Montpellier, France – Publiées en 2020, les dernières recommandations sur la prise en charge des douleurs neuropathiques ont donné une place élargie aux traitements non pharmacologiques, telle que la stimulation magnétique trancrânienne (rTMS). Lors du 21ème congrès de la Société française d’étude et du traitement de la douleur (SFETD), le Pr Xavier Moisset (CHU de Clermont-Ferrand) a évoqué l’intérêt de ces approches dans le traitement des douleurs post-AVC [1,2].
Jusqu’à 12% des patients touchés par un accident vasculaire cérébral (AVC) développent par la suite des douleurs neuropathiques centrales ou périphériques invalidantes, en raison principalement d’une atteinte du thalamus (syndrome thalamique). Particulièrement réfractaires aux antalgiques habituels, ces douleurs restent très difficiles à soigner.
La prise en charge des douleurs neuropathiques s’appuie sur des recommandations de la SFETD qui ont été récemment actualisées. Parmi les évolutions notables depuis la dernière version de 2010, on peut noter la place plus importante accordée aux approches non pharmacologiques, ainsi que l’apparition des patchs de capsaïcine et des injections de toxine botulique A dans le traitement des douleurs périphériques.
La stimulation transcutanée en première intention
Validée par la SFETD et par la Société française de neurologie (SFN), cette actualisation s’est basée sur les dernières données issues d’études randomisées évaluant le traitement des douleurs neuropathiques centrales et périphériques. Chez les patients inclus dans ces études, les douleurs chroniques devaient être ressenties depuis trois mois au moins.
La neurostimulation électrique transcutanée (TENS) est la seule approche non pharmacologique recommandée en première intention. Elle est indiquée dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques localisées, au même titre que l’utilisation d’emplâtres de lidocaïne 5% (un à trois emplâtres quotidiens pendant 12 heures).
La TENS consiste à appliquer un courant électrique de faible tension à travers des électrodes placées sur les zones douloureuses. Au cours de sa présentation, le Pr Moisset a précisé que cette approche pourrait également avoir un intérêt dans le traitement des douleurs neuropathiques centrales se manifestant en post-AVC.
Une récente étude pilote a en effet suggéré que le traitement des douleurs périphériques permet aussi d’apaiser les douleurs centrales [3]. Dans cette étude, un bloc nerveux périphérique réalisé par anesthésie locale chez huit patients atteints de douleurs neuropathiques post-AVC, en majorité localisées, a permis également d’éliminer les douleurs centrales chez sept d’entre eux.

Neurostimulation électrique transcutanée (TENS)
La nature des douleurs centrales en question
« Ces résultats amènent à se questionner sur la nature des douleurs centrales », souligne le neurologue. Celles-ci pourraient, en effet, être liées à une mauvaise interprétation d’une stimulation périphérique. Elles surviendraient par exemple avec les allodynies, ces sensations douloureuses périphériques provoquées par un stimuli qui ne cause pas habituellement de douleur.
La stimulation périphérique par TENS peut donc se justifier dans le traitement des douleurs centrales post-AVC, estime le Pr Moisset, même si la littérature se limite à la description de quelques cas cliniques. Il a d’ailleurs rapporté une nette amélioration des douleurs centrales post-AVC réfractaires chez certains de ses patients après des sessions de stimulation localisées par TENS.
Récemment, la littérature a également décrit un cas clinique concernant une patiente âgée de 53 ans souffrant de douleurs neuropathiques au niveau du membre inférieur droit après un AVC ischémique. Après échec des traitements pharmacologiques, une stimulation du ganglion sensitif de la racine dorsale, une technique invasive de stimulation électrique, a montré « une très bonne efficacité ».
« Il ne s’agit pas de proposer ce type de stimulation en traitement de première ligne des douleurs centrales, mais il y aura peut-être des évolutions en ce sens dans les années à venir », a commenté le neurologue. Selon lui, compte tenu de son potentiel bénéfice, « la neurostimulation périphérique à visée antalgique mérite d’être explorée » dans le traitement des douleurs centrales.
La stimulation périphérique en médecine de ville ?
La TENS a toutefois l’inconvénient d’être difficile d’accès en France, étant donné que ce type de stimulation ne peut être prescrit que par une structure spécialisée dans la douleur chronique (SDC), rappellent les auteurs des recommandations dans une synthèse. « Ce traitement pourrait bénéficier à beaucoup plus de patients présentant une douleur neuropathique et devrait pouvoir à terme être proposé en médecine de ville », estiment-ils.
Concernant la prise en charge des douleurs centrales, les nouvelles recommandations se limitent pour le moment en première intention au traitement pharmacologique. Deux antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) sont préconisés en priorité pour leur efficacité: la duloxetine (60 à 120 mg/jour) et la venlafaxine (150-225 mg/jour).
Les autres traitements non pharmacologiques sont recommandés uniquement en troisième intention, après échec du traitement par patch de capsaïne et de la toxine botulique dans les douleurs périphériques et, dans le cas des douleurs centrales, des traitements par l’antiépileptique prégabaline (150-600 mg/jour), l’analgésie tramadol (100-400mg/jour) ou des combinaisons incluant des antidépresseurs.
La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) à haute fréquence sur la région du cortex moteur est ainsi préconisée en troisième intention, autant dans les douleurs neuropathiques périphériques que centrales.

Stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS)
La rTMS plus efficace sur le cortex moteur
LaTMS est une technique focalisée, non invasive et indolore, se pratiquant en ambulatoire, sans anesthésie générale. Elle permet de moduler l’activité cérébrale en induisant, via un champ magnétique, une dépolarisation des neurones. Elle est également indiquée dans le traitement de la dépression réfractaire.
Une récente étude randomisée menée par le Dr Nadine Attal (Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Ambroise Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt) a montré des résultats positifs avec une rTMS focalisée sur le cortex moteur dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques [4].
L’étude a inclus 149 patients souffrant de douleurs neuropathiques périphériques. Ils ont été répartis de manière randomisée en trois groupes pour tester une rTMS sur cortex moteur primaire, une rTMS sur cortex préfrontal dorsolatéral gauche ou une rTMS de simulation (groupe contrôle). Les sessions ont été quotidiennes, puis hebdomadaires, tous les 15 jours et enfin toutes les trois semaines.
A six mois, les résultats montrent une baisse significative des douleurs avec la rTMS sur cortex moteur par rapport au groupe contrôle. L’effet sur les douleurs apparait dès le premier mois, puis se maintient tout au long du suivi. Concernant la rTMS sur cortex préfrontal, il n’apparait pas de différence avec le groupe contrôle.
Dans les recommandations actuelles, la rTMS sur cortex moteur primaire à haute fréquence est préconisé en troisième ligne pour la prise en charge des douleurs neuropathiques centrales ou périphériques (niveau A), « notamment dans le cas particulier des douleurs post-AVC », note le Pr Moisset.
Psychothérapies , TCC et pleine conscience validées en complément
Une autre étude française a récemment montré l’efficacité de cette technique chez des patients atteints de douleurs post-AVC avec des sessions plus espacées (sessions de quatre séances hebdomadaires séparées de deux à trois semaines) [5]. « Après quatre séances, on peut déjà percevoir l’efficacité de la rTMS sur cortex moteur ».
Egalement testée dans la dépression, la stimulation transcrânienne directe (tDCS) a montré un intérêt dans quelques études, mais les données sont insuffisantes pour la recommander pour les douleurs neuropathiques. Il s’agit d’une technique de stimulation électrique appliquée directement sur le crâne, via des électrodes posées au-dessus des zones du cerveau visées.
De même, bien que préconisée en troisième intention dans certains cas de douleurs neuropathiques, la neurostimulation médullaire n’a pas fait ses preuves dans le traitement des douleurs post-AVC. Cette stimulation invasive vise à moduler le contrôle de la douleur par le biais d’une électrode implantée dans la moelle épinière.

Patiente réglant l'intensité de son stimulateur médullaire implanté pour lutter contre la douleur.
Enfin, les psychothérapies, telles que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la thérapie de pleine conscience, sont validées en deuxième intention dans la prise en charge des douleurs neuropathiques, en complément des autres traitements. Si cette approche n’a pas été évaluée en post-AVC, « on peut espérer un bénéfice similaire dans cette indication », a précisé le neurologue.
Le Pr Xavier Moisset a déclaré des liens d’intérêt avec Allergan, Biogen, Grunenthal, Lilly, Teva, Merck-Serono, Novartis, Roche, Sanofi-Genzyme et Sun-Pharma.
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Citer cet article: Douleurs neuropathiques post-AVC: la place de la neurostimulation - Medscape - 8 déc 2021.
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