments, suggèrent que l'apixaban devrait être l'anticoagulant de choix dans la FA », affirme Wyane Ray à theheart.org | Medscape Cardiology.

Les auteurs expliquent que le rivaroxaban et l'apixaban, deux inhibiteurs du facteur Xa, représentent aujourd'hui la quasi-totalité des prescriptions d'anticoagulants oraux directs dans la FA et sont prescrits plus fréquemment que la warfarine. Deux autres anticoagulants oraux directs sont disponibles – le dabigatran et l'édoxaban – mais ils ne sont pas aussi largement prescrits.

« Il y a quatre ans, nous assistions à une compétition entre quatre chevaux en termes de nouveaux anticoagulants oraux pour la FA, puis c'est devenu une course à deux chevaux entre le rivaroxaban et l'apixaban. Aujourd'hui, il semble que l'apixaban ait gagné cette course. »

 
Aujourd'hui, il semble que l'apixaban ait gagné cette course. Dr Wayne Ray
 

Des résultats en faveur de l’apixaban

L'étude a porté sur 581 451 bénéficiaires de Medicare, atteints de fibrillation auriculaire et ayant commencé entre 2013 et 2018 un traitement par apixaban (60,9%) ou par rivaroxaban (39,1%), avec un suivi allant jusqu'à 4 ans. Le critère primaire d'évaluation était un composite d'événements ischémiques majeurs (AVC, embolie systémique) et hémorragiques (hémorragie intracérébrale, autre hémorragie intracrânienne ou hémorragie extra-crânienne fatale).

Après ajustement pour les différences de base, les patients ayant reçu du rivaroxaban présentaient un risque plus élevé du critère primaire d'évaluation (16,1/1 000 personne-années) que ceux sous apixaban (13,4/1 000 personne-années), ce qui débouche sur un hazard ratio de 1,18 (IC 95 % : 1,12 - 1,24) pour un suivi médian de 174 jours.

Le groupe rivaroxaban présentait un risque accru d'événements ischémiques majeurs et d'événements hémorragiques majeurs. Ce risque majoré a été observé à la fois pour les accidents ischémiques cérébraux (HR : 1,12) et les accidents hémorragiques cérébraux (HR : 1,48), ainsi que pour les hémorragies extra-crâniennes non fatales (HR : 2,07) et la mortalité toutes causes confondues (HR : 1,06).

Les auteurs concluent que pour 1 000 personne-années de traitement, les patients ayant reçu du rivaroxaban ont subi 2,7 AVC supplémentaires et 21,1 hémorragies non fatales supplémentaires par rapport aux patients ayant reçu de l'apixaban.

Des doses réduites de médicaments ont été prises par 23% de la cohorte. Dans ce sous-groupe, les chercheurs ont relevé une différence encore plus grande dans le résultat primaire (taux ajusté de 27,4 pour 1 000 personne-années pour le rivaroxaban contre 21,0 pour 1 000 personne-années pour l'apixaban; HR : 1,28).

Une explication par la pharmacocinétique

D'après Wayne Ray, les meilleurs résultats obtenus avec l'apixaban pourraient s'expliquer par les différences pharmacocinétiques : « Les effets de ces médicaments sont déterminés par leur taux dans le sang. A un taux optimal, il y a une bonne efficacité en termes prévention des AVC, sans beaucoup d'augmentation des saignements. Mais il s'agit d'un équilibre très délicat, et des niveaux sanguins stables sont cruciaux sur ce plan. Le rivaroxaban est administré une seule fois par jour, et les niveaux fluctuent beaucoup plus que l'apixaban, qui est à prendre deux fois par jour. La prise de rivaroxaban induit des taux hauts plus élevés, avec un risque hémorragique accru, ainsi que des bas plus bas, où la prévention des AVC est moins efficace qu'espérée. »

Wayne Ray pense que la différence plus importante dans la comparaison à doses faibles reflète la sensibilité de la population qui prend ces doses.

« Les doses faibles sont prescrites chez les patients très âgés et fragiles et ceux qui ont une masse corporelle très faible ou une fonction rénale altérée. Cette population est extrêmement sensible aux taux sanguins de ces médicaments, de sorte qu'ils sont également particulièrement sensibles aux effets d'une coagulabilité excessive ou insuffisante. »

« Cette vaste étude s'ajoute à d'autres études observationnelles antérieures de moindre envergure, qui suggéraient également des taux d'événements plus faibles avec l'apixaban qu'avec le rivaroxaban. Il y avait déjà une tendance en faveur de l'apixaban avant cette étude en raison des taux sanguins plus stables et de données précédentes, qui suggéraient que le rivaroxaban provoque plus d'hémorragies que l'apixaban. Mais notre étude fournit plus d'informations et, en raison de sa grande taille, elle a pu préciser le type d'hémorragie la plus grave, ce que les études observationnelles précédentes n'ont pas été en mesure de faire. »

Des limites

Dans un éditorial accompagnant l'article[2], les Drs Enrico Ferro, Dhruv Kazi et Peter Zimetbaum (Centre médical Beth Israel Deaconess, à Boston) avancent que « la robustesse des résultats de l'étude face à de nombreuses analyses de sensibilité est rassurante », bien que les analyses d'observation soient sujettes à d'éventuels biais [2]. Ils notent que ces résultats viennent s'ajouter à un ensemble de publications suggérant que l'apixaban est associé à un risque hémorragique plus faible et peut-être à une protection thromboembolique plus importante que celle procurée par le rivaroxaban.

Les éditorialistes soulignent que le premier signal d'une possible supériorité de l'apixaban est venu des études pivots qui ont comparé chacun des médicaments à la warfarine. Le rivaroxaban s'est révélé non inférieur à la warfarine dans la prévention des AVC ou des embolies systémiques, sans différence significative en ce qui concerne les hémorragies majeures ou la mortalité, tandis que l'apixaban était plus efficace que la warfarine dans la prévention des AVC ou des embolies systémiques tout en réduisant significativement le risque d'hémorragies majeures et la mortalité toutes causes confondues. Et de conclure que « le rapport de Ray et al représente les preuves les plus importantes et les plus contemporaines provenant de contextes cliniques sur l'efficacité et la sécurité différentielles associées à l'apixaban et au rivaroxaban », ajoutant que ces chercheurs ont pu fournir une « assurance raisonnable » que l'apixaban est plus efficace et plus sûr que le rivaroxaban pour les patients atteints de FA.

Par ailleurs, commentant l'étude pour theheart.org | Medscape Cardiology, le Dr Manesh Patel (université Duke, à Durham), qui a participé à l'étude pivot ROCKET AF sur le rivaroxaban versus warfarine, s'est dit surpris par le fait que cette étude ait été publiée dans le JAMA : « Il existe clairement de nombreuses variables non mesurées. Les taux non ajustés de presque tous les événements (AVC et hémorragies) étaient inférieurs avec le rivaroxaban, et ce n'est qu'après ajustement que l'apixaban a présenté des taux inférieurs. »

Manesh Patel a également souligné que la dose réduite d'apixaban n'a été étudiée que chez environ 500 patients dans des essais randomisés, mais qu'elle a été utilisée chez 23% des patients de Medicare dans cette étude, ce qui suggère qu'elle est prescrite hors indication chez de nombreux patients « avec des taux d'événements observés plus élevés mais, après ajustement d'une manière ou d'une autre, cela conduit à des résultats sensiblement meilleurs, sans changement dans la mortalité observée. »

Invité à commenter l'étude, un porte-parole de Johnson & Johnson, qui commercialise le rivaroxaban sous le nom de Xarelto aux États-Unis, a déclaré que « les études rétrospectives ont des limites. Seuls des essais cliniques prospectifs en tête-à-tête permettent de comparer directement la sécurité et l'efficacité de médicaments individuels. Or, aucune étude de ce type n'a été réalisée avec l'apixaban et le rivaroxaban. Le Xarelto est l'anticoagulant oral du facteur Xa le plus étudié au monde, avec un profil d'efficacité et de sécurité éprouvé. Tous les anticoagulants présentent un risque d'hémorragie, et les informations de prescription du Xarelto ont toujours mis en garde contre ces risques. »

L'étude a été soutenue par une subvention du National Heart, Lung, and Blood Institute (NHLBI).

Le Dr Wayne Ray a déclaré avoir reçu des subventions du NHLBI pendant la réalisation de l'étude. Les éditorialistes ne signalent aucun conflit d'intérêt éventuel.

Cet article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé Apixaban: The 'Anticoagulant of Choice' for AF .Traduction par le Dr Claude Leroy.

 

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