POINT DE VUE

Alimentation : quelles huiles recommander en prévention CV ?

L’opinion du Pr Boris Hansel

Pr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

25 mai 2022

Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste

TRANSCRIPTION

Nous sommes en période de pénurie d’huile de tournesol : donc quelle matière grasse conseiller à nos patients ?

Cette période, qui est difficile, est aussi une bonne occasion de refaire le point sur les données concernant l’impact des graisses du commerce sur le poids et les maladies cardiovasculaires, et d’identifier des messages simples que nous pouvons donner à nos patients. Je précise que je n’ai aucun lien d’intérêt ni avec les industriels des huiles, ni avec les industriels des produits laitiers ou des matières grasses laitières.

Les effets sur le poids

En ce qui concerne l’apport calorique et l’effet sur le poids, il y a un premier message à transmettre à nos patients : toutes les huiles se valent et il n’y a aucun argument clinique sérieux pour dire que certaines huiles, notamment l’huile de noix de coco, puisse aider à maigrir.

Il n’y a, non plus, aucune preuve sérieuse pour avancer que les huiles riches en oméga-6, notamment l’huile de tournesol, soient spécifiquement en cause dans l’épidémie d’obésité. Bien sûr on peut faire des hypothèses, des études scientifiques pour identifier des mécanismes par lesquels certaines huiles auraient des effets différents sur la dépense énergétique, sur le métabolisme, sur le tissu adipeux, mais c’est un sujet de science et ce n’est pas, à mon sens, un sujet qu’il faut aborder dans la pratique avec nos patients.

Impact sur les maladies cardiovasculaires

Concernant les maladies cardiovasculaires, on a aujourd’hui trois discours qui s’entremêlent et qui compliquent les messages que l’on souhaite donner à nos patients.

 
On ne peut pas dire clairement que les oméga-6 soient des acides gras qui protègent contre les maladies cardiovasculaires.
 

- Le premier est un discours qui a tendance à faire la promotion de l’huile de tournesol qui, du fait de sa teneur élevée en acides gras polyinsaturés ― en particulier en oméga-6 ― serait une huile cardioprotectrice. Il y a eu beaucoup de données ― épidémiologiques, de recherche fondamentale, etc. ― qui ont évalué les relations entre oméga-6 et maladies cardiovasculaires et l’impact des oméga-6 sur l’artère, sur l’athérosclérose. Ces données sont assez contradictoires et, aujourd’hui, je ne pense pas qu’on puisse dire clairement que les oméga-6 en eux-mêmes soient des acides gras qui protègent contre les maladies cardiovasculaires. À l’inverse, je ne pense pas qu’on puisse dire, comme on l’a entendu, que consommer de l’huile de tournesol favorise les maladies inflammatoires en raison d’un déséquilibre entre la balance oméga-6/oméga-3. L’huile de tournesol ou les huiles riches en oméga-6 ont donc toute leur place, même si ― on va le voir ― on peut probablement s’en passer, car de toute façon, des oméga-6, il y en a un peu partout dans l’alimentation.

- La seconde tendance, quand on parle de matière grasse, consiste à promouvoir le beurre qui, du fait de sa richesse en acides gras saturés à chaîne courte, notamment en acide butyrique, devrait être réhabilité parce que ces acides gras à chaîne courte jouent des rôles essentiels à la bonne santé. À mon sens, c'est une erreur. D’abord, parce qu’il n’y a pas besoin du beurre pour disposer de ce type d’acides gras, qui peuvent être obtenus à partir des fibres au niveau de l’intestin, et deuxièmement parce qu’on sait que le beurre, du fait de sa richesse en acides gras saturés à chaîne moyenne, augmente le cholestérol sanguin. Et aujourd’hui, en l’absence de données claires, il faut considérer que cette augmentation du cholestérol plasmatique ― en particulier, bien sûr, chez les personnes hypercholestérolémiques ou prédisposées ― puisse favoriser la maladie athéromateuse. Donc le beurre : OK pour le plaisir, bien évidemment, mais aujourd’hui, je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il faille remplacer l’huile de tournesol par du beurre pour la santé.

 
On ne peut pas recommander de remplacer l’huile de tournesol par du beurre.
 

- La troisième tendance est celle du « tout huile d’olive ». C’est vrai que les études cliniques comme l’étude PREDIMED, mais aussi l’essai clinique CORDIOPREV, plus récent, ont montré le bénéfice d’une alimentation méditerranéenne pour la prévention des maladies cardiovasculaires en prévention primaire ou en prévention secondaire. Et cette diète méditerranéenne, ce qui la caractérise, c’est que ce sont essentiellement des matières grasses à base d’huile d’olive. Cela dit, il est difficile de dire aujourd’hui que c’est précisément l’huile d’olive qui protège des maladies cardiovasculaires. On a une belle étude récente, observationnelle prospective, qui montre que ceux qui consomment au moins une demi-cuillère à soupe d’huile d’olive ont un risque cardiovasculaire diminué de 19 % par rapport à ceux qui ne consomment pas du tout d’huile d’olive. Et cette étude montre également que substituer 10 g de beurre, de margarine ou de mayonnaise par de l’huile d’olive est associé à une baisse de la mortalité cardiovasculaire. Cela suggère que l’huile d’olive en elle-même pourrait être protectrice, mais là encore, attention, c’est une étude observationnelle avec ses limites.

Conclusions pratiques

En pratique, chacun en tirera les conclusions qu’il souhaite. Pour ma part, ma recommandation auprès des patients est la suivante :

  1. de l’huile d’olive comme matière grasse principale – et même au-delà de 3 à 4 cuillères à soupe par jour sans avoir peur d’une prise de poids (bien évidemment, c’est à voir au cas par cas avec nos patients);

  2. de l’huile de colza en association, quand c’est nécessaire ou si on ne veut pas le goût et l’odeur de l’huile d’olive;

  3. de l’huile de tournesol pour compléter, si besoin et si on en a.

  4. Enfin, le beurre… j’ai l’habitude de dire « le beurre, c’est pour le plaisir », mais il n’y a pas de raison d’en consommer pour la santé.

  5. Quant aux autres huiles : de noix, de soja, de pépins de raisin… pourquoi pas ? Chacune apporte probablement des acides gras spécifiques et elles ont leur place, mais vu leur prix, difficile de les recommander simplement.

Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.

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