Paris, France – L'infection au Sars-CoV-2 provoque différentes manifestations cliniques, maintenant bien décrites, au premier rang desquelles on retrouve la pneumopathie mais aussi les myocardites ou encore l'encéphalite. A côté de ces atteintes fréquentes, quelques rares cas de troubles musculosquelettiques (TMS) dans les suites de l'infection virale ont aussi été rapportés dans la littérature, sans qu'on en connaissance la prévalence.
Présentée sous forme de poster lors du congrès annuel de la Société Française de Rhumatologie ( SFR 2021 ) qui s'est déroulé du 12 au 14 décembre à Paris, une étude française révèle que près de 9% des patients ont des TMS dans les 90 jours suivant l'hospitalisation pour Covid-19[1]. Ces patients sont plus âgés et plus comorbides que la moyenne des patients ayant été hospitalisés pour Covid-19.
Plus de 15 000 patients de l'AP-HP
Pour cette mener cette étude, une cohorte observationnelle a été établie à partir des données l'Entrepôt de données de santé (EDS), une base comprenant l'ensemble des données des patients admis dans les 39 hôpitaux de l'AP-HP.
Différents mots-clés (arthralgie, synovite, spondylarthrite, ténosynovite, enthésite, lombalgie, radiculalgie) ou les codes correspondants ont été recherchés dans les comptes-rendus.
« Finalement, on a trouvé 17 000 patients avec une PCR positive réalisée à l'AH-HP et qui avaient été hospitalisés dans un service de l'APHP entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020. Nous avons exclu ceux qui avaient des antécédents de TMS », a expliqué le Dr Anna Molto (rhumatologue, hôpital Cochin, Paris).
L'analyse a donc porté sur 15601 patients. Parmi eux, 1370, soit 8,8 % de la cohorte, ont présenté des TMS jusqu'à 90 jours après la PCR positive. Les lombalgies (32,9%), les douleurs articulaires (29,9%), les douleurs radiculaires (20,2%) et les épanchements articulaires/arthrites (22,8%) étaient les symptômes les plus fréquemment rapportés.
« Nous avons ensuite regardé les caractéristiques des patients présentant des manifestations musculosquelettiques », a-t-elle indiqué. Ces patients étaient plus âgés (67 ans contre 64 ans, p<0,01), plus fréquemment obèses (29% contre 25%, p=0,03), hypertendus (34% contre 30%, p<0,01) et diabétiques (21% contre 18%, p<0,01). Le traitement du SRAS-CoV2 était légèrement différent dans les deux groupes, avec des taux de prescription de corticostéroïdes (40,7 % contre 29,0 %, p<0,01), d'antiviraux (21,5 % contre 15,3 %, p<0,01) et d'immunosuppresseurs (8,5 % contre 4,5 %, p<0,01) plus élevés dans le groupe présentant des TMS.
Deux résultats étonnants
S'il n'y avait pas de différence significative entre les groupes en ce qui concerne le sexe et le taux d'admission en soins intensifs (31% versus 29%), « curieusement, on a retrouvé une mortalité nettement inférieure chez ceux qui avaient des TMS comparé à ceux qui n'en avaient pas », témoigne l'oratrice.
Interrogée par la modératrice de cette session, le Pr Corinne Miceli-Richard (rhumatologue, hôpital Cochin, Paris) sur cette moindre mortalité dans une population plus âgée et plus comorbide et donc à priori à plus fort risque de mortalité, Anna Molto dit considérer ce « résultat incompréhensible ». « Je me suis posée la question des corticoïdes. Comme ces patients ont des manifestations articulaires, ont-ils été mis plus rapidement sous corticoïdes », s'interroge-t-elle.
Il existe aussi un biais de sélection, c'est-à-dire que seuls les patients qui ont survécu pouvaient présenter des TMS jusqu'à 90 jours, mais aussi un biais de rapport, à savoir qu'une douleur au genou n'est peut-être pas recherchée et/ou mentionnée sur un compte-rendu de réanimation.
Autre résultat étonnant : la prévalence de l'arthrite. Si on peut imputer à l'âge la fréquence des lombalgies et les arthralgies, il n'explique pas la fréquence de l'arthrite qui concerne quasiment un quart des patients avec une manifestation précoce musculosquelettique post-Covid. « Comme ces patients sont comorbides, je me demande s'ils n'ont pas des poussées de goutte pendant l'hospitalisation liées à la prise de diurétiques », indique Anna Molto.
Reste maintenant à évaluer si ces TMS à 90 jours de la PCR positives sont associés au Covid long.
Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Près de 9% de troubles musculosquelettiques trois mois après une hospitalisation pour COVID - Medscape - 4 janv 2022.
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