Comment fonctionne le laser dermatologique ?

Dr Zaira Dennis Chávez López

Auteurs et déclarations

10 janvier 2022

L'expansion des lasers en médecine a commencé au début des années 1960. Depuis, leur disponibilité a ouvert un large éventail d'applications, notamment dans le domaine des affections dermatologiques. Dans cet article, les aspects clés des lasers sont passés en revue : définition, procédés, utilisations.

Définition

Le mot « laser » est l'acronyme anglais de Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation (« amplification de la lumière par émission stimulée de radiations »). [1]

Le terme « laser » désigne à la fois l’effet physique, celui du faisceau laser, et l’appareil correspondant, la machine laser, la source laser.

Que signifie « émission stimulée de rayonnement » ? Le principe de l’émission stimulée (ou émission induite) est un phénomène physique décrit pour la première fois en 1917 par Albert Einstein. Ce principe est au cœur de la fonctionnalité et de l’utilisation du laser. La théorie du physicien était qu'un photon d'énergie électromagnétique pouvait stimuler un atome excité avec une énergie de transition correspondante, afin d’émettre un autre photon avec la même énergie, permettant ainsi une multiplication rapide des photons, dans un processus similaire à une réaction en chaîne.[2]

Au regard de cette approche, le laser apparait comme un dispositif qui amplifie la lumière et la rassemble en un faisceau étroit au sein duquel ondes et photons associés se propagent en phase, au lieu d'être arbitrairement distribués. Cette propriété rend la lumière laser extrêmement directionnelle et d'une grande pureté spectrale.

Le laser est donc un appareil fournissant un rayonnement lumineux directif et quasiment monochromatique grâce à une émission stimulée de radiation.[2]

Caractéristiques particulières à la lumière laser

Les lasers émettent des faisceaux de lumière monochromatiques (rayonnements ayant tous la même radiation, la même longueur d'onde), dits cohérents (les ondes électromagnétiques se propagent de manière fixe dans l'espace et le temps), collimatés (dont les rayonnements sont quasiment parallèles et se déploient lentement quand ils se propagent) et de haute intensité.

Une révolution dans l’utilisation des lasers en médecine s’est opérée au début des années 1980 avec le développement de la théorie de la photothermolyse sélective, qui décrit les paramètres par lesquels la lumière peut être utilisée de manière sélective afin de détruire certaines cibles sur la peau, par absorption sélective de la lumière et confinement spatial. [3] 

L’effet d’un appareil laser dépend à la fois des propriétés de la lumière émise par la peau et de l’interaction de cette lumière avec les chromophores (par exemple, la mélanine des cheveux et des poils est un chromophore dans l’épilation au laser).

Les principes qui composent la théorie de la photothermolyse sélective sont :[4]

  • La longueur d’onde de la lumière utilisée doit être préférentiellement absorbée par le chromophore cible et pénétrer dans la peau à une profondeur suffisante.

  • La lumière doit être projetée sur une période suffisamment courte afin d’éviter un transfert de chaleur excessif vers les structures adjacentes.

  • L’énergie délivrée par unité de surface (appelée fluence), par le tir de laser, doit être assez puissante pour exercer l’effet thérapeutique souhaité, mais doit également respecter un niveau minimisant les dommages collatéraux aux tissus avoisinants.

La longueur d’onde et la durée d’impulsion sont les paramètres laser les plus importants qui dirigent les effets du faisceau lumineux laser sur la peau. La fluence ou l’irradiance (définies par l’intensité de la source laser) et la taille du spot lumineux sont des paramètres supplémentaires qui influencent les résultats cliniques. [5]

Utilité de la lumière monochromatique

Contrairement à la lumière blanche, le laser est une lumière monochromatique, unidirectionnelle et cohérente. Les photons composant le laser sont identiques et se propagent tous dans la même direction et avec la même fréquence et la même direction, par le principe de cohérence.

La plupart des lasers ciblent les chromophores spécifiques, qui sont des structures biologiques avec un spectre d’absorption lui-même spécifique.

Les deux chromophores les plus courants sont l’hémoglobine contenue dans les globules rouges et la mélanine présente dans les mélanosomes (organites apparentés aux lysosomes, qui sont le lieu de synthèse et de stockage de la mélanine).

 
Les deux chromophores les plus courants sont l’hémoglobine contenue dans les globules rouges et la mélanine présente dans les mélanosomes.
 

Le spectre d’absorption est la quantité de lumière absorbée à différentes longueurs d’onde.

L’idée est ainsi de faire correspondre une longueur d’onde d’absorption maximale à la longueur d’onde du laser, permettant d’avoir des effets cliniques satisfaisants.[6]

Le laser ablatif 

Un laser ablatif agit en vaporisant un tissu ― la vaporisation étant l’action de détruire par la chaleur. Il existe différents types de laser qui entrainent différents types de réactions ablatives.

- Les lasers Erbium : Yttrium Aluminium Grenat (Er : YAG), en raison de leur absorption en eau particulièrement élevée, ils permettent une ablation quasiment pure avec très peu d’échauffement thermique collatéral.

- Les lasers au dioxyde de carbone absorbent moins d’eau et offrent donc moins d’ablation pure et davantage de chaleur collatérale. Cette chaleur provoque des dommages thermiques à la fois positifs et négatifs.

Si l’on s’intéresse aux effets positifs, la chaleur émise provoque tout d’abord la contraction du collagène puis la stimulation d’un nouveau collagène, aidant à la cicatrisation d’un tissu. Elle permet également l’obturation des vaisseaux sanguins, la réduction des saignements et l’obstruction des terminaisons nerveuses, entrainant une diminution de la douleur.

En ce qui concerne les effets négatifs, nous pouvons citer l’exemple de l’hypopigmentation, due à des dommages accidentels, tels que la destruction des mélanocytes adjacents, ainsi que l’apparition de cicatrices, secondaires à cette chaleur collatérale excessive.[7,8]

Figure 1. Traitement du rhinophyma (a) à l’aide du laser au dioxyde de carbone (b) Source :  Madan V. Journal de chirurgie cutanée et esthétique

Le laser non ablatif

La plupart des lasers ont la capacité de fournir de l’énergie de manière non ablative ou non vaporisante.

Les lasers à colorant pulsé, à l’alexandrite à impulsion longue, au grenat d’yttrium et à l’aluminium dopé au néodyme (Nd : YAG), ainsi que de nombreux lasers à diode fournissent de l’énergie pour éviter l’ablation des tissus.

Il s’agit en réalité du but princeps de la photothermolyse sélective ; celui de fournir de l’énergie de manière non ablative, permettant de détruire directement certaines cibles cutanées sans endommager les structures adjacentes.

Le laser non ablatif dispose d’une propriété intéressante, celle du refroidissement.

Il est important de savoir que le principe de refroidissement de l’épiderme le protège des dommages, permettant de délivrer de plus grandes quantités d’énergie lumineuse au niveau du derme. Le refroidissement du derme a un effet similaire, réduisant ainsi le transfert de chaleur vers les tissus adjacents, plus profonds, non ciblés.

Enfin, le refroidissement permet une réduction de la douleur, ce qui est fait une propriété clinique intéressante. [9,10,11]

Figure 2. Nd : Détatouage au laser YAG Q-qwitched. (a) Avant le traitement. (b) Dépigmentation 7 jours plus tard. (c) Cicatrisation 1 mois après traitement par laser avec correction spontanée de la dépigmentation. Source : Shah SD. Journal de chirurgie cutanée et esthétique

Classification des différents types de lasers dermatologiques

Les lasers sont généralement classés en fonction du support laser qui génère la lumière, de la longueur d’onde spécifique, de la durée d’impulsion, ainsi qu’en fonction de leurs utilisations cliniques, dans le domaine dermatologique.

Type de laser

Longueur d'onde

Durée d’impulsion

Applications cliniques

Dioxyde de carbone (CO 2) [7]

10 600 nm

Millisecondes

  • Destruction des tumeurs bénignes

  • Rajeunissement ablatif de la peau

  • Traitement des cicatrices

 

Er : YAG [8,12]

2940 nm

Millisecondes

  • Ablation de tissus purs

  • Traitement des rides fines et des cicatrices

 

Colorant pulsé [13]

577 à 600 nm

Millisecondes

  • Élimination des lésions vasculaires

  • Rajeunissement cutané non ablatif

  • Amélioration des cicatrices.

  • Lentigos*

  • Élimination des verrues virales

  • Traitement de la rosacée

  • Réduction de la poïkilodermie de Civatte**

 

Nd : YAG [11]

1 064 nm

Nanosecondes (Q-switché) ou millisecondes

  • Détatouage noir et bleu

  • Lentigos

  • Resurfaçage laser non ablatif

  • Épilation

  • Lésions vasculaires

 

KTP [14]

532 nm

Nanosecondes (Q-switched ) ou millisecondes

  • Détatouage rouge

  • Lésions vasculaires

  • Lentigos

 

Alexandrite [15]

755 nm

Nanosecondes (Q-switched ) ou millisecondes

  • Détatouage vert

  • Lentigos

  • Épilation

  • Lésions vasculaires

 

Rubis [16,17]

694 nm

Nanosecondes (Q-switched) ou millisecondes

  • Détatouage noir et bleu

  • Épilation

 

Diode [18]

810 nm

Millisecondes

  • Épilation

 

1 350 à 1 450 nm

  • Resurfaçage *** laser non ablatif

 

Chlorure de xénon (excimère) [19,20]

308 nm

 

  • Traitement du vitiligo

  • Traitement du psoriasis

(*) Le lentigo est une zone d’hyperpigmentation formant des taches brunes, conséquence d’une accumulation de mélanine due à l’exposition solaire.

(**) L’érythrosis coli ou poïkilodermie de Civatte se caractérise par une décoloration de la peau principalement sur le cou, la poitrine et les joues. Existent peuvent s’associer une coloration de la peau en brun rougeâtre, l’apparition de télangiectasies et un amincissement de la peau. Elle tire son nom du dermatologue français Achille Civatte qui l’a décrite pour la première fois en 1923. Elle est aussi appelée 'vieillissement solaire'.

(***) Le resurfaçage ou relissage ou rajeunissement cutané est un traitement qui crée des colonnes d’inflammation à l’endroit traité, stimulant les fibroblastes, cellules synthétisant du collagène et de l’élastine. Cette production de collagène étant à l’origine du resurfaçage cutané.

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