PLFSS 2022 : des mesures novatrices en matière de santé publique

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

1er décembre 2021

Paris, France — Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2022 a été définitivement adopté. Il comprend de nombreuses mesures novatrices en matière de santé publique.

Un PLFSS 2022 sujet à polémiques

Rejeté en bloc par le Sénat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2022 (comportant 121 articles) a finalement été adopté par l'Assemblée nationale ce 29 novembre. « Le PLFSS 2022 poursuit la traduction des engagements du Ségur de la santé, pour construire un système plus résiliant. Au total, ce sont plus de 10 milliards d'euros par an de revalorisation des métiers de la santé, et du médico-social, financé entre 2020 et 2022 », a notamment déclaré Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l'autonomie, au perchoir de l'Assemblée nationale.

Côté médical, ce PLFSS a surtout été marqué par la bronca des syndicats de médecins, viscéralement opposés à l'accès direct des patients à certaines professions paramédicales, en faisant l'économie d'une consultation médicale.

Une polémique qui a occulté les nombreuses mesures que comportent ce PLFFS au sujet de l'accès aux soins ou encore du développement de la cinquième branche autonomie.

Une hausse de l’ONDAM de 3,8% en 2022, hors dépenses liées à la crise sanitaire

L’ONDAM continuera à progresser en 2022 : +3,8 % hors dépenses liées à la crise sanitaire, +2,6 % hors dépenses liées au Ségur de la santé et à la crise sanitaire. Toutefois, du fait de la baisse des dépenses liées à la crise sanitaire (5 Md€ de provisionnés pour 2022 contre près de 15 Md€ prévus en 2021), sur l’ensemble du périmètre, l’évolution serait de -0,6 % par rapport à l’ONDAM rectifié 2021.

Des mesures compensatoires en lien avec l’épidémie de Covid

Pour 2021, ce PLFSS a gravé dans le marbre quelques dispositions se rapportant à cette année marquée par la poursuite de l’épidémie de Covid.

En termes de cotisation sociale, les « médecins salariés ou agents publics qui participent à la campagne vaccinale en dehors de l’exécution de leur contrat de travail ou de leurs obligations de service ainsi que les médecins retraités et les étudiants en médecine sont affiliés au régime général de sécurité sociale dans les conditions applicables aux travailleurs indépendants ».

Par ailleurs, à titre exceptionnel, la retraite peut être entièrement cumulable avec une activité, pour les professionnels de santé retraités qui auraient travaillé entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre prochain.

Autre cadeau à destination des médecins libéraux : ils pourront aussi bénéficier du fonds d'aide aux entreprises « touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 » dans certaines communes listées.

Une autre aide leur sera versée pour pallier la « répétition des déprogrammations au second semestre de l'année 2021 ». Les conditions d'application de ces aides seront fixées par décret.

Télésurveillance médicale légitimée

Au chapitre de la « transformation du système de santé », ce PLFSS légitime la « télésurveillance médicale », ainsi définie : « une surveillance médicale ayant pour objet l’analyse des données et alertes transmises au moyen d’un des dispositifs médicaux numériques » et « l’utilisation de dispositifs médicaux numériques ayant pour fonction de collecter, d’analyser et de transmettre des données physiologiques, cliniques ou psychologiques et d’émettre des alertes lorsque certaines de ces données dépassent des seuils prédéfinis ».

Ces actes de télésurveillance seront remboursés par la sécurité sociale, à condition d'être inscrits sur une liste préétablie, et d'être assurés par un opérateur de télésurveillance, soit « un professionnel médical ».

Isolement et de contention recadrés

En psychiatrie, ce PLFSS recadre les notions d'isolement et de contention. Ainsi la mesure d'isolement peut être prise pour une durée maximale de 12 heures, tandis que la mesure de contention, elle, ne peut durer que 6 heures.

« L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical ».

Par ailleurs, les durées totales d’isolement et de contention, ne pourront être prolongées qu’à titre exceptionnel. Dans ce cas, « le médecin informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la mesure », établit ce PLFSS.

Aussi ce PLFSS officialise le remboursement des consultations de psychologues, dans des conditions définies : il faut que le psychologue soit sélectionné par l'autorité compétente, et que le patient soit adressé par son médecin traitant, « ou, à défaut, par un médecin impliqué dans la prise en charge du patient justifiant cette prestation d’accompagnement psychologique ».

Davantage en faveur de la branche « Autonomie »

Ce PLFSS comme l'a défini Brigitte Bourguignon, est aussi celui de l'approfondissement de la mise en place de la branche autonomie, et du « virage domiciliaire ».

« Nous amorçons le service public de l'autonomie avec 1,3 milliard d'euros de plus d'ici 2025. Nous allons aider les Français à mieux vieillir chez eux. Aussi, dans ce PLFSS, nous actons de l'augmentation du temps de médecins coordonnateur, de la généralisation des astreintes de nuit pour les infirmiers, et du recrutement de 10000 postes supplémentaires ».

 
Nous allons aider les Français à mieux vieillir chez eux.
 

Par ailleurs, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, l'État autorise la mise en place d'une carte professionnelle pour les intervenants à domicile. Cette carte simplifiera de nombreuses démarches du quotidien et renforcera la reconnaissance de leur métier.

Toujours à titre expérimental, dans trois régions volontaires, sera testée « une plateforme d’appui gériatrique aux établissements et services sanitaires et médico-sociaux ainsi qu’aux professionnels de santé libéraux apportant des soins ou un accompagnement aux personnes âgées. Elle assure la coordination de ces acteurs afin d’organiser un parcours de santé pour les personnes âgées ». 

Des mesures pour lutter contre les ruptures de stock

En matière de produits de santé, là aussi, le législateur a souhaité mieux encadrer les procédures : « Il faut responsabiliser les laboratoires, en continuant à baisser les prix sur les produits les plus amortis pour éviter les phénomènes de rente, ou en étant plus exigeant sur les ruptures de stock. Plus de 1 milliard d'euros supplémentaires seront consacrés au remboursement des produits de santé selon cette démarche exigeante ».

Ce PLFSS intègre un élargissement de la liste en sus avec 300 millions d'euros supplémentaires pour faciliter l'accès sur tout le territoire aux molécules onéreuses, a déclaré Brigitte Bourguignon.

À l'instar des procédures mises en place pour prévenir les ruptures de stock des médicaments, un dispositif similaire a été voté en matière de dispositif médical "indispensable".

« Lorsqu’ils identifient un risque de rupture dans la disponibilité d’un dispositif médical indispensable, les fabricants ou leurs mandataires ainsi que la personne qui se livre à l’importation ou à la distribution de ce dispositif, à l’exclusion de la vente au détail, mettent en œuvre toute mesure utile et nécessaire pour éviter la rupture et assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients », établit le PLFSS. Des sanctions financières pourront être prises contre les fabricants de dispositifs médicaux indispensables qui n'auraient pas informé l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d'une rupture d'approvisionnement.

Plus de liberté pour la pharmacie hospitalière

S'inspirant de l'expérience des pharmacies hospitalières qui ont dû préparer des médicaments à base de curare pendant la première phase de la pandémie en 2020, un article de ce PLFSS autorise la fabrication de certaines « préparations hospitalières spéciales », soumises à des difficultés techniques de fabrication, ou à une carence des substances actives nécessaires.

Autre innovation tirée de l'expérience de la pandémie : des spécialités pharmaceutiques pourront bénéficier d'un accès direct au remboursement par l'assurance maladie, pour des indications ne bénéficiant pas encore « d'une autorisation précoce ». Cette mesure est prise à titre expérimental.

Lutte contre l’obésité infantile et les addictions

Pour une durée de deux ans, à titre expérimental, et ce dans trois régions, l'assurance maladie prendra en charge les substituts nicotiniques, dispensés sans ordonnance dans les pharmacies d'officine.

Pour ce qui est de la lutte contre l'obésité infantile, les médecins des services de protection maternelle et infantile peuvent mettre en œuvre avec les centres et les maisons de santé, un parcours « soumis à prescription médicale visant à accompagner les enfants de trois à douze ans inclus qui, selon les critères fixés par la Haute Autorité de santé, sont en situation de surpoids ou d’obésité commune non compliquée ou présentent des facteurs de risque d’obésité ».

En matière de lutte contre les addictions, ce PLFFS introduit un « élargissement du fonds de lutte contre les addictions, surtout en direction du jeune public, s'agissant de nouveaux usages problématiques : les jeux, les paris sportifs, les écrans... », selon Brigitte Bourguignon.

Il institue aussi « à titre expérimental et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2025 », dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogue, des haltes soins addictions, qui sont des « espaces de réduction des risques par usage supervisé et d’accès aux soins, dans le respect d’un cahier des charges national arrêté par le ministre chargé de la santé ».

« Pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales, vous avez adopté la création d'équipes mobiles santé précarité », a noté Brigitte Bourguignon, s'adressant aux parlementaires.

Dépression post-partum, contraception masculine

En guise de prévention de la dépression post-partum est créée une consultation postnatale précoce obligatoire réalisé par un médecin ou une sage-femme entre les quatrième et huitième semaines qui suivent l'accouchement.

Enfin, le Parlement devra remettre un rapport, dans les six mois suivant la promulgation de ce PLFSS, pour promouvoir la contraception masculine.

Encadrement des centres de santé renforcé

A l'initiative de Fadila Khattabi et du rapporteur général Thomas Mesnier, l'Assemblée a prévu plusieurs obligations spécifiques aux centres dentaires ou ophtalmologiques, « justifiées par la concentration des dérives dans ces types de centres », dits centres low cost. « Vous avez renforcé l'encadrement des centres de santé ainsi qu'un renforcement des sanctions, pour mettre un terme à des pratiques opportunistes et révoltantes », a déclaré Brigitte Bourguignon,

Aussi, désormais, un dentiste devra être nommé par le gestionnaire du centre de santé en tant que responsable de la qualité et de la sécurité des soins dentaires, et un médecin ophtalmologiste sera lui aussi responsable de la sécurité des soins ophtalmologiques, « dès lors que le centre ou l’une de ses antennes assure une activité ophtalmologique ».

Prescription hospitalière pour les médecins de ville

Les médecins de ville pourront prescrire des spécialités hospitalières sous réserve que les structures au sein desquelles ils exercent « disposent des moyens adaptés pour effectuer le diagnostic des maladies pour lesquelles ces traitements sont habituellement utilisés, ou de permettre l’utilisation de certains médicaments réservés à l’usage hospitalier en dehors d’un environnement hospitalier ».

Le Conseil constitutionnel, saisi ce 30 novembre par plus de 60 parlementaires, doit encore se prononcer sur le PLFSS avant sa promulgation.

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