Omicron : inquiétant, oui mais plus dangereux? On ne sait pas encore

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

7 décembre 2021

Afrique du Sud – Quinze jours après avoir pris connaissance du variant Omicron, que sait-on de plus sur ses capacités de transmission et d’infection ?  Si le variant a de quoi inquiéter en raison de ses nombreuses mutations sur la protéine Spike – signe d’un potentiel échappement immunitaire –, est-il plus dangereux pour autant ? Quid de l’efficacité des vaccins anti-Covid ? Le point sur les toutes dernières données, alors que la France compte 25 cas confirmés d’infection par le variant Omicron (5/11) [1].

Risque de ré-infection plus élevé

Selon un organisme scientifique sud-africain, le nouveau variant variant Omicron présenterait un risque de réinfection trois fois plus élevé que le variant Delta actuellement dominant et la souche Bêta. Les chercheurs ont mis en évidence un nombre de réinfections bien plus important qu’attendu mais un nombre d’infections primaires plus faible que prévu. L’information émane d’une publication en « pre-print » publiée le 2 décembre sur Medrevx – et donc non revue par les pairs [2] où l’analyse était basée sur 2 796 982 personnes avec des résultats de test positifs au moins 90 jours avant le 27 novembre, dont 35 670 étaient des réinfections suspectées.

Pour les auteurs, ces dernières découvertes « fournissent des preuves épidémiologiques de la capacité d'Omicron à échapper à l'immunité contre une infection antérieure ». Ce qui, par comparaison, n’avait pas été observé avec les variants Delta et Bêta. « Ces résultats ont d’importantes implications en termes de santé publique, particulièrement en Afrique du Sud où il existe un fort taux d’immunité du fait d’une infection antérieure. Des questions urgentes subsistent sur le fait qu’Omicron soit capable d’échapper à l’immunité induite par les vaccins ou à une immunité réduite à l’infection et à la protection contre les formes sévères et les décès », écrivent les auteurs.

 
Omicron pourrait donner lieu à une maladie moins sévère. Anne von Gottberg
 

La microbiologiste Anne von Gottberg du NICD a réagi à ces résultats lors d'une conférence de presse en ligne organisée par l'Organisation mondiale de la santé, affirmant que l'Afrique du Sud faisait face à une augmentation des réinfections au Covid-19 dues à Omicron. Mais elle s’est néanmoins montrée optimiste et a affirmé qu’elle pensait qu’ « Omicron pourrait donner lieu à une maladie moins sévère, y compris chez les populations vaccinées. Ce serait une bonne chose pour l’Afrique du Sud, l’Afrique et aussi au niveau global, si ceux qui ont été précédemment infectés ou ont été vaccinés avaient une maladie moins sévère liée à Omicron ».

https://twitter.com/WHOAFRO/status/1467433648064499713

Une transmission plus rapide

De son côté, sur la base des caractérisations génétiques du nouveau variant et de ses observations, la Health Security Agency du Royaume-Uni a conclu, le 3 décembre, qu’Omicron « se transmet rapidement et avec succès ». La modélisation structurelle suggère que « les mutations présentes peuvent augmenter la liaison à l'ACE2 humaine du fait d’une affinité beaucoup plus grande que celle observée pour toute autre variant », écrit l’Agence britannique ajoutant que « les données d'Afrique du Sud suggèrent qu'Omicron a un avantage de croissance prononcé là-bas. Cela peut être dû à une transmissibilité accrue ou à un échappement au système immunitaire, ou les deux » [3].

Cette évaluation semble confirmée, d’une part, par les chiffres de propagation du virus Omicron en Afrique du Sud, 200 à 300 cas par jour il y a une semaine et plus de 4000 désormais, signalait Tulio de Oliveira, chercheur sud-africain au CERI dans un tweet du 4 décembre. D’autre part, par un rapport du Network for Genomic Surveillance sud-africain (NGS-SA) datant du 3 décembre qui montre qu'Omicron a rapidement dépassé le variant Delta en Afrique du Sud [4].

En octobre, 80% de tous les échantillons de coronavirus séquencés en Afrique du Sud provenaient de la lignée Delta et Omicron n’était pas retrouvé. En novembre, 75 % des virus séquencés étaient du Omicron, avec 22 % de Delta.

 
En octobre, 80% de tous les échantillons de coronavirus séquencés en Afrique du Sud provenaient de la lignée Delta et Omicron n’était pas retrouvé. En novembre, 75 % des virus séquencés étaient du Omicron, avec 22 % de Delta.
 

Par ailleurs, le virus a commencé à diffuser dans le monde entier, comme en témoigne la carte établie par le NGS-SA (voir ci-dessous) [4].

Ce variant est-il plus dangereux ? Les vaccins seront-ils efficaces ?

« A ce stade, il ne semble pas qu’il présente un grand degré de sévérité », a déclaré ce week-end à CNN le Dr Antony Fauci, l’infectiologue référent à la Maison Blanche interrogé sur le variant Omicron. « Mais nous devons être vraiment prudents avant d’affirmer qu’il est moins sévère ou qu’il n’entraine vraiment pas de maladie sévère, par comparaison au Delta. Même si, à ce stade, les données sur la sévérité sont encourageantes », a-t-il ajouté. Le variant Omicron a déjà été retrouvé dans 16 états, et pour la directrice des Centers for Disease Control, la Dr Rochelle Walensky, « ce nombre est susceptible de grimper », une progression « surveillée de très près par les CDC ».

Pour autant, qu’en est-il de l’efficacité des vaccins et traitements disponibles contre ce variant ? A ce stade, personne n’a la réponse, même si tous les experts se penchent sur la question et que les chercheurs ont commencé à tester ce nouveau variant dans leurs laboratoires. Ainsi, le Dr Stephen Hoge président de Moderna a affirmé ce week-end à la télévision américaine : « Je pense qu’il y a un vrai risque que nous voyons une diminution de l’efficacité des vaccins », avant d’ajouter « mais je ne sais pas dans quelles proportions ». Le laboratoire a, par ailleurs, évalué à 3 mois, le délai pour produire un vaccin dédié à Omicron.

Idem pour Pfizer qui travaille à la mise au point d’un vaccin spécifique à ce nouveau variant qui sera soumis aux autorités de régulation dans environ 3 mois. En revanche, le PDG Albert Bourla s’est montré confiant concernant l’efficacité de son traitement curatif paxlovid qui inhibe la réplication virale sur ce nouveau variant, selon cbsnews.

De son côté, Regeneron a annoncé que son traitement à base d’anticorps pourrait être moins efficace et indique que de plus amples analyses sont nécessaires pour calculer cette baisse d’efficacité face au variant Omicron, selon Medscape.com.

Ce nouveau variant peut-il changer l’évolution de la pandémie ?

Interrogé ce mardi 7 sur France Info sur l’évolution de l’épidémie dans ce nouveau contexte du variant Omicron, le Pr Jean-Michel Constantin, chef du service anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a proposé deux scénarios, l’un optimiste, l’autre pessimiste. Dans le pire cas, le nouveau variant a une virulence accrue et échappe aux vaccins actuels. Au moins 3 mois seraient nécessaires pour obtenir de nouveaux vaccins efficaces et l’on se rapprocherait alors de ce que l’on a connu lors de première vague au printemps 2020, avec des hôpitaux débordés et de probables mesures de confinement. Si c’est le cas, « l’année 2022 sera horrible », a assuré le Pr Constantin. Heureusement, une autre option est possible (et souhaitable). Dans ce scénario alternatif, le variant Omicron ne présente pas une grande sévérité mais très transmissible, il prend le dessus sur le variant Delta. L’infection Covid se transformerait alors en une (forme de) rhinite saisonnière et la pandémie s’éteindrait peu à peu, comme dans le cas de la grippe espagnole.

 

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