COVID-19: l’EMA valide le principe du rappel vaccinal hétérologue

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

15 décembre 2021

Amsterdam, Pays-Bas - Dans de nouvelles recommandations, l’Agence européenne du médicament (EMA) et le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC) ont validé le principe du rappel vaccinal hétérologue contre le Covid-19, permettant d’opter pour une troisième dose de vaccin différente des premières [1]. Les deux vaccins à ARNm (Spikevax® de Moderna et Comirnaty® de Pfizer) sont préconisés, sans distinction, pour leur bonne capacité immunogène.

Ces recommandations pointent essentiellement l’intérêt d’un vaccin à ARNm pour le rappel hétérologue. Elles font écho à celles de la Food and Drug Administration (FDA), publiées fin octobre, qui autorisent le rappel hétérologue chez les plus de 18 ans, en laissant le libre choix du vaccin, tout en précisant que le vaccin à ARNm Spikevax® s’utilise en rappel avec seulement une demi-dose (50 µg d’ARNm).

« Les preuves actuellement disponibles sur les différents vaccins autorisés indiquent qu’un rappel vaccinal hétérologue apparait autant ou plus efficace en termes de réponse d’immunitaire qu’un rappel homologue. De plus, le profil de sécurité des combinaisons de rappel hétérologue et homologue sont comparables », soulignent les agences européennes.

Les diverses combinaisons bénéfiques

« Les études sur la vaccination hétérologue montrent que la combinaison de vaccin à vecteur viral et de vaccin à ARNm produit de bons niveaux d’anticorps contre le virus du Covid-19 et une réponse des lymphocytes T plus élevée qu’en utilisant le même vaccin (vaccination homologue), que ce soit en primovaccination ou en rappel. » Les études en question portent majoritairement sur l’utilisation d’un vaccin à ARNm après un vaccin à vecteur.

 
Les preuves actuellement disponibles sur les différents vaccins autorisés indiquent qu’un rappel vaccinal hétérologue apparait autant ou plus efficace en termes de réponse d’immunitaire qu’un rappel homologue.
 

« Associer deux vaccins différents apporte une meilleure immunité en comparaison avec une vaccination avec deux vaccins identiques, certainement en raison de voies d’activations différentes selon les vaccins », qui viennent alors se compléter, a souligné auprès de Medscape édition française, le Pr Samira Fafi-Kremer (laboratoire de virologie, CHU de Strasbourg).

Partant de ce constat, « on peut envisager de choisir un vaccin à vecteur viral comme celui d’AstraZeneca ou de Jansen en troisième dose après deux doses d’ARNm. C’est un schéma qui pourrait très bien fonctionner », estime la virologue. « Ces recommandations préconisent avant tout les vaccins à ARNm essentiellement par manque de données sur le rappel hétérologue avec d'autres vaccins. »

Dans la partie concernant la primovaccination hétérologue, les recommandations européennes précisent également qu’il existe moins de preuve de l’intérêt d’administrer un vaccin à vecteur après une première dose de vaccin à ARNm. Néanmoins, elles indiquent que ce schéma peut être envisagé pour apporter plus de flexibilité dans les campagnes de vaccination, « en cas de problème d’approvisionnement en vaccin à ARNm ».

Le vaccin de Moderna également préconisé

Concernant le profil de sécurité, même si les données sont encore limitées pour le rappel hétérologue, elles sont jugées « rassurantes » dans les recommandations pour toutes les combinaisons de vaccin utilisées, y compris avec un vaccin à vecteur ou le vaccin à ARNm Spikevax® (Moderna) « qui a tendance donner davantage d’effets secondaires ».

Avec ces nouvelles recommandations, l’EMA vient donc valider l’usage de Spikevax® dans la stratégie de rappel hétérologue, peu après la FDA. Ce vaccin a obtenu fin octobre une extension de son autorisation pour une utilisation en rappel à la dose de 50 µg chez les individus de 18 ans et plus.

En France, la Haute autorité de santé (HAS), dans un avis publié le mois dernier, a restreint par précaution l’usage du vaccin de Moderna au plus de 30 ans. Elle recommande le vaccin Cominarty® chez les moins de 30 ans, qu’il s’agisse de primovaccination ou d'un rappel vaccinal, « compte tenu de l’insuffisance de recul sur le risque de myocardites avec le vaccin Spikevax® utilisé en demi-dose pour le rappel ».

La HAS s’appuie sur les derniers données de l’étude Epi-PHARE qui montrent que le risque de myocardites est cinq fois plus élevé chez les 12-29 ans avec le vaccin Spikevax® comparativement au Cominarty® (132 cas contre 27 cas par million de doses administrées pour le vaccin de Pfizer). Les cas de myocardites rapportés restent peu fréquents et d’évolution favorable, précise-t-elle.

Pour rappel, Spikevax® à dose normal apparait plus efficace en primovaccination que l’autre vaccin à ARNm Comirnaty®, mais au prix d’une prévalence plus importante de myocardites post-vaccinales chez les plus jeunes, probablement en raison d’un dosage plus élevé en ARNm (dose de 100 µg d’ARNm, contre 30 µg pour Comirnaty®).

Dès trois mois après la primovaccination

Les recommandations précisent par ailleurs que la troisième dose peut être administrée « de manière sûre et efficace » dès le troisième mois après la fin de la primovaccination, « si le raccourcissement du délai est souhaitable pour des raisons de santé publique ». Dans le cas contraire, il reste préférable d’administrer la dose de rappel après le délai de six mois, conformément aux recommandations actuelles.

« Je ne pense pas que ce délai de trois mois soit délétère », estime le Pr Fafi-Kremer. « Etant donné que certains individus développent très peu d’anticorps après les deux premières doses, ce serait un moyen de les protéger et de couvrir rapidement toute la population, sans attendre les six mois. Chez ces individus, il a été démontré que la troisième dose de vaccin augmente fortement leur niveau d’anticorps. »

Reste à savoir si l’augmentation des taux d’anticorps circulants observée après un rappel hétérologue se traduit nécessairement par une meilleure protection contre les infections, notamment contre les nouveaux variants. Comme le rappellent l’EMA et le ECDC, « il n’est pas encore possible de définir avec précision dans quelle mesure cette amélioration de l’immunogénicité se traduit par une plus grande efficacité ».

Les deux institutions européennes précisent toutefois que les premières données se révèlent conformes aux attentes puisqu’elles montrent « une protection accrue contre la maladie symptomatique avec un rappel hétérologue utilisant un vaccin à ARNm lors de la propagation du variant Delta ».

 
Les derniers essais montrent clairement que l’augmentation des anticorps après un rappel avec un vaccin à ARNm permet de se défendre contre les différents variants, y compris contre le variant Omicron. Pr Samira Fafi-Kremer
 

Pour le Pr Fafi-Kremer, le bénéfice de la dose de rappel ne fait plus aucun doute. « Les derniers essais montrent clairement que l’augmentation des anticorps après un rappel avec un vaccin à ARNm permet de se défendre contre les différents variants, y compris contre le variant Omicron. »

 

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