POINT DE VUE

Immobilisation des traumatisés sévères: quel est l'impact du changement de protocole?

Pr Dominique Savary

Auteurs et déclarations

18 février 2022

Le blog du Dr Dominique Savary – urgentiste, réanimateur

Des changements de pratique ont été récemment mis en place dans l’immobilisation des traumatisés sévères aux urgences. Une étude a évalué les effets des différents protocoles, notament d’immobilisation rachidienne versus restriction des mouvements, sur l’incidence de lésions médullaires invalidantes.

TRANSCRIPTION

Bonjour, je suis Dominique Savary, je travaille au département de médecine d’urgence du CHU d’Angers et je vous retrouve aujourd’hui sur Medscape pour parler des moyens d’immobilisation des traumatisés sévères.

Les données récentes

Depuis les recommandations norvégiennes sorties en 2017, [1] qui avaient fait grand bruit, beaucoup se sont intéressés aux moyens d’immobilisation des traumatisés sévères, et en particulier le principe d’attacher un blessé sur une "planche à pain" ou, devrais-je dire, le principe de l’utilisation de ces planches d’immobilisation dorsale type Baxstrap, qui a été remise en cause. Il est apparu que le collier cervical ou les planches d’immobilisation ont, en fait, un très mauvais pouvoir d’immobilisation, et leur pose plus prolongée que le temps de la simple extraction de la victime expose à des complications et à des effets délétères qu’on ne retrouve pas chez les patients qui n’ont pas été immobilisés.

L’immobilisation passive par cale-tête ou maintien manuel, puis le repos sur un matelas simple ou un matelas coquille sont des procédés qui marchent mieux et qui sont plus physiologiques que les procédés précédemment cités, comme la planche Baxstrap.

Il y a deux grands principes en traumatologie sévère :

  • l’immobilisation du rachis est, et reste, une recommandation forte des traumatisés du rachis – le problème n’est pas là, il est simplement dans la nature du dispositif que l’on utilise et qui doit changer et respecter la position naturelle et les positions de confort des patients,

  • rien ne doit jamais retarder la réalisation des gestes vitaux pour ces patients.

Après les recommandations norvégiennes, d’autres sociétés scientifiques – canadiennes, allemandes, américaines – ont, elles aussi, émis des recommandations et diminué l’utilisation de ces planches d’immobilisation dorsale stricte en passant de ces protocoles d’immobilisation de la colonne à des protocoles de restriction des mouvements de la colonne vertébrale. Depuis ces changements de pratique qui sont assez récents, il n’y avait aucune étude qui avait examiné les effets de ce changement de pratique sur les résultats neurologiques de patients qui souffraient d’un traumatisme de la colonne vertébrale.

Étude sur le changement de protocole

Je vous propose de regarder aujourd’hui, l’étude de Brian Clemency publiée fin décembre dans Prehospital and Disaster Medicine. [2] Cette étude s’est intéressée à déterminer si un changement de protocole à l’échelle d’un état – ici dans l’état de New York, aux É.-U. – d’un protocole d’immobilisation rachidienne à un protocole de restriction des mouvements a eu un effet sur l’incidence de lésions médullaires invalidantes. Elle est d’autant plus importante puisqu’en France l’immobilisation rachidienne reste, malgré tout, largement répandue parmi les secouristes.

Pour mener à bien cette étude, les auteurs on fait un examen rétrospectif des patients qui se sont présentés dans un centre de traumatologie de niveau 1, avant, puis après un changement de protocole relatif aux lésions de la moelle épinière. Ce sont des experts qui ont fait une analyse des dossiers en deux étapes pour essayer de classer les lésions de la moelle épinière comme invalidante ou non invalidante. Au cours d’une régression logistique binaire, ils ont déterminé les effets du protocole, du sexe, de l’âge, du niveau de blessure et du mécanisme de la lésion sur l’incidence d’une invalidité significative due à une atteinte de cette moelle épinière.

Résultats : ils sont tout à fait intéressants. Un total de 549 patients pendant la période d’immobilisation stricte de la colonne vertébrale ont été comparés à 623 patients sur la période secondaire, c’est-à-dire avec une restriction des mouvements rachidiens, et après une régression logistique, le passage d’un protocole à l’autre n’a pas démontré une augmentation de lésions médullaires invalidantes avec un odds ratio à 0,78.

 
Le passage d’un protocole à l’autre n’a pas démontré une augmentation de lésions médullaires invalidantes.
 

Conclusion

Ce résultat, en plus de la littérature existante sur le sujet, soutient que l’introduction de protocoles de restriction des mouvements rachidiens et la diminution de l’utilisation de la planche dorsale n’est pas délétère pour les patients.

Je vous remercie pour votre écoute et je vous dis à bientôt sur Medscape.

 

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