Aarhus, Danemark – Pour évaluer le risque cardiovasculaire chez les patients symptomatiques, la densité calcique en sus de l’évaluation clinique peut être créditée d’une forte fiabilité mais sa valeur ajoutée pour écarter la maladie coronarienne obstructive (CAD) pourrait bien dépendre de l'âge, suggère une étude observationnelle sur près de 24 000 patients.
Score calcique égal à 0 : attention à ne pas passer à côté des plus jeunes
Dans cette cohorte, sur 5 043 patients qui présentaient une maladie coronaire athérosclérotique sténosante, une minorité, soit un peu plus de 14%, ne montrait pas de preuves de calcification coronaire, c’est à dire avait un score calcique coronaire (SCC) égal à 0. La prévalence d’un SCC nul était plus élevée chez les patients qui ont moins de 60 ans.
Cela signifierait, en pratique, que les patients qui n’ont pas de calcification coronaire seraient dès lors évincés d’examens ultérieurs notamment par coroscanner (CS). Seulement voilà, « une stratégie qui utiliserait un SCC égal à 0 afin d’éliminer une sténose coronaire chez tous les patients symptomatiques passerait probablement à côté d’un nombre important de patients parmi les plus jeunes » ayant des lésions obstructives coronaires, affirme un article publié en ligne dans le JAMA Cardiology du 27 octobre [1].
Les limites diagnostiques du SCC pour reconnaitre ou éliminer une MCAS obstructive
Dans ces cas, pour identifier ou exclure une sténose coronaire athéromateuse, le document précise qu’« il faut recourir au coroscanner malgré un SCC égal à 0 »
« Nous avons remarqué que la maladie coronaire athérosclérotique obstructive (MCAS) chez les plus jeunes, de moins de 60 ans avec un SCC à 0, était associée à un risque relatif plus élevé comparé aux patients n’ayant pas de maladie obstructive » a affirmé le Dr Martin Bødtker Mortensen, Aarhus University Hospital, Danemark, à theheart.org/Medscape Cardiology.
Chez les patients ayant moins de 60 ans, l’association d’une MCAS obstructive avec un SCC zéro majore significativement de 80% le risque de décès ou d’un premier infarctus du myocarde. La MCAS obstructive était définie conventionnellement par une sténose de sévérité au moins égale à 50% par le coroscanner.
Cependant, souligne le Dr Mortensen, « le nombre total d’événements reste faible chez les patients ayant un SCC à 0, avec moins de 1% d’événements annuels, qu’il existe ou non une MCAS obstructive ».
L’analyse de cette cohorte de patients symptomatiques issus du Western Denmark Heart Registry[2] « montre les limites diagnostiques du SCC pour reconnaitre ou éliminer une MCAS obstructive ». Même si le SCC égal à 0 reste valable pour prédire le risque [vasculaire], a-t-il déclaré.
« Nos résultats fournissent aux cliniciens une information nuancée sur la valeur du SCC comme signal pour poursuivre les examens chez les patients ayant une douleur thoracique stable ». Un SCC à 0 prédit un faible risque de MCAS obstructive quel que soit l’âge mais « il est important de considérer qu’un nombre significatif de lésions sténosantes de la MCAS chez les patients jeunes surviennent chez ceux qui ont un SCC à 0 », observe le Dr Mortensen.
Limite du SCC dans l’approche diagnostique d’une douleur thoracique
« Chez les patients jeunes comme chez les plus âgés avec une forte suspicion clinique, comme la présence de symptômes récurrents, ajoute-t-il, les cliniciens doivent savoir qu’il y a une limite à l’approche diagnostique avec le seul SCC pour évaluer les patients avec une douleur thoracique stable ».
L’étude actuelle est importante pour « souligner les limites potentielles du calcul du SCC afin d’identifier ceux qui bénéficieraient d’un traitement par une statine, en particulier chez les jeunes adultes » confirme l’éditorial accompagnant l’article de Sadiya S. Khan (Northwestern University Feinberg School of Medicine, Chicago), et Ann Marie Navar (University of Texas Southwestern Medical School, Dallas) [3].
Ces constatations « devraient rappeler aux cliniciens que l’absence de calcifications coronaires n’est pas l’équivalent d’absence d’athérosclérose » et « ils devraient nuancer l'utilisation intempestive de l’argument du SCC nul dans le but de diminuer ou de reporter la prescription des statines ».
Cependant, les auteurs soulignent que tous leurs patients présentaient des symptômes évocateurs de MCAS et que tous avaient été adressés pour un coroscanner « et, cela n’est donc pas représentatif d’une prévention primaire pour une population asymptomatique, qui est l’objectif d’un dépistage global ».
Une cohorte de près de 24 000 patients
La cohorte étudiée de 23 759 patients symptomatiques, avait un âge médian de 58 ans (intervalle interquartile 49-65) et 55% étaient des femmes. La prévalence de la MCAS sténosante augmentait progressivement par décennie, faible chez les moins de 40 ans avec seulement 3% et atteignant un maximum de 8% chez ceux de 70 ans et plus.
Aussi dans la cohorte totale, 54% avaient un score calcique à 0. Celui-ci a été observé chez 14% des 5043 patients qui avaient une MCAS sténosante mais sans cohérence avec l’âge.
Prévalence (%) d’un SCC à 0, en fonction de l’âge, parmi les 5043 patients symptomatiques ayant une MCAS obstructive.
Ensemble |
<40ans |
40-49 ans |
50-59 ans |
60-69 ans |
>70ans |
---|---|---|---|---|---|
14 |
58 |
34 |
18 |
9 |
5
|
Le taux de survenue du premier infarctus ou décès, quelle qu’en soit la cause, au cours du suivi médian de 4,3 ans (en excluant les 90 jours post-coroscanner) rapporté à 1 000 personnes-années était de :
4,31 patients ayant un SCC = 0 ;
4,07 patients pour ceux ayant un SCC à 0 sans lésion coronaire ou non sténosantes ;
7,11 parmi ceux ayant un SCC à 0 avec une MCAS avec lésions obstructives ;
15,00 pour ceux avec un SCC au-delà de 0 et une MCAS sténosante.
L’étude actuelle « met en garde au sujet de la surinterprétation des implications cliniques d’un score égal à 0 », écrivent les Drs Khan et Navar. « Cependant le SCC s’avère être un outil toujours utile pour identifier les sujets à haut risque de maladie cardiovasculaires (MCV). Etant donné la forte association qui existe entre SCC et MCV, la présence de calcifications coronaires chez les adultes jeunes devrait être un signal d’alarme chez les patients à très haut risque ».
Hasard Ratio* (IC 95%) pour la survenue d’un premier infarctus ou décès, MCAS obstructive, parmi les patients ayant un SCC à 0 selon la tranche d’âge.
Total |
<60 ans |
> 60 ans |
---|---|---|
1,51 (0,98-2,33) |
1,80 (1,02-3,19) |
1,24 (0,64-2,39) |
* En fonction de l’âge, du sexe, tabac, diabète des caractéristiques des symptômes.
Les lecteurs qui seraient sceptiques au sujet du rôle important trop souvent alloué au score calcique coronaire, trouveront des arguments détaillés, confortant leur retenue, dans le podcast du Dr John Mandrola sur theheart.org/Medscape Cardiology. JPU
Cette étude a été financée par l'hôpital universitaire d'Aarhus. Le Dr Mortensen n’a pas déclaré de liens d’intérêt. Les déclarations sur les conflits d’intérêts pour les autres auteurs sont dans le rapport. Le Dr Khan rapporte avoir reçu des subventions de l'American Heart Association et des National Institutes of Health, et être éditeur Web pour JAMA Cardiology. Le Dr Navar déclare avoir reçu des subventions de Bristol-Myers Squibb, Esperion, Amgen et Janssen ; des frais personnels d'Amarin, Amgen, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, CSL, Esperion, Janssen, Lilly, Sanofi, Regeneron, Novo Nordisk,
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre : CAC Score 0 Unreliable to Rule Out Stenosis in Younger Patients. Traduction du Dr Jean-Pierre Usdin.
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Citer cet article: Un score calcique nul n’exclut pas toujours une obstruction coronaire chez les plus jeunes - Medscape - 30 nov 2021.
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