ESC 2022 : quid des traitements antithrombotiques et anti-inflammatoires dans le COVID ?

Pr Jean-Philippe Collet, Dr Michel Zeitouni

Auteurs et déclarations

31 août 2022

Jean-Philippe Collet et Michel Zeitouni passent en revue des sessions ESC dédiées au COVID-19 et notament les traitements antithrombotiques. Le point sur les essais COVID-PACT, ACT-Inpatient et ACT-Outpatients.

TRANSCRIPTION

Michel Zeitouni – Bonjour à tous, je suis Michel Zeitouni et j’ai le plaisir de recevoir pour Medscape, à Barcelone pour l’ESC 2022, le Pr Jean-Philippe Collet, cardiologue à la Pitié-Salpêtrière. Nous avons assisté aux sessions sur le COVID-19 avec plusieurs sujets importants.

Myocardites chez les patients COVID-19

Michel Zeitouni – Le premier sujet, c’est la myocardite liée à l’infection COVID-19. On a vu qu’il y avait plusieurs mécanismes et un certain profil de patient. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Jean-Philippe Collet – Il y a eu en effet trois belles sessions de COVID. Spécifiquement sur la vaccination et les myocardites liées au COVID ― là le taux à peu près de 1 %, donc c’est quand même plus fréquent qu’avec les autres infections ; le pronostic est bon, puisqu’il y a 5 % de décès à un mois, et il y a quelques formes fulminantes qui répondent plutôt très bien aux corticoïdes.

Pour ce qui concerne les vaccins, c’est beaucoup plus rare. C’est-à-dire que c’est en moyenne 100 fois moins fréquent ; on est aux alentours de 1:1 000 000. Et le pronostic de ces patients est meilleur lorsqu’ils ont fait une myocardite que lorsqu’ils n’étaient pas vaccinés. Et ces myocardites sous vaccin ont également un meilleur pronostic, donc on est quand même plutôt rassuré.

Michel Zeitouni – En effet, ces myocardites liées au vaccin sont rares, elles ont plutôt un bon pronostic et elles sont beaucoup plus bénignes que les myocardites liées à l’infection elle-même. Finalement, est-ce que c’est un phénomène nouveau, ces myocardites liées à des vaccins, ou est-ce qu’on connaissait déjà cette interaction ?

Jean-Philippe Collet – C’était connu avec certains vaccins. La seule question qui se pose spécifiquement dans le COVID, c’est qu’il y a plusieurs réinjections de rappel et qu’il peut y avoir des récidives sur les rappels vaccinaux, notamment chez l’homme jeune, puisque c’est quand même lui qui est plutôt atteint. Donc cela pose des questions médicales qui sont non résolues.

 
Il peut y avoir des récidives sur les rappels vaccinaux, notamment chez l’homme jeune. Pr Jean-Philippe Collet
 

Traitement antithrombotique chez les patients COVID-19

Michel Zeitouni – La recherche clinique et notamment les chercheurs en antithrombotiques, se sont vraiment penchés sur l’infection COVID, et on a vu plusieurs classes de médicaments qui ont été testées. On a eu un essai clinique avec de l’aspirine, avec des inhibiteurs du P2Y12 et des anticoagulants, et à chaque fois ils ont séparé les patients qui étaient plutôt ambulatoires, peu sévères, et les patients hospitalisés sévères. Est-ce qu’on a eu des résultats concluants ?

Jean-Philippe Collet – Globalement, il y a à peu près 30 % des patients hospitalisés pour COVID qui ont une thrombose – donc c’est quand même extrêmement fréquent –, et, deuxième caractéristique importante, c’est associé au décès. La troisième chose est que lorsqu’on regarde les patients qui n’ont pas de formes graves, qui ne vont pas forcément être hospitalisés, on a plutôt un bon bénéfice du traitement anticoagulant et pas d’effets notoires du traitement antiagrégant plaquettaire. Ensuite, pour les patients qui sont à très haut risque, c’est-à-dire les patients qui vont aller en réanimation, on n’a pas réussi à démontrer d’effets bénéfiques de l’anticoagulation, et ceci dans plusieurs études. Cela s’explique par plusieurs choses :

  • le rapport bénéfice-risque est différent ;

  • ce sont des patients qui n’ont pas forcément de thrombose qui ont été traités et c’est une des limitations de ces études ;

  • les études n’ont pas toutes été monitorées avec de l’ACT et donc on a peut-être pris un surrisque hémorragique ;

  • dernière explication : l’inflammation est très élevée chez ces patients, ce qui rend peut-être l’héparine inopérante.

Donc on a beaucoup d’hypothèses, c’est vraiment du traitement sur mesure chez les patients qui sont à très haut risque, c’est-à-dire les patients hospitalisés avec des formes graves, intubés, etc.

Essais ACT : colchicine et anticoagulants

Michel Zeitouni – Dans l’essai clinique ACT [1] du PHRI canadien, on a aussi testé un anti-inflammatoire qu’on connaît bien – la colchicine. Quels sont les résultats ?

Jean-Philippe Collet – Il y a deux études du PHRI : il y a ACT-Inpatient[2] et ACT-Outpatient [3]. Ce sont des essais avec un plan factoriel.

Chez les patients non hospitalisés, globalement ils ont montré que la colchicine, sur le risque de décès et de réhospitalisation, avait un effet neutre, donc pas de bénéfice du traitement anti-inflammatoire, que l’aspirine diminuait un peu le risque de thrombose d’à peu près 20 % – c’est connu dans la thrombose veineuse classique. Donc, globalement, un effet neutre sur le plan factoriel aspirine avec colchicine, plus ou moins rien.

Chez les patients qui sont hospitalisés, il y avait des critères d’enrichissement pour avoir des patients un peu plus graves. Il y avait 4 000 patients dans cette étude et ils ont comparé colchicine versus placebo et, dans le plan factoriel, rivaroxaban plus ou moins clopidogrel versus rien. Donc, globalement, ce qu’ils montrent c’est que sur la colchicine, avec comme critère de jugement la nécessité d’intubation ou un support d’organe, il n’y a pas de bénéfice – donc c’est concordant avec les patients à faible risque – et sur les effets antithrombotiques aucun effet – donc c’est concordant avec ce qu’on trouve avec l’héparine et c’est probablement, encore une fois, un problème de rapport bénéfice-risque qui est très particulier chez ces patients très inflammatoires.

Michel Zeitouni – Très inflammatoires avec des saignements... Donc, si on résume les sessions dédiées au COVID, que ce soient des patients ambulatoires ou sévères, pas d’effet de l’aspirine, pas d’effet du clopidogrel, pas d’effet du rivaroxaban et pas d’effet de la colchicine chez ces patients atteints du COVID.

Jean-Philippe Collet – Exactement.

COVID-PACT : traitement antithrombotique chez les patients avec une forme sévère

Michel Zeitouni – Et si on se remet aux études de l’année dernière, il y avait eu un débat entre « faut-il donner une dose d’anticoagulant prophylactique ou une full dose d’anticoagulant chez les patients atteints du COVID ? » Est-ce que vous pouvez nous en dire un mot ?

Jean-Philippe Collet – Cela été étudié dans les hotlines de cet ESC avec l’étude [COVID-PACT] de la Harvard Medical School. [4] Globalement, ils montrent qu’avec une dose d’anticoagulant complète versus une dose prophylactique, il y a quand même moins de thromboses – donc c’est bien démontré – et l’effet de l’antiagrégant plaquettaire est encore une fois neutre chez ces patients, donc pas de bénéfice. Donc on retombe un peu sur nos pieds. Quand il faut anticoaguler ces patients, il faut les anticoaguler. Et ce qui reste, après, ce sont les patients qui sortent après le COVID, donc il y a des études qui sont en cours, encore une fois avec les antiagrégants et avec les anticoagulants… donc on attend la suite.

Michel Zeitouni – Merci beaucoup, Pr Collet, pour ces explications sur une thématique qui nous touche maintenant depuis quasiment trois ans. Nous en avons terminé avec cet entretien et je vous souhaite un bon congrès, toujours avec Medscape.

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