Virtuel – Un des défis majeurs, ou obstacles selon sa disposition d'esprit, dans la prise en charge de l'hypertension artérielle est de savoir si le comportement des patients est concordant avec les recommandations de son médecin. Autrement dit, ce dernier doit s'assurer de l'observance des traitements antihypertensifs tout en veillant à ne pas abîmer la relation de confiance avec son patient. Pas simple. Aussi à l'occasion de la 41ème Journée de l’hypertension artérielle (JHTA2021), organisée en ligne, la Pr Laurence Amar (médecin vasculaire, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris), spécialiste de la prise en charge de l'hypertension, a livré ses trucs et astuces[1]. Elle exerce dans le centre hypertension de l'HEGP où une unité spécifique est dédiée à l'observance.
Le dosage des médicaments, la méthode de référence
« Pendant longtemps, on a utilisé des techniques intermédiaires pour évaluer les difficultés d'observance des patients : des questionnaires d'observance, des piluliers connectés, la fréquence cardiaque sous bêtabloquant, la rénine chez les patients sous diurétique... » introduit Laurence Amar. « Mais depuis quelques années, on s'est rendu compte grâce au dosage urinaire de médicament que des patients pour lesquels il ne faisait aucun doute pour nous qu'ils prenaient leur médicament étaient en fait peu observants », poursuit-elle.
Le dosage de médicament est réalisé sur un échantillon urinaire analysé par chromatographie liquide couplée à une spectrométrie de masse. Le résultat est qualitatif, c'est-à-dire soit positif, soit négatif pour une molécule donnée. S'il est négatif, cela signifie que le médicament n'est pas pris. Plusieurs médicaments peuvent être dosés dans un même échantillon. « La majorité des médicaments anti-hypertenseurs ont une demi-vie entre cinq et quinze heures, ce qui permet de conserver une bonne sensibilité de détection de l'inobservance », détaille le Dr Benjamin Kably, biologiste à l'HEGP.
A qui proposer un dosage des médicaments ?
La Pr Laurence Amar indique qu'elle fait la proposition à ses patients non-contrôlés car elle suspecte chez eux des difficultés d'observance. Elle leur demande de revenir en consultation trois semaines ou un mois après [les résultats]. Pourquoi ? « Je me suis rendue compte que c'était plus facile d'ouvrir la discussion quand on parle au passé », justifie-t-elle. Cette stratégie est moins frontale et permet de ne pas mettre à mal la relation médecin-patient.
« Si le résultat indique une mauvaise observance, je dis au patient qu'il y avait un problème avec les médicaments il y a trois semaines, quand il y a eu le prélèvement urinaire. J'explique que certains médicaments, ou tous les médicaments, ne sont pas détectés », explique-t-elle. A ce moment-là, elle distingue deux catégories de patients : ceux qui de suite révèlent leurs difficultés d'observance et ceux qui les nient. Pour les premiers « qui ont ouvert une brèche », la consultation se poursuit pour trouver une nouvelle stratégie d'observance. La spécialiste indique qu'elle a recours à différentes techniques pour améliorer l'observance : ajuster les horaires de prise des médicaments au mode de vie du patient, diminuer le nombre de prises ou encore rediscuter des effets indésirables.
« Ça, c'est la bonne situation, c'est-à-dire lorsque le patient dit assez facilement qu'il avait des difficultés avec la prise de ses médicaments ».
Stratégie pour les patients qui nient totalement
Et puis, il y a l'autre situation, qui complique la discussion, quand les patients disent fermement ne pas comprendre le résultat négatif et déclarent prendre leur médicament.
« J'insiste un peu et j'explique que lorsqu'on prend un médicament, on le retrouve dans le sang puis dans les urines. Et je retourne la situation en demandant à mon patient s'il prend d'autres traitements médicamenteux pour lesquels il aurait des difficultés », explique la Pr Laurence Amar. Là encore, « une brèche » peut s'ouvrir.
En revanche pour certains patients, la discussion est impossible. Alors Laurence Amar raconte changer totalement de stratégie puisqu'elle va modifier la prescription. « Je dis que l'absence de médicaments dans les urines signifie que ces médicaments ne pouvaient pas fonctionner. Je dis que je vais du coup modifier le traitement. Je refais un dosage le jour même et je préviens le patient qu'un nouveau dosage sera réalisé un mois plus tard », indique-t-elle, précisant qu'elle changeait la molécule mais pas la classe du médicament. « Le fait de repartir sur une autre base en leur disant qu'on va doser jusqu'à ce qu'on y arrive offre la possibilité de ne pas revenir sur ce qu'il s'est passé et de ne pas entrer en conflit », analyse-t-elle.
Avec cette stratégie, les patients comprendraient que le médecin sait qu'ils ne prenaient pas leur médicament mais que le choix de l'apaisement avait été fait.
Veiller à la relation de confiance
Faut-il révéler aux patients l'objectif du dosage de médicament ? « On conseille d'expliquer aux patients ce qu'on fait à chaque étape pour conserver la relation de confiance même si c'est difficile de dire qu'on va la vérifier », indique la Dr Khadija Lahlou Laforêt, psychiatre au centre hypertension de l'HEGP. Elle propose de présenter le dosage de médicaments comme un examen de base. « On peut aussi dire qu'on cherche s'il n'y a pas trop d'oubli ou qu'on cherche à évaluer la prise régulière du traitement », poursuit-elle. Pour elle, « chaque médecin devrait trouver les mots » et donc ne pas avoir peur d'aborder le sujet sans cacher l'objectif du dosage de médicament.
Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: HTA : Trucs et astuces pour évaluer l'observance - Medscape - 27 déc 2021.
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