Mystère autour du retrait de la dapagliflozine dans l’indication diabète de type 1 dans l'UE

Liam Davenport

Auteurs et déclarations

20 décembre 2021

Europe – L’ISGLT2 dapagliflozine (Forxiga, AstraZeneca) a été retiré du marché dans tous les pays de l'UE dans l'indication diabète de type 1. Cette annonce choc, mais discrète, a été faite par le laboratoire[1].

Le retrait concerne notamment le Royaume-Uni, qui faisait partie de l'UE lorsque la dapagliflozine a été approuvée pour le diabète de type 1 en 2019.

AstraZeneca a déclaré que la décision n’était pas motivée par des problèmes de sécurité, mais souligne néanmoins un risque accru d'acidocétose diabétique associé aux inhibiteurs du SGLT2 chez les personnes atteintes de diabète de type 1.

L'acidocétose diabétique est un effet secondaire potentiellement dangereux résultant de l'accumulation d'acide dans le sang et s'accompagne normalement de taux de glucose très élevés. Elle est signalée comme un effet secondaire potentiel dans le diabète de type 2, mais est plus fréquente chez les personnes atteintes de diabète de type 1. Elle peut également se produire sous forme d'acidocétose diabétique « euglycémique », qui est une cétose avec des taux de glucose relativement normaux (et donc plus difficiles à détecter pour les patients). On pense que l'acidocétose diabétique euglycémique est plus à risque chez les personnes atteintes de diabète de type 1 que chez celles atteintes de diabète de type 2.

FRDJ International, une organisation caritative mondiale de premier plan dans le diabète de type 1, a demandé à AstraZeneca dans un communiqué « d'expliquer aux personnes touchées par le diabète de type 1 pourquoi le médicament a été retiré ».

L’association a ajouté que la dapagliflozine est le « seul médicament à part l'insuline » à être autorisé en Europe pour le traitement du diabète de type 1 et représente une « avancée majeure depuis la découverte de l'insuline il y a 100 ans ».

Les ISLGT2 jamais été approuvés pour le DT1 en France et aux États-Unis

La dapagliflozine et d’autres inhibiteurs du SGLT2 étaient déjà approuvés pour le traitement du diabète de type 2 depuis plusieurs années lorsque la dapagliflozine a été autorisée début 2019 par l’Europe pour le traitement des adultes atteints de diabète de type 1 sur la base de la série d'essais de phase 3 DEPICT.

Les inhibiteurs du SGLT2 ont également récemment montré des avantages dans d'autres indications, telles que l'insuffisance cardiaque et les maladies rénales chroniques - même en l'absence de diabète - laissant certains les qualifier de « nouvelle classe de médicaments miracles ».

Suite à l'approbation de l'UE en 2019 pour le diabète de type 1, la dapagliflozine a ensuite été recommandée dans cette indication par le National Health Service (NHS) en Angleterre et au Pays de Galles mais ni en France ni aux Etats-Unis.

L’indication du DT1 a aussi été refusée par les deux pays pour un autre inhibiteur du SGLT2, l'empagliflozine (Jardiance, Boehringer Ingelheim).

 « Pas de raison de sécurité », selon AZ

L'annonce de l'arrêt de la dapagliflozine dans l'indication du diabète de type 1 chez l’adulte deux ans et demi seulement après son approbation dans l'UE est une surprise, d'autant plus qu'elle a été faite sans fanfare, le mois dernier.

Au Royaume-Uni, AstraZeneca a envoyé une lettre aux professionnels de santé le 2 novembre indiquant qu'à partir du 25 octobre, la dapagliflozine 5 mg n'était « plus autorisée » pour le traitement du diabète de type 1 et « ne devrait plus être utilisée » dans cette population de patients.

Cependant, le laboratoire a souligné que les autres indications de la dapagliflozine 5 mg et 10 mg n'étaient « pas affectées par ce changement », et qu'elle reste disponible pour les adultes atteints de diabète de type 2, d’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection réduite et d’insuffisance rénale chronique.

Dans la lettre, envoyée par Tom Keith-Roach, président d'AstraZeneca UK, la société affirme que la suppression de l'indication diabète de type 1 n'est « pas due à un problème de sécurité » dans aucune indication, y compris le type 1 diabète.

Il poursuit néanmoins en soulignant que l’acidocétose diabétique est un effet secondaire fréquent connu de la dapagliflozine dans le diabète de type 1.

Dans une déclaration distincte, AstraZeneca a déclaré que la décision de supprimer l'indication avait été prise « volontairement » et avait été « convenue » avec l'Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) en Grande-Bretagne et l'organisme équivalent en Irlande du Nord.

AstraZeneca a déclaré à Medscape Medical News que des communications similaires sur le retrait avaient été envoyées aux agences de santé et aux professionnels de la santé dans tous les pays de l'UE.

« Épouvantable, dévastateur, décevant » pour les patients

L'annonce a été accueillie avec déception dans certains milieux et indignation dans d'autres, et des questions ont été soulevées quant à l'explication donnée par AstraZeneca pour le retrait du médicament.

« Bien que seul un petit nombre de personnes atteintes de diabète de type 1 aient utilisé la dapagliflozine, nous savons que ceux qui l'ont utilisée ont bénéficié d'un contrôle plus strict de leur glycémie », a déclaré Simon O'Neill (Diabetes UK) à Medscape Medical News.

Simon O'Neill a souligné qu'il était « décevant qu'AstraZeneca et la MHRA ne soient pas en mesure de trouver une solution pour permettre aux personnes vivant avec un diabète de type 1 de continuer à utiliser le médicament en toute sécurité sans semer la confusion chez les praticiens ou les personnes vivant avec le diabète de type 2, qui l’utilisent également. »

Pourquoi pas une campagne d’information sur le risque d’acidocétose diabétique ?

S'adressant à Medscape Medical News, Hilary Nathan (communication, FRDJ International), a expliqué que l’association caritative a son idée sur les raisons pour lesquelles l’indication pour le diabète de type 1 a été retirée par l’industriel.

AstraZeneca a peur que l'avertissement « triangle noir » qui doit être apposé sur le médicament en raison du risque accru d’acidocétose diabétique dans le diabète de type 1 soit « mal compris par les praticiens » non spécialistes du diabète de type 1, qu’il fasse peur donc et limite l'adoption du médicament pour les autres indications et donc « les autres marchés ».

Autrement dit, « on aurait moins envie de le prescrire », s’avance Hilary Nathan.

Elle poursuivi: « pour nous, si un médicament est jugé sûr et efficace, il ne devrait pas être retiré à cause d'autres groupes de patients. »

« Nous avons demandé : « Pourquoi ne pouvez-vous pas faire une campagne de sensibilisation concernant le triangle noir ? » AstraZeneca a répondu que la tâche serait « trop lourde ».

Hilary Nathan a également été surprise de voir qu’un médicament peut être retiré sans avertissement ni réelle explication.

« Comment est-il possible que, lorsqu'un médicament est approuvé, de multiples parties prenantes soient impliquées – à la fois des cliniciens, des représentants des patients, et l’industrie pharmaceutique – et qu’en revanche [un médicament] puisse être retiré par une...  [seule] entreprise, qui peut avoir des conflits d'intérêts commerciaux ? »

Forxiga (dapagliflozine) est fabriqué par AstraZeneca. Aucun lien d’intérêt n’a été déclaré en rapport avec le sujet.

 

Cet article a été initialement publié sur Medscape.com sous l’intitulé : Outrage Over Dapagliflozin Withdrawal for Type 1 Diabetes in EU. Traduit et adapté par Aude Lecrubier.

 

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