Paris, France — Olivier Véran a annoncé avec tambours et trompettes le déblocage de 1,8 milliard d’euros pour les établissements de santé. Des médecins engagés pour le sauvetage de l’hôpital public y voit une opération de communication.
« Attention, je vous invite à faire preuve de la plus grande prudence quant aux déclarations tonitruantes du gouvernement, ils ont le chic pour annoncer plusieurs fois des sommes qui de toute manière avaient été budgétées. Il n'y a pas eu à ma connaissance de loi rectificative de financement, donc il n'y a pas eu de financement complémentaire. Faire de la communication de cette manière est absolument intolérable », se désole le Dr Anne Gervais, membre du collectif inter-hôpitaux, à propos de l'annonce faite un peu plus tôt dans la journée, concernant le déblocage de 1,8 milliard d'euros supplémentaires.
« Non, il n'y a pas de rapport entre notre mobilisation et la publication de cette circulaire. De toute manière, ce n'est pas cela qui va nous calmer », confirme le Dr Bernard Granger, reçu à l'Élysée pour partager avec la présidence les doléances des quelques 2600 médecins de l'APHP qui ont signé une lettre témoignant de leur désarroi et de leur inquiétude pour le CHU francilien, lequel étouffe sous la bureaucratie parisienne.
Quoi qu'il en soit, après la mobilisation des hospitaliers du 4 décembre dernier, la signature par quelque 2600 médecins de l'APHP de leur lettre à l'Élysée, ce déblocage de fonds, annoncé de manière tonitruante, donne l'impression qu'Olivier Véran est à l'écoute des médecins hospitaliers.
« Comme en 2020, les établissements de santé ont pu compter sur le soutien plein et entier de l’Etat et de la solidarité nationale », commence le communiqué de presse du ministère de la Santé. De fait, cette nouvelle enveloppe de 1,8 milliard d'euros correspond bel et bien à de l'argent budgété de longue date : « J’ai ainsi souhaité que soit versé dès la troisième circulaire l’ensemble des crédits de compensation des surcoûts budgétés à l’automne et au vu des prévisions d’exécution et de l’avis des fédérations, tenu à débloquer dès à présent le gel prudentiel », a précisé le ministre de la Santé.
PLFSS 2021
En réalité, c'est la loi de financement de la sécurité sociale 2021, publiée en décembre 2020, qui avait provisionné les sommes annoncées par le ministre de la santé.
Ainsi, le PLFSS prévoyait « qu'en intégrant une nouvelle provision au titre de la gestion de crise liée à l'épidémie de covid, les dépenses de l'ONDAM 2021 sont estimées à 225,4 milliards d'euros ».
Et d'ajouter : « Jusqu'à une date précisée par décret, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2021, afin de lutter contre l'épidémie de Covid-19, des règles de prise en charge renforcée des frais de santé ainsi que des conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces, dérogatoires au droit commun, peuvent être prévues par décret. »
Par ailleurs, le ministre de la santé annonce également le dégel d'une « somme prudentielle », ce qui, là aussi, n'est pas en soi une mesure exceptionnelle. En prévision de débordement budgétaire des établissements de santé par rapport à l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (Ondam), depuis plusieurs années, le ministère de la santé gèle une partie des crédits dévolus aux établissements de santé. Cette année, le montant des crédits gelés correspondait à 0,7% de l'enveloppe des tarifs hospitaliers. La campagne tarifaire s'étant déroulée sans encombre, le ministre a donc décidé, indépendamment de la crise sanitaire et de la grogne des hospitaliers, de dégeler ces crédits qui correspondent à une part conséquente des quelque 1,8 milliard d'euros annoncé par Olivier Véran.
En 2018, par exemple, la ministre de la Santé de l'époque Agnès Buzyn, avait dégelé 415 millions d'euros pour les établissements de santé.
Santé publique
Au travers des différentes campagnes tarifaires déployées cette année, ce sont donc 2,8 milliards d'euros que le gouvernement a consacré à destination des établissements de santé, pour faire face à la crise sanitaire, et à la mise en place d'autres mesures exceptionnelles comme les revalorisations salariales des accords du Ségur de la santé. Sur ces 2,8 milliards,1,2 milliard accompagne « les impacts financiers directs de l'épidémie de Covid-19 sur les budgets des établissements de santé ».
Dans cette troisième circulaire, ce sont plus de 800 millions d'euros qui viennent compenser « les surcoûts et pertes de recettes de fonctionnement engendrés par la crise », dont 200 millions pour prendre en charge « la stratégie de dépistage et de vaccination ».
Aussi, 650 millions d'euros sont consacrés aux accords du Ségur de la santé, dont « 80M€ de crédits supplémentaires sont alloués en faveur des revalorisations des étudiants et internes en médecine, ainsi que 3M€ pour initier le déploiement des conseillers en transition énergétique et écologique en santé et assurer le financement des « hôtels hospitaliers ».
Pour renforcer les plans de santé publique, notamment le secteur de la santé mentale et de la pédopsychiatrie, le ministère de la santé a débloqué 190 millions d'euros. « La recherche et l’innovation en santé se voient également octroyées près de 150 M€ en faveur notamment du développement des systèmes d’informations hospitaliers dans le cadre des programmes Hop’EN et Symphonie pour près de 100M€." »
Ces crédits de fin d'année n'ont pas l'heur, néanmoins, de bouleverser Bernard Granger : « Nous étions 4 à signer cette lettre au président de la République sur l'état de l'APHP et nous sommes maintenant 2600. Cet appel à l'aide correspond à un désarroi profond des médecins hospitaliers et nous n'avons pas de réponse à nos doléances pour le moment ».
« Il serait bénéfique que l'Élysée se rende compte que le Ségur de la santé est loin de résoudre nos problèmes », ajoute Anne Gervais.
Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: 1,8 milliard d’euros pour les hôpitaux : les médecins sceptiques - Medscape - 24 déc 2021.
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