Maladies auto-immunes et vaccin anti-COVID-19 : quelle efficacité et quels risques ?

Caroline Guignot

28 décembre 2021

Paris, France – Les patients atteints de maladies musculo-squelettiques inflammatoires/auto-immunes (I-RMD) sont plus réticents à se faire vacciner contre le Covid, par crainte des effets secondaires ou de la réactivation de la maladie, malgré des données rassurantes sur le vaccin anti-HPV ou anti-VHB. Plusieurs communications ayant eu lieu dans le cadre du congrès de la Société Française de Rhumatologie (12-14 décembre 2021, Paris) offrent quelques données sur le sujet [1].

5 121 patients dans 30 pays européens

EULAR-COVAX a été initié par l’EULAR au niveau européen pour évaluer de façon fiable la tolérance notamment sur le risque de rechute de la maladie inflammatoire après vaccination. Les médecins ont été invités à remplir un questionnaire en ligne lorsqu’un patient atteint d’I-RMD avait bénéficié d’au moins une injection vaccinale contre le Covid. À titre de comparaison, ils étaient aussi invités à en faire de même pour des sujets ayant une pathologie rhumatologique mécanique (PRM) [2].

Ainsi, entre février et juillet 2021, 5 121 patients ont été recrutés (dont 10% de PRM), issus de 30 pays européens. Parmi les patients atteints d’I-RMD, 58% étaient atteints de RIC, 30% de connectivite ou vascularite. Les traitements en cours étaient dans plus de la moitié des cas des traitements de fond synthétiques conventionnels (54%, principalement le méthotrexate), et dans 46% des cas des traitements biologiques ou ciblés. La vaccination a été principalement conduite avec le vaccin Pfizer/BioNTech (70%), suivi du vaccin AstraZeneca/Oxford (17%) et Moderna (8%).

Sur le plan des rechutes de la maladie auto-immune, on comptait 4,4% de poussées dont 0,6% de poussées sévères, nécessitant une modification thérapeutique pour 1,5% des patients. Le taux de poussées était équivalent dans les différentes pathologies.

Sur le plan de la tolérance, les médecins ont rapporté 37% d’effets indésirables (EI) bénins : leur fréquence et leur nature étaient équivalentes à celles rapportées dans les essais cliniques. Parallèlement, les EI sévères étaient retrouvés dans 0,4% des cas (soit 17 patients : IDM, hépatite sévère, AVC, zona...). Ces chiffres étaient respectivement de 40% et de 1,9% dans le groupe de PRM, ce dernier pouvant être issu d’un biais de sélection (sélection des patients PRM lorsqu’ils avaient eu des EI graves). Aucun décès n’était rapporté (biais de sélection, les patients inclus devant être recrutés en consultation).

Ce registre est le plus large à avoir été conduit parmi une population souffrant de pathologie auto-immune, toutes spécialités confondues. Il suggère un taux de rechute satisfaisant et des EI rares et probablement non liés à la vaccination. Ceci doit rassurer les rhumatologues et leurs patients sur les risques associés au vaccin.

Quels autres signaux d’efficacité ?

En termes de réponse vaccinale chez les patients atteints de maladies auto-immunes et inflammatoires, plusieurs études ont été présentées, notamment celles du registre MAJIK-SFR (NCT04602091) qui visaient à évaluer le taux des anticorps IgG ou totaux anti-protéine spike chez des patients sous anti-JAK (Janus Kinases) et ayant eu un schéma vaccinal complet (ou une injection et une maladie COVID-confirmée) [3]. Il a permis de recruter 113 patients dont 86,7% atteints de PR et qui étaient traités par baricitinib dans un cas sur deux (26,5% tofacitinib, 23,9% upadacitinib). Parmi eux, le taux de séroconversion était de 88,5%, avec un taux de non-réponse de 25,9% sous upadacitinib vs 8,9% sous baricitinib et 3,3% sous tofacitinib. L’intervalle entre la dernière injection et la sérologie tendait à être légèrement plus long chez les non-répondeurs et chez les patients âgés ≥65 ans. Ces données devront être validées mais peuvent suggérer qu'une évaluation sérologique soit discuter pour guider la décision clinique (3e dose de vaccin et/ou vaccination familiale).

 
Il semble donc justifié de proposer une 3ème dose à tous les patients ayant reçu une injection de RTX moins de 6 mois avant la 1ère injection vaccinale.
 

Parallèlement, une évaluation sérologique d'un schéma vaccinal à deux doses a été menée chez des patients atteints de maladie auto-immune traités par rituximab (RTX) ou d’autres traitements interagissant avec l'immunité et des sujets contrôles [4]. Dans cette petite étude, ceux sous RTX avaient moins d’IgG anti-Spike que les patients sous d’autres traitements ou que les sujets contrôles. Le pourcentage de répondeurs était ainsi plus faible parmi eux : 29,2% vs 79,4% et 92,2% dans les deux autres groupes (p<0,0001). La réponse humorale était donc significativement altérée chez les patients traités par rituximab, sans différence sur le plan de la réponse cellulaire T CD4. Il semble donc justifié de proposer une 3ème dose à tous les patients ayant reçu une injection de RTX moins de 6 mois avant la 1ère injection vaccinale.

 

Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.

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