Contraception masculine : la fin du tabou ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

29 novembre 2021

France – La contraception sera-t-elle bientôt un fardeau partagé par l’homme et la femme ? Ce n’est a priori pas pour tout de suite, mais l’idée fait son chemin. En particulier dans les jeunes générations. A l’occasion du congrès de l’Association française d’urologie (AFU) 2021, le Dr Antoine Faix, urologue à Montpellier, responsable du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU et le Pr Éric Huyghe, chirurgien urologue au CHU de Toulouse, ont fait le point sur la contraception masculine[1].

De plus en plus médiatisée

En 2021, la « pilule pour homme » fait toujours figure d’arlésienne, souvent évoquée mais jamais validée. Pour autant, la contraception masculine est de moins en moins tabou, elle a même été relativement médiatisée ces derniers temps. Ainsi deux journalistes sont partis à la rencontre d'hommes qui se « contraceptent » et de spécialistes de la question, le résultat de leur enquête a pris le format d’une BD « les contraceptés » (dessin de Caroline Lee) parue ce mois. L’émission Envoyé spécial a consacré en octobre un reportage à des jeunes qui se font stériliser car ne voulant pas d’enfants.

Qu’il s’agisse d’un choix radical ou d’une volonté de redistribuer la charge contraceptive, l’idée que l’homme soit plus impliqué dans la contraception avance donc à grand pas. Néanmoins, le « sociétal devance le scientifique » et le chemin est encore long avant que celle-ci soit réellement disponible. « Nous avons soixante ans de retard en matière de recherche sur la contraception masculine », résume le Dr Antoine Faix. Et plus prosaïquement « il faut retenir que l’échec [contraceptif] sera supporté par le couple et la femme », ajoute-t-il.

Engouement pour la vasectomie

De fait, « le préservatif demeure la contraception idéale de l’homme célibataire ou dans un couple récent », ajoute le Pr Huyghe. Reste la vasectomie. Très répandue dans les pays anglo-saxons et le Nord de l’Europe, cette opération —qui consiste à sectionner les canaux déférents qui acheminent les spermatozoïdes des testicules vers la prostate— rencontre également un certain succès dans des pays latins comme l’Espagne. La France marque un certain retard – la pratique n’a été légalisée qu’en 2001. En 2019, 13 000 vasectomies par an ont été réalisées – contre 50 000 en Allemagne par exemple – et leur nombre est en augmentation constante (multiplié par 10 en 10 ans). « C’est une bonne technique, efficace, mais sa réversibilité n’est pas garantie. On évoque des taux de 50 à 80 % dans les meilleures séries, et les chiffres sont plus faibles au-delà de 10 ans » prévient le Dr Faix.

Autrement dit, c’est plus une méthode de stérilisation que de contraception ; elle convient surtout à des couples stables ayant plusieurs enfants et ne souhaitant plus agrandir leur famille. Si elle est autorisée depuis 20 ans, cette méthode n’est pas pour autant systématique pour tout homme âgé de plus de 18 ans qui en ferait la demande. En pratique, la vasectomie doit être précédée de 2 consultations à 4 mois d’intervalle (pour favoriser la réflexion) et le praticien a la possibilité de refuser l’intervention s’il considère que ce n’est pas la méthode à privilégier ou s’il ne pratique pas cette méthode.

Par ailleurs, l’homme peut se voir proposer une auto-conservation de son sperme (à raison de 40 euros annuel). On estime que 3 à 5% d’hommes changent d’avis, précise le Dr Faix. A retenir aussi que, du fait de la durée du cycle de spermatogénèse de 74 jours, « le taux de spermatozoïdes ne reviendra à un taux nul que 3 mois après vasectomie », indique le Pr Huyghe.

Slips chauffants et autres méthodes à l’essai

Les autres méthodes de contraception masculine en sont toujours au stade de la recherche. La méthode thermique consiste à augmenter légèrement la température des testicules grâce à la chaleur corporelle à l’aide d’un sous-vêtement adapté.

Elle a été mise au point il y a une trentaine d’années par le Dr Roger Mieusset au CHU de Toulouse et a été essayée avec succès sur une petite cohorte de patients – une cinquantaine de couples l’a utilisé selon la littérature – a indiqué le Pr Huyghe. Des recommandations ont été édictées en termes d’essais cliniques pour valider la méthode, et « même si la recherche a avancé, nous n’en sommes pas au terme de l’expérimentation », a considéré l’urologue.

Les trois critères à atteindre sont l’efficacité – moins d’un million de spermatozoïdes par millilitre de sperme –, le maintien de l’efficacité – par des spermogrammes répétés – et l’innocuité, s’assurer qu’il n’y aura pas d’atteinte du matériel génétique et de la physiologie des spermatozoïdes une fois la contraception stoppée. Autre point important : l’acceptabilité, variable d’un homme à l’autre, indique le Pr Huyghe. Le sous-vêtement doit être porté 15 heures par jour, de préférence pendant les heures d’éveil.

Le cas échéant, il faudra mettre en place une autre méthode contraceptive de manière transitoire comme en cas d’« oubli de pilule ».

La méthode hormonale est, quant à elle, « prometteuse mais avec des bémols ». Des études financées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres menées par des chercheurs chinois ont montré une efficacité de l’administration, soit de testostérone à doses très élevées, soit sous la forme d’une association testostérone/progestérone.

Pour autant, l’efficacité semble moins importante chez les hommes caucasiens (60-80%) que chez les asiatiques. En raison des problèmes d’innocuité, le Pr Huyghe considère que les traitements à base de testostérone seule n’auront pas d’avenir et que l’association de progestatifs associés à la testostérone serait plus intéressante, néanmoins aucune de ces méthodes n’a d’AMM en France, ni même dans le monde.

Pour être complet, il faut aussi citer les immuno-contraceptifs, qui visent à provoquer une auto-immunité contre une fonction clé d'un processus qui contrôle la fertilité, ou encore l’adjudine créée par le chercheur Chuen Yan Cheng, capable d’inhiber la production de spermatozoïdes sans pour autant perturber la production d’hormones mâles en provoquant une desquamation de l’épithélium – des techniques toujours à l’état de recherche chez l’humain.

En résumé, la contraception masculine est un sujet d’avenir mais qui « n’est pas encore pour aujourd’hui ou pour demain », a conclu le Dr Faix.

 

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