Vaccination des 5-11 ans : le CCNE dit « oui » mais l'accord de la HAS est attendu

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

20 décembre 2021

France – En attendant la position de la Haute Autorité de Santé (HAS), le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) s'est prononcé lui favorablement à la avis sur la vaccination des 5-11 ans. Une vaccination recommandée mais qui ne doit être adossée au pass sanitaire et reste au libre choix des parents. Explications.

Explications autour du rendu de cet avis

Le 25 novembre dernier, l’Agence européenne du médicament (EMA) rendait un avis favorable sur la vaccination des moins de 12 ans. Le lendemain, le ministre des solidarités et de la santé saisissait le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur les enjeux éthiques de cette vaccination. En trois semaines, un temps particulièrement court, le CCNE a monté un groupe de travail, réalisé nombre d'auditions et rédigé un avis, publié le 16 décembre répondant par l’affirmative à la question « Proposer une vaccination anti-Covid à des enfants âgés de 5 à 11 ans est-il éthiquement acceptable ? ». A l'occasion d'un point presse, le Pr Alexandra Benachi et le Dr Pierre-Henri Duée, co-rapporteurs de l'avis, ainsi que le Pr Christophe Delacourt, pédiatre et expert extérieur au CCNE, ont présenté les arguments et les conditions particulières qui accompagnent leur réponse, à savoir que la vaccination doit être volontaire, sans politique incitatoire ni discriminatoire et ne doit pas rentrer dans le pass vaccinal. Les deux rapporteurs ont semblé sceptiques sur la faisabilité de débuter la vaccination des enfants dès le 20 décembre, tel que l'envisage le gouvernement. Ils considèrent, eux, que « la campagne vaccinale doit être mise en place rapidement mais sans précipitation », au risque d'une non-adhésion des familles.

Une forte incidence chez les 6-10 ans

Cet avis est rendu dans un contexte particulier : depuis le mois d’octobre, les enfants de 6 à 10 ans présentent le taux d’incidence le plus élevé parmi les classes d’âge scolaire. « L'incidence est six fois plus élevée que chez les adolescents » indique le Pr Alexandra Benachi (gynécologue obstétricienne, hôpital Antoine-Béclère, Clamart) qui souligne que ce travail a été réalisé dans l'urgence mais aussi dans un contexte d'incertitude.

« Dans cette réflexion éthique, nous avons dû faire face à la question importante de l'incertitude sur les vaccins, les rappels mais aussi l'émergence des variants, notamment Omicron. Ce dilemme éthique a été le moteur de notre réflexion. » explique le Dr Pierre-Henri Duée du CCNE.

Un effet bénéfique de la vaccination chez les adolescents

Car malgré tout, des éléments de certitude ont émergé ces derniers mois à la faveur de l'ouverture de la vaccination aux adolescents. Avec 80 % d'enfants âgés de 12 à 18 ans vaccinés, les hospitalisations ont diminué, il n'y a plus de formes sévères et moins de classes fermées au lycée qu'en primaire, selon Alexandra Benachi. Celle-ci considère donc qu'il est raisonnable « de se dire que les effets seraient les mêmes pour les plus jeunes ».

Autre effet bénéfique de la vaccination : la disparition du syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant et de l’adolescent (MIS-C ou PIMS). « On n'observe plus de PIMS chez les adolescents vaccinés, d'après les résultats préliminaires de la cohorte française PANDOR sur les mois de septembre et octobre 2021. On peut supposer une prévention très probable des PIMS par la vaccination » témoigne le Pr Christophe Delacourt (pédiatre, service de pneumologie, hôpital Necker, Paris) qui rappelle que le PIMS concerne pour moitié les moins de 11 ans. Par ailleurs, plus de 85 % des cas de PIMS, tout âge confondu, concernent des enfants sans comorbidité associée.

Le groupe de travail du CCNE juge donc qu'il existe un effet bénéfique individuel direct à la vaccination du groupe des 5-11 ans. De plus, il rappelle qu'outre le bénéfice physique, il faut prendre en compte le bénéfice mental de la vaccination. On se souvient du retentissement négatif des restrictions liées à la pandémie sur l'apprentissage et la socialisation. Aussi Alexandra Benachi insiste sur le fait qu'il est « crucial de laisser les classes ouvertes ».

Les points forts de l'avis

« Cet avis a mis l'enfant au centre de l'évaluation. C'est, en effet, le bénéfice pour l'enfant qui a été considéré avant le bénéfice collectif » salue le Pr Delacourt qui, « en tant que pédiatre », se réjouit aussi que le respect de l'enfant transparaisse clairement dans l'avis.

 
C'est...le bénéfice pour l'enfant qui a été considéré avant le bénéfice collectif. Pr Christophe Delacourt
 

Ainsi, le CCNE souligne l'importance d'une information des familles donnée par des professionnels connaissant les enfants – pédiatres, médecins généralistes, professionnels de PMI et puéricultrices. Cela serait un gage de réussite de la campagne vaccinale laquelle devrait être mise en œuvre dans des filières pédiatriques spécifiques. « Le système hospitalier, actuellement surchargé, ne peut être aujourd’hui un acteur de la mise en place de cette politique de vaccination » indique l'avis. En outre, le CCNE insiste aussi sur le fait que l'organisation de la vaccination des enfants ne doit pas interférer avec celle des adultes.

 
L'organisation de la vaccination des enfants ne doit pas interférer avec celle des adultes.
 

Concernant le vaccin, des doses adaptées aux enfants sont disponibles. Et puisqu’il semble que 40 % des enfants aient déjà été en contact avec le virus, le CCNE recommande la réalisation d'un TROD au moment de la première injection. En cas de contamination antérieure, une seule dose est nécessaire.

Par ailleurs, le CCNE insiste pour qu’aucune mesure mise en œuvre ne conduise, directement ou indirectement, à une stigmatisation ou à un quelconque préjudice envers les enfants dont les parents ne feront pas le choix de la vaccination. À cet égard, le CCNE s’oppose à un éventuel pass sanitaire pour les enfants de 5 à 11 ans et, plus généralement, à toute mesure discriminant les enfants non-vaccinés au cours des activités scolaires et extrascolaires. « On ne peut pas dire à un enfant qui n'est pas vacciné qu'il ne peut plus se rendre dans son club de judo alors que son camarade qui l'est le peut » cite comme exemple la Pr Benachi.

 
le CCNE s’oppose à un éventuel pass sanitaire pour les enfants de 5 à 11 ans et, plus généralement, à toute mesure discriminant les enfants non-vaccinés au cours des activités scolaires et extrascolaires.
 

Quid du retour d'expérience américain ?

Les données américaines sur la population pédiatrique des 5-11 ans ayant reçu deux injections du vaccin Pfizer seront publiées le 21 décembre. Elles concernent cinq millions d'enfants. Le Dr Pierre-Henri Duée tient à souligner que les enfants américains ont plus de comorbidités que les enfants européens. Reste que si les chiffres en vie réelle confirment que la prévalence des effets secondaires est très faible chez les enfants américains, pourtant plus à risque de forme grave de Covid, cela devrait rassurer les parents français ainsi que les professionnels de santé.

 

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