POINT DE VUE

Effet du tirzépatide sur l’excès pondéral : quid des patients avec un trouble du comportement alimentaire ?

L’opinion du Pr Boris Hansel

Pr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

27 juin 2022

Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste

Présentée au congrès de l’American Diabetes Association (ADA) 2022, l'étude SURMOUNT-1 [1] démontre une efficacité remarquable du traitement par tirzépatide sur la perte de poids. Mais quid de ces patients souffrant de troubles du comportement alimentaire et qui constituent une grande partie des individus obèses ? Les commentaires du Pr Boris Hansel, diabétologue et nutritionniste.

TRANSCRIPTION

"Il y a quelques jours ont été révélés les effets assez incroyables du tirzépatide dans le traitement de l'excès pondéral. Que faut-il en retenir ? Je précise tout de suite que quand je parle d'un médicament, je n'ai aucun lien d'intérêt avec le laboratoire qui développe ce médicament, ni avec les laboratoires qui développent ou commercialisent des molécules de même classe thérapeutique.

Les incrétinomimétiques

Le tirzepatide est un médicament de la famille des incrétines. Pour rappel, ce sont des molécules qui sont naturellement produites par le tube digestif et qui sont connues en premier lieu pour stimuler la sécrétion d'insuline en réponse à l'augmentation de la glycémie. Il y a également les incrétines utilisées comme médicament qui sont des analogues de ces incrétines naturelles et qui ont ces mêmes effets, avec en outre un effet intéressant en thérapeutique qui passe par le ralentissement de la vidange gastrique et un effet au niveau cérébral. Tout cela réduit l'appétit et favorise la perte de poids.

On connaît et utilise le liraglutide qui a une AMM dans le diabète de type 2, mais aussi une AMM dans l'obésité et dans le surpoids avec facteurs de risque. On connait le sémaglutide qui est également prescrit dans le cadre du diabète et plus récemment avec une ATU (autorisation temporaire d'utilisation) dans l'obésité massive, dans des cas particuliers. On connait le dulaglutide et  l’exenatide qui sont également des analogues GLP1 qui eux n'ont pas d'indication dans l'obésité mais qui ont une indication et AMM dans le diabète de type 2. Ces molécules ont tout de même un effet favorable sur le poids. Donc toute cette classe des analogues du GLP1 a un effet favorable sur le poids.

La nouveauté du tirzépatide

Quoi de neuf avec le tirzépatide? On peut schématiquement donner deux nouvelles :

  • c'est le premier médicament qui a deux effets "incrétine" : un effet anti-GLP1 puisque c'est un agoniste du GLP1 et un également effet "GIP" car c'est aussi un agoniste GIP. En fait, il y a deux agonistes dans le même médicament. L'effet sur le diabète a été démontré précédemment dans des essais cliniques, mais ce qui est nouveau avec l'étude SURMOUNT-1[1] publiée récemment, c'est un effet remarquable sur la perte de poids chez des patients qui ne sont pas diabétiques. Alors on avait déjà l'information chez les patients diabétiques, mais là, on a la preuve chez les malades qui sont obèses, ou en surpoids avec des facteurs de risque cardiométaboliques, que cela marche, même s'ils ne sont pas diabétiques. Quelques mots sur cet essai SURMOUNT-1 : 2539 patients ont été inclus, ils étaient soit obèses, soit en surpoids avec une anomalie en rapport avec l'obésité. Après randomisation, ils ont été répartis en quatre groupes pour recevoir soit le tirzépatide à dose plus ou moins élevée (groupes 1, 2 et 3), soit un placébo (4e groupe). Les résultats sont nets et à long terme. On note une perte de poids qui est rapide les premiers mois, qui se poursuit et qui atteint finalement un plateau. On note une perte de 21 % du poids avec la dose maximale de tirzépatide, contre 3 % sous placebo à 72 semaines et dans l'analyse en intention de traiter.

  • Un autre chiffre assez époustouflant : 40 % des personnes qui ont reçu la dose la plus élevée de tirzépatide ont eu une perte de poids d'au moins 25 % dans l'analyse en cours de traitement, donc chez les patients qui ont pris effectivement le médicament. En fait, on n'a jamais vu cela dans des essais cliniques avec les médicaments proposés pour l'obésité, dans des études évidemment sans chirurgie.

Effets secondaires

Quels sont les effets secondaires ? Pas grand chose de surprenant. On a retrouvé des nausées, des vomissements, comme on a l'habitude de le voir avec les agonistes du GLP1 déjà utilisés en soins courants.

Encore un élément important : pas d'effets secondaires sur l'humeur ou sur le cœur, comme on a pu le voir avec les précédents médicaments. On avait le souvenir de certains médicaments qui favorisaient la dépression et les tentatives de suicide, d’autres qui pouvaient agir au niveau du cœur, notamment au niveau des valves cardiaques. Ici, rien, pas d'arrière-pensée avec le tirzépatide.

Le tirzépatide est-il la solution tant attendue pour traiter l'obésité?

Vous avez perçu mon enthousiasme. Mais à mon sens, il faut quand même donner quelques précisions :

  • Tout d'abord, notons qu'il existe des variations inter-individuelles importantes avec le tirzepatide. Il y avait, dans l'essai, clairement des répondeurs et des non-répondeurs, sans que l'on puisse prédire qui bénéficiera le plus de ce traitement.

  • Deuxième élément sur lequel je voudrais insister : il faut rappeler que l'obésité, est une maladie multifactorielle. Cette maladie est associée, chez 40 à 60 % des patients, à des troubles du comportement alimentaire, que ce soit des crises boulimiques, de la boulimie ou du binge-eating disorder qu'on appelle l'hyperphagie boulimique. Or, attention, personne ne l'a vraiment souligné dans les commentaires de l'étude SURMOUNT-1, mais les patients qui avaient des troubles du comportement alimentaire n'ont pas été inclus dans l'étude. Quel serait l'impact du tirzepatide chez ces patients qui représentent une bonne partie des patients obèses? Impossible de répondre aujourd'hui. Et si on regarde l'effet des autres agonistes du GLP1 et leur impact sur les troubles du comportement alimentaire, il y a très peu de littérature sur ce sujet. Quand on regarde bien, il est possible, pour le liraglutide, qu'il diminue à court terme des compulsions alimentaires et potentiellement l'hyperphagie boulimique, mais cela ne semble pas se maintenir à long terme et on a très peu, voire pas de données avec les autres agonistes du GLP1. Donc il faudra s'en rappeler, si le médicament est disponible, ce qui ne fait pas trop de doute : son intérêt en cas d'obésité, chez les patients qui ont un trouble de comportement alimentaire, est quelque chose qui est loin d'être validé.

Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape."

 

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