Rythmologie : l’essentiel de l’ESC 2022

Pr Christophe Leclercq, Dr Walid Amara

Auteurs et déclarations

30 août 2022

Christophe Leclercq et Walid Amara commentent les études françaises et les coups de cœur en rythmologie, présentés au congrès ESC 2022 :

  • le registre européen des morts subites chez les femmes lors des activités sportives (ESCAPE-NET)

  • l’actualité des défibrillateurs avec l’étude EV ICD et le registre français HONEST

  • un rappel que la simplicité est souvent plus efficace dans l’ablation de la FA persistante, comme le montre l’étude CAPLA

TRANSCRIPTION

Dr Walid Amara

Walid Amara – Bonjour et bienvenue dans cette vidéo Medscape. Je suis Walid Amara et j’ai l’énorme plaisir d’avoir avec moi le Pr Christophe Leclercq. Nous sommes à l’ESC pour partager avec vous des éléments qui nous ont marqués. Il y a notamment un registre européen de morts subites [ESCAPE-NET], peux-tu nous en dire un mot ?

ESCAPE-NET : 10 fois moins de mort subite chez femmes que chez les hommes lors d’activité physique

Pr Christophe Leclercq

Christophe Leclercq – Oui, tout à fait. C’est un très beau travail qui a été présenté par Orianne Weizman, une interne de Nancy qui est actuellement sur Paris. C’est la conjonction de trois registres européens, dont le registre parisien sur la mort subite qui est conduit par Éloi Marijon. Ce registre a inclus dix millions de personnes et le but de ce travail était de se focaliser sur la mort subite de la femme lors de l’activité sportive, que ce soit en compétition ou de l’activité dite récréationnelle.

Il y a eu 34 000 morts subites dans ce registre et ce qui est très intéressant et très surprenant. Une raison pour laquelle on ne sait pas exactement ce qui se passe, c’est il y a dix fois moins de morts subites lors de l’activité physique chez la femme que chez l’homme. Et ces dix fois moins sont consistants au fil du temps, parce que c’est un registre qui s’est fait sur 7-8 ans, dans les différents pays, parce que c’est un registre européen. Il n’y avait pas de différence sur les caractéristiques cliniques des patients. La seule différence est que l’intensité de l’effort était quand même moins forte chez la femme que chez l’homme, ce qui peut peut-être expliquer ceci.

Une des questions importantes qui a été posée à Orianne était : « pourquoi cette différence ? » Il a été évoqué l’infarctus du myocarde avec la protection hormonale chez la femme – visiblement, ce n’est pas ça. Le tonus parasympathique, qui serait peut-être un peu plus fort chez la femme. Peut-être le comportement différent, un peu moins compétitif des femmes que des hommes. En tout cas, beaucoup d’interrogations, beaucoup d’hypothèses. C’était vraiment un superbe travail qui était réalisé par l’équipe française.

Walid Amara – Moi, je dis souvent « le sport, c’est bon pour la santé, mais les excès peuvent être dangereux » et peut-être que les hommes ont tendance à avoir un peu plus d’excès, plus de compétition…

Christophe Leclercq – Peut-être que l’ego est un peu plus prononcé quand il y a quelqu’un devant… Un homme qui a une douleur thoracique voudra peut-être quand même dépasser celui qui est devant.

EV ICD : nouveau défibrillateur extravasculaire

Walid Amara – Concernant les prothèses implantables, il y a des données sur un nouveau défibrillateur, qui n’est pas sous-cutané, mais extravasculaire.

Christophe Leclercq – Aujourd’hui il y a deux types de défibrillateurs qu’on peut implanter chez nos patients : le plus classique est un défibrillateur avec une sonde implantée par voie veineuse, donc sous-clavière et qui descend jusqu’au cœur. C’est efficace. Le problème de ces défibrillateurs est que la sonde peut casser, il peut y avoir également des infections qui nécessitent une intervention compliquée. Alors, il avait été développé il y a une dizaine d’années un deuxième type de défibrillateur. Cette fois-ci, le boîtier est implanté sur la partie latérothoracique avec une sonde qui est glissée sous la peau, donc entre le sternum et la peau. On sait que ce défibrillateur est efficace – le seul souci est qu’on ne peut pas stimuler et on ne peut pas non plus faire, ce qu’on appelle la stimulation anti-tachycardique, c’est-à-dire réduire de manière indolore les tachycardies ventriculaires en stimulant pendant quelques secondes un peu plus rapidement que la tachycardie ventriculaire. Donc, il y a eu un nouveau concept qui a été développé, qui consiste à avoir un appareil qui va se placer également sur la paroi thoracique. On va faire une incision sous le sternum, mais cette fois-ci on va implanter la sonde de défibrillation, qui est une sonde spéciale, entre le sternum et le cœur. Pour ce faire — et il y a eu deux centres qui ont participé à cette étude en France —, on fait la petite incision, on met le doigt sous la peau et on va, en fait, percer le péricarde et on sent le cœur qui vient battre sur l’index ; une fois que nous avons ouvert l’espace péricardique, on a un outil spécial qui nous permet vraiment de coller la sonde sur le sternum.

Cette étude [Extravascular ICD Pivotal Study - EV ICD NCT04060680] vient d’être présentée et publiée dans le New England Journal of Medicine . [1] Elle inclut 400 patients – c’était une étude de sécurité et d’efficacité. L’efficacité, était le taux de conversion d’une fibrillation ventriculaire lors de l’implantation, qui était fixé à 88 % pour l’étude et en fait, on a atteint 98 %, donc extrêmement efficace. Et puis il y avait aussi les complications avec l’absence de complications chez 82 % des patients et on a eu absence de complications chez 72 % des patients, donc aussi bien en termes d’efficacité que de sécurité on a montré que ce nouveau système pouvait être efficace. Il n’est pas disponible, bien sûr, commercialement maintenant, il n’est même pas marqué CE, mais les choses vont aller assez vite et cela permettra, avec un boîtier qui est beaucoup plus petit que le défibrillateur sous-cutané classique et qui a une longévité beaucoup plus grande, de défibriller, de stimuler et de réduire les tachycardies de manière indolore.

Walid Amara – Cela se rapproche un peu de la chirurgie, à ce moment-là, avec cette sonde dans le péricarde…

Christophe Leclercq — Non, ce n’est pas vraiment de la chirurgie parce qu’il suffit simplement de faire une toute petite incision. Lorsqu’on a été entraîné à cette procédure, ils nous ont demandé au moins pendant les cinq cas d’avoir toujours un chirurgien cardiaque avant nous. Alors, il y a une petite précaution qu’il faut prendre avant l’intervention, il faut faire un scanner pour bien avoir l’anatomie du thorax, les rapports du sternum, s’il n’y a pas un poumon qui vient se mettre dans l’espace sous-sternal. Cela peut faire un peu peur, mais ce n’est vraiment pas très compliqué.

HONEST : registre français des défibrillateurs sous-cutanés

Walid Amara – Il y a également un registre français sur les défibrillateurs sous-cutanés qui a été présenté, le registre HONEST.

Christophe Leclercq – Oui, c’est le plus grand registre au monde, aujourd’hui, sur les défibrillateurs sous-cutanés, puisque les auteurs — notamment David Perrot — ont réussi à collecter des données sur l’ensemble des défibrillateurs qui ont été implantés maintenant depuis plus de 10 ans – on n’en a perdu que 2 %, donc il y avait l’exhaustivité des dossiers, en tout cas, à 98 %.

Ce registre montrait que, d’une part, ce qui avait été montré dans les autres registres ou les autres études se confirmait – avec toujours un peu de chocs inappropriés, mais on sait que maintenant, avec les nouveaux algorithmes, cela diminue ; peu de complications, notamment des complications qui étaient essentiellement des infections, mais relativement locales ; et un peu, bien sûr, de complications d’hématome. Mais c’est un très beau registre qui montre vraiment que la France avance bien, et cela faisait plaisir.

CAPLA : quelle stratégie dans l’ablation de la FA persistante ? « Keep it simple »

Walid Amara – Je voudrais partager avec vous une étude qui a été mon coup de cœur. Cela nous amène à l’autre domaine de la rythmologie, qui est celui de l’ablation, et celui de l’ablation de la fibrillations atriale (on coule sous les dernières données). Il y a donc l’étude CAPLA, dans laquelle ont été randomisé des patients qui ont une FA persistante entre deux stratégies d’ablation : une stratégie d’ablation d’isolation des veines pulmonaires, une stratégie d’ablation par isolation des veines pulmonaires + réaliser une box sur le mur postérieur – il y avait eu quelques études qui avaient montré éventuellement un intérêt pour cela.

Sur le critère primaire, qui est un critère à un an de survie sans récidive de FA ou de flutter, pas de différence significative – on est à peu près à 54 % de survie sans récidive dans les 2 groupes, pas plus de complications, une durée de procédure un peu plus longue.

Donc le message des recommandations qui est de dire de faire les veines pulmonaires, je pense, reste essentiel. Bien sûr, ceux qui connaissent l’ablation diront que c’était de la radiofréquence, que ce n’était pas de l’électroporation, qu’il n’y avait pas l’alcoolisation de la veine de Marshall, mais cela ne veut pas dire que ces nouvelles techniques qu’on propose ne peuvent pas l’être, mais de dire que peut-être, des fois, keep is simple… Ou peut-être qu’ils étaient pris un peu plus tard aussi avec une FA persistante, toutes les FA persistantes ne se valent pas. Donc même si l’étude est négative, je trouve qu’elle est informative dans la pratique et tout ce qui peut simplifier la pratique, je trouve que ce n’est pas mal.

Christophe Leclercq – Et elle confirme presque toutes les autres études. Il y avait eu un coup de tonnerre dans le monde de l’ablation avec cette étude d’Atul Verma [STAR AF II] qui avait montré que de faire simple, ça marchait aussi bien que de faire compliqué — première étude qui avait été un peu critiquée — et puis, en fait, toutes les données que nous avons pu compiler depuis vont un peu dans le même sens. Alors, tu as cité l’électroporation dans laquelle on met tous un espoir important parce que c’est extrêmement efficace et, surtout, c’est très sûr pour les tissus environnants, notamment, l’œsophage et, donc, on verra dans quelques années des études avec l’électroporation.

Walid Amara – Rendez-vous dans d’autres congrès. Merci, en tout cas, à tous et à bientôt sur Medscape.

 

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