Boston, Etats-Unis – Les sujets qui ont des extrasystoles ventriculaires (ESV) de haut degré pendant la phase de récupération du test d’effort seraient à plus haut risque de décès cardiovasculaires (CV) ultérieur. Tels sont les résultats suggérés par une nouvelle étude publiée en ligne dans le Journal of the American College of Cardiology le 29 novembre [1].
Attention aux ESV à haut risque
Pendant deux décennies, des chercheurs ont suivi quelque 5 500 adultes asymptomatiques ayant eu un test d’effort sur tapis à l’inclusion, ils ont trouvé que ceux qui avaient des ESV de haut degré survenant pendant la période de récupération, présentaient un risque élevé d’approximativement 70 à 80% de décès cardiovasculaires ultérieurs, indépendamment des facteurs de risque standards et des autres mesures effectuées au cours de l’épreuve.
Inversement, les ESV de haut degré survenant uniquement au cours de l’exercice n’étaient pas associées à un risque plus élevé, après ajustement des facteurs cliniques ou de l’effort.
Par ailleurs, ajouter ces ESV de haut degré de la période de récupération à un modèle de prédiction du risque de mortalité cardiovasculaire à long terme n’améliore pas la détermination du risque.
« Ne sous-estimez pas ces ESV à haut risque qui surviennent pendant la récupération, notamment si elles sont fréquentes, multifocales, en doublet, successives ou R sur T car elles identifient des individus à haut risque qui bénéficieraient d’une intensification des efforts préventifs » résume l’autrice senior Samia Mora, professeure associée à Harvard Medical School, Boston, Massachusetts et cardiologue au Brigham and Women's Hospital pour theheart.org/Medscape Cardiology.
Une signification clinique « incertaine »
Certains paramètres lors de l’épreuve d’effort, telle la durée de la modification du segment ST, sont connus pour prédire la mortalité CV et le risque [vasculaire] indépendamment des facteurs de risque cliniques chez les patients asymptomatiques ou symptomatiques. Cependant, la question de savoir si la présence d’ESV lors de l’épreuve d’effort a une implication pronostique importante ‘reste controversée’ spécialement chez les patients asymptomatiques, écrivent les auteurs.
Les ESV ont été associées à un risque cardiovasculaire plus péjoratif chez les patients suspects ou ayant une maladie coronaire reconnue, surtout les ESV de haut degré (fréquentes, multifocales, en doublet, répétitives, incluant les tachycardies ventriculaires et le phénomène R/T) mais on ne sait pas si le moment de survenue de ces ESV, c’est-à-dire pendant ou après l’effort a un intérêt pronostique clinique chez les personnes asymptomatiques, ajoutent-ils.
« Il y a un lot d’informations sur le risque – au-delà de la modification de ST et de l’aptitude physique – souvent négligé lors du test d’effort » remarque le Dr Mora. « Des ESV surviennent fréquemment pendant l’épreuve ou en récupération, la significativité clinique de ces complexes [ventriculaires] demeure incertaine ».
Samia Mora et ses collègues « voulaient savoir si la période de survenue de ces ESV à haut risque est porteuse d’informations pronostiques dans une population asymptomatique au départ ».
Afin de répondre à cette question les chercheurs ont recruté des participants asymptomatiques au sein du programme Lipids Research Clinics Prevalence Study (5486 sujets, moyenne d’âge 45,4 ans, 42% de femmes) [2].
Les participants émanent de trois larges populations : des actifs professionnels, des familles résidentielles, des parents d’enfants en âge scolaire, qui ont été recrutés dans 10 centres de santé de proximité en Amérique du Nord.
Après la visite-test, un échantillon incluant tous les participants ayant un taux de lipides élevé – augmenté d’un groupe aléatoire de 15% – ont été invités à revenir pour la visite n°2.
Au cours de cette visite n°2, ces sujets ont eu une consultation médicale avec un examen clinique, un prélèvement sanguin à jeun et un test d’effort sur tapis selon le protocole de Bruce. Ces participants ont été suivis pendant 20,2 ans, en moyenne.
Les ECG ont été enregistrés au repos, à la fin de chaque phase de l’exercice, immédiatement après effort puis à 2, 4, et 6 minutes en récupération.
Les ESV de haut degré étaient définies comme fréquente (> 10/min), multifocales, ≥ 2 extrasystoles ventriculaires par salve (incluant les tachycardies ventriculaires) ou de type R/T.

Réactivation vagale insuffisante?
Pendant la durée de l’étude, 840 décès (15,3%) toutes causes ont été enregistrés, 37% d’entre eux étaient d’origine cardiovasculaire.
Les participants ayant eu des ESV de haut degré pendant l’effort ou en récupération étaient dans l’ensemble plus âgés, comparés à ceux qui n’avaient pas d’ESV de haut degré, ils étaient aussi plus souvent diabétiques ou hypertendus. En outre, leur test d’effort montrait plus fréquemment des signes d’ischémie myocardique. La durée de leur épreuve était plus courte, avec une moins bonne récupération du rythme cardiaque et ils atteignaient moins souvent leur fréquence maximale théorique.
Les femmes présentaient plus souvent que les hommes des ESV pendant la période de récupération.
Parmi les participants, 1,8% avaient des ESV de haut degré pendant l’effort, 2,4% pendant la récupération et 0,8% au cours des deux phases.
Après ajustement des facteurs démographiques et cliniques (âge, sexe, diabète, hypertension, lipides, tabac, index de masse corporelle, histoire familiale d’affection coronaire prématurée), les ESV malignes survenant pendant la période de récupération étaient significativement associées à la mortalité cardiovasculaire (HR :1,82; IC 95% :1,19-2,79; P= 0,006).
Ces résultats demeuraient significatifs également quand les chercheurs ont ajusté sur la durée de l’effort, de la récupération du rythme cardiaque, de l’obtention du niveau maximal théorique et sous-décalage de ST (HR : 1,68 ; [IC 95% 1,09-2,60]; P=0,020).
Au contraire, les ESV de haut degré qui survenaient pendant l’effort n’étaient pas associées à un risque accru.
Les mêmes résultats ont été obtenu quand les chercheurs ont analysé les sous-groupes cliniques spécifiquement selon le sexe, le diabète, l’hypertension et l’hyperlipidémie.
Cependant, après avoir ajouté ces ESV malignes pendant la récupération à un modèle qui incluait aussi des variables cliniques, les auteurs n’ont trouvé aucune amélioration significative de détermination du risque de mortalité (basé sur 3 indices : l’indice C de Harrell et deux méthodes de reclassification du risque : Integrated discrimination improvement index et category-free net reclassification index).
« Le mécanisme qui associe les ESV de haut degré de la période de récupération mais non [celles] qui surviennent pendant l’effort, à la mortalité cardio-vasculaire reste à déterminer » commente le Dr Mora.
« L’une des hypothèses les plus solides serait à mettre en lien avec une réactivité vagale insuffisante en post-exercice, on sait en effet que le système parasympathique se déclenche juste après l’arrêt de l’effort pour contrebalancer le système sympathique du système nerveux autonome ».
Elle déclare que les recherches ultérieures « devront s’intéresser à d’autres mécanismes sous-jacents à l’extrasystolie ventriculaire post-exercice »
« Ce n’est pas une constatation anodine »
Commentant l’étude pour theheart.org/Medscape Cardiology le Dr Sandeep Saha, rythmologue à l’Oregon Heart Center et consultant électrophysiologiste au cardiac electrophysiologist Salem Health Hospitals and Clinics in Salem (Oregon) remarque que l’amélioration des connaissances en soins de santé et la plus grande disponibilité de dispositifs portables enregistrant le rythme cardiaque « ont conduit des patients asymptomatiques à détecter par eux-même sur leurs appareils davantage d’ESV déclenchées par l’effort, ce qui a pu entrainé en retour la realisation de plus de tests d’efforts ou à se tourner vers les cardiologues dans ce but ».
Dans un éditorial accompagnant l’article, le Dr Saha indique que ces résultats pourraient « potentiellement aider les cardiologues à identifier les patients à haut risque d’événements cardiovasculaires (CV) remarquant l’existence d’ESV lors de la récupération après effort et prévenant le médecin référent afin qu’il effectue une évaluation plus détaillée du risque CV, regardant s’il n’existe pas un facteur de risque CV précédemment passé inaperçu … voire une maladie cardiaque structurelle [3]. »
Les ESV induites par l’exercice «ne sont pas une constatation anodine au cours d’un test d’effort, la fréquence et le stade de survenue de ces ESV, devraient alerter le clinicien afin qu’il effectue une évaluation plus approfondie, à la recherche d’une affection non détectée suggérant un risque cardiovasculaire plus élevé, même chez les patients asymptomatiques » insiste Saha.
Le Dr Samia Mora a été sponsorisé par le NHLBI. Le co-auteur Charbel Gharios a été sponsorisé par le Fogarty International Center et l'Office of Dietary Supplements des National Institutes of Health via le Scholars in Health Research Program (SHARP) de l'Université américaine de Beyrouth. Le Dr Mora a été consultant pour Pfizer et Quest Diagnostics pour des travaux sans rapport avec l'étude en cours. Les autres auteurs et le Dr Saha n'ont mentionné aucune relation financière pertinente.
L’article a été publié initiallement sur Theheart.org/Medscape Cardiology sous le titre Post-Exercise PVCs Tied to Higher CVMortality Risk . Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin.
Crédit photo de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Les ESV de haut degré en phase de récupération d’un test d’effort sont un marqueur de risque ultérieur de décès CV - Medscape - 20 déc 2021.
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