France – Pour faire face à un éventuel pic de la 5e vague de Covid-19 en fin d’année, le patron des hôpitaux parisiens, Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) propose aux agents volontaires de décaler leur(s) semaine(s) de vacances et de racheter jusqu’à « 10 jours de vacances 2000 euros ». Cette proposition d’une direction aux abois a été mal accueillie par les intéressés et leurs syndicats.
Pic de rentrées hospitalières prévues dans 10 à 15 jours
En forte tension depuis la rentrée, en proie à une pénurie de personnels (médecins, infirmiers, aide-soignants) et peinant à recruter, les hôpitaux franciliens redoutent de vivre une fin d’année compliquée. Le pic de la 5e vague de Covid-19 pourrait être atteint entre Noël et nouvel an, a indiqué dimanche le ministre de la Santé Olivier Véran, dans un entretien au Parisien . La circulation du virus et le nombre quotidien de nouvelles contaminations tendent à se stabiliser mais devraient se traduire par des entrées à l’hôpital dans 10 à 15 jours, a pour sa part prédit lundi Martin Hirsch sur l’antenne de RTL .
Inquiet de l’évolution des indicateurs sanitaires, le directeur général de l’AP-HP a aussi reconnu que la situation des hôpitaux parisiens était difficilement soutenable. « Dans beaucoup d’établissements en Ile-de-France, il y a des lits fermés depuis la rentrée car après 18 mois de rythme fou de Covid, des professionnels ont arrêté de travailler et on a moins de recrutements de jeunes qu’auparavant », a-t-il déclaré. Tandis que les établissements de l’AP-HP comptent habituellement 5 % de lits fermés à Noël, « pour permettre aux personnels de partir en vacances », la fermeture de lits devrait être de 15 % cette année, a souligné le patron de l’AP-HP.
Une mesure vieille de deux ans
Pour parer au plus pressé et franchir aussi bien que possible les prochaines semaines, Martin Hirsch s’est dit prêt hier à sortir le chéquier : « Nous proposons aux agents, aux infirmières, s’ils le veulent, de décaler leur(s) semaine(s) de vacances et de racheter 10 jours de vacances 2000 euros, au lieu de les mettre sur le compte épargne temps ». La mesure n’est pas nouvelle.
« Ce n’est pas la première fois, cela fait deux ans que l’on fait cela a ajouté le DG de l’AP-HP. On essaie de trouver les solutions pour que face aux malades, les soignants soient là », a-t-il ajouté.
Le plan blanc a certes été activé en Ile-de-France comme dans de nombreuses autres régions mais il ne faut pas en attendre des « miracles », a concédé Martin Hirsch, qui ne semble pas vouloir annuler à tout prix les congés des personnels comme la réglementation l’y autorise. « On ne va pas forcer les gens à annuler leurs vacances, s’ils pensent qu’ils doivent les prendre, ils les prendront et on verra ce qu’on fait », a expliqué le responsable de l’AP-HP.
Sollicitée par Medscape France pour apporter des précisions sur ce dispositif, l’AP-HP n’avait pas répondu ce mardi. Une note en date du 1er décembre de la direction à l’attention des directeurs de ressources humaines des établissements de l’Assistance publique, que nous nous sommes procurée, prévoit que les jours de congés non pris en 2021 (congés annuels, RTT, repos récupérateurs) puissent donner lieu à une indemnité compensatrice de 200 euros brut par jour pour les agents de catégorie A et de 130 euros pour les agents de catégorie B, dans la limite de 10 jours dans l’année, réglée en février 2022.
Des syndicats excédés
Les professionnels concernés ne se sont pas montrés enthousiastes en découvrant la proposition du patron de l’AP-HP. « Le montant peut faire réfléchir, commente Léa, infirmière dans un hôpital pédiatrique parisien, mais je ne sais pas si je suis prête à sacrifier mes vacances de Noël, surtout qu’on ne peut prendre congé que pour l’une des deux fêtes. »
Le marché proposé par Martin Hirsch a le don d’agacer les syndicats. « Cette annonce est un coup de comm’, analyse Jean-Emmanuel Cabo, secrétaire général de Force Ouvrière de l’AP-HP. Ca s’appelle un contrefeu. S’il arrive quoi que ce soit de catastrophique pendant les fêtes, ça signifiera que les soignants ne se sont pas mobilisés malgré le rachat de leurs vacances. » Le montant affiché de 2000 euros pour 10 jours de congés rachetés apparaît pour le syndicaliste comme de la poudre aux yeux. « En temps normal, on a soit Noël, soit le jour de l’an, en aucun cas, un soignant n’aura 10 jours de congés à revendre, d’autant que les hôpitaux demandent déjà aux gens de rester », ajoute le syndicaliste.
Christophe Prudhomme, délégué CGT santé, est tout aussi remonté. « Martin Hirsch se moque du monde en proposant cette carotte pour que les gens ne prennent pas leurs vacances, il devrait avoir honte car il est largement responsable de la situation catastrophique des hôpitaux parisiens, assène-t-il. Il a imposé à son arrivée une réorganisation du temps de travail contreproductive qui a fait fuir les infirmières et les aides-soignants. Les agents sont à l’agonie, et s’ils ne prennent pas de vacances, ils risquent de tomber malades dans les deux mois. »
Les heures supp’ à la rescousse
L’appel aux soignants de Martin Hirsch à revendre leurs congés trouvera-t-il des adeptes ? Rien n’est moins sûr comme en témoignent de nombreuses réactions publiées sur Twitter (voir 2 exemples ci-dessous). Quoi qu’il en soit, l’AP-HP fait feu de tout bois pour encaisser au mieux la 5e vague de Covid. La durée de travail pourra être étendue et le recours aux heures supplémentaires va être facilité « dans la limite de 48 heures hebdomadaires », ces heures supp’ étant majorées de 50 % jusqu’au 31 janvier prochain. « Les organisations de travail en 10h et 12h, et en 7h30 semaine / 12h le week-end pourront être étendues dans les services d’hospitalisation impliqués dans la prise en charge des patients Covid ou concernés par une hausse d’activité liée à la crise sanitaire », indique une note de l’AP-HP du 8 décembre.
Même si elle prévoit que « le maximum sera fait […] pour permettre la prise d’une semaine sur la période des fêtes », cette note signée par Martin Hirsch stipule que « les contraintes de continuité de service liées au contexte économique [pourront] conduire, à la demande de l’encadrement ou sur proposition des agents, à reporter les jours de congés (CA, RTT) initialement programmés ».
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Citer cet article: 200 euros pour chaque jour de congé non pris à Noël : la mesure du patron de l’AP-HP passe mal - Medscape - 15 déc 2021.
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