Rétention aiguë d’urines : quelles alternatives au sondage mictionnel à demeure ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

25 novembre 2021

Paris, France—Cette année, le rapport de l’ Association Française d’Urologie (AFU) est consacré aux urgences en urologie. Il a été présenté lors du congrès annuel de la société savante fin novembre[1]. Il fait notamment le point sur la rétention aiguë urinaire (RAU), la deuxième urgence urologique la plus fréquente, dont la principale cause est l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP).

Outre la problématique de la prise en charge en urgence détaillée dans le rapport, la question des alternatives au drainage vésical à demeure y tient une place importante. Nous les détaillons ici.

« En cas d’échec de la reprise mictionnelle, plusieurs alternatives au sondage à demeure sont disponibles », indiquent les experts de l’AFU aux rangs desquels, l’auto-sondage propre intermittent (ASPI), le stent prostatique temporaire ou la chirurgie.

ASPI : la méthode de référence

L’ASPI est la méthode de référence de drainage des urines en cas de rétention urinaire ou de vidange incomplète, quelle qu’en soit l’étiologie.

« En cas d’échec de désondage, il est recommandé d’orienter le patient vers un apprentissage des ASPI plutôt qu’un nouveau sondage à demeure », indiquent les experts du Comité neuro-urologique de l’AFU.

 
En cas d’échec de désondage, il est recommandé d’orienter le patient vers un apprentissage des ASPI plutôt qu’un nouveau sondage à demeure.
 

Les données comparant la sonde à demeure et l’ASPI restent cependant limitées. Un essai de faisabilité après une courte période de sondage urinaire à demeure d’en moyenne 2,6 jours sur 50 patients a rapporté un taux plus important de reprise mictionnelle versus la sonde à demeure (56% vs 25%) avec un risque d’épisode fébrile diminué avec l’ASPI (18% vs 42%)[2].

En pratique, afin de prévenir les infections urinaires et les complications sur le haut appareil, la fréquence des sondages est un élément important (5 à 6/24h pour une diurèse quotidienne de 1,5 à 2 litres, de façon à ne pas dépasser 400 ml de sondage et d’obtenir une clairance bactérienne suffisante).

Le taux de succès de l’éducation aux ASPI est de plus de 80 %. Les principales limites à sa réalisation ne sont le manque de dextérité, une mauvaise vision, les troubles cognitifs et le défaut de connaissance de l’anatomie uro-génitale.

Son apprentissage nécessite d’être réalisé en structure de soins par un personnel infirmier spécialisé sous coordination médicale. Les manques de moyens humains et de temps sont donc des facteurs limitants à la diffusion de cette technique.

Chirurgie : quand, comment ?

En ce qui concerne la chirurgie, les auteurs soulignent que la chirurgie de désobstruction immédiate après RAU est associée à une augmentation de la morbi-mortalité et n’est pas recommandée. La chirurgie chez les patients sondés est associée à une augmentation de complications périopératoires mais les résultats fonctionnels à long terme semblent similaires aux patients non sondés. En termes d’efficacité, la chirurgie permet un sevrage de la sonde dans près de 90% des cas.

Chez les patients âgés, l’indication d’une chirurgie de désobstruction doit prendre en compte l’espérance de vie, les résultats fonctionnels attendus et les risques périopératoires. 

Lorsque les personnes âgées sondées sont inéligibles à une chirurgie conventionnelle, une chirurgie mini-invasive peut être envisagée comme la thérapie thermique à la vapeur d’eau Rezum™, les implants intra-prostatiques Urolift™, l’embolisation des artères prostatiques, ou la mise en place du dispositif i-TinD™ qui est positionné temporairement dans l’urètre prostatique pour élargir le passage et faciliter la miction.

Stent prostatique temporaire : résultats préliminaires

Pour le Pr Jean-Alexandre Long (CHU de Grenoble, IIMC-IMAG, CNRS 5525) qui a co-écrit le rapport, le stent prostatique, une prothèse en silicone insérée au lit du patient après dilatation urétrale, est une alternative particulièrement intéressante pour certaines personnes âgées.

« Les patients très âgés, fragiles ou atteints de troubles cognitifs, posent vraiment problème car les sondes urinaires à demeure et la chirurgie sont souvent contre-indiquées. Le stent est une innovation pour ces patients », explique-t-il à Medscape édition française.

Des résultats préliminaires concernant le stent Exime (Rocamed , Signes, France), dont un modèle unique est actuellement commercialisé (Ch20),  ont été présentés au congrès de l’AFU 2020.

L’étude prospective menée par Devonec et coll. a montré que chez 84 patients, la pose a été un succès dans 95% des cas. A un mois, 92% des patients étaient continents sans retrait prématuré du stent. Un cas de migration et un cas de prostatite ayant entrainé le retrait du stent ont été rapportés.

Il est facile à poser, permet une miction spontanée, sans soins infirmiers au domicile ni recours à des consommables (poches à urine), soulignent les experts de l’AFU qui concluent que « la mise en place d’un stent prostatique est une alternative prometteuse nécessitant de futures évaluations ».

A noter qu’en raison de possibles calcifications, le stent reste en place un mois puis doit être retiré par une traction par un fil dépassant du méat urétral.

Epidémiologie des urgences urologiques : état des lieux

Le réseau de surveillance des urgences en France (OSCOUR®, Santé Publique France) a permis de dresser un état des lieux des urgences en urologie. De 2014 à 2019, elles ont représenté 4,2 % de la totalité des passages aux urgences, soit en moyenne 591 000 passages par an. 25 % ont abouti à une hospitalisation. Les urgences infectieuses ont représenté 35 % de ces passages. La colique néphrétique, la rétention urinaire aiguë et l’hématurie sont les trois urgences les plus fréquentes pour les hommes sur cette période. Alors que pour les femmes, il s’agit de la cystite aiguë, de la pyélonéphrite aiguë et de la colique néphrétique. Les urgences qui aboutissent le plus à une hospitalisation sont l’insuffisance rénale obstructive, la torsion testiculaire, les traumatismes des organes pelviens et des OGE et l’hématurie avec des taux d’hospitalisation atteignant 80%.

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