5ème vague, pathologies hivernales : les soignants, épuisés, préparent une grève pour le 4 décembre

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

22 novembre 2021

Paris, France  C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : le 17 novembre dernier, « l’ensemble des professionnels de santé reçoit un message glaçant de la part du ministère, un « DGS-Urgent », comme le résument les organisations syndicales APH, Jeunes medecins, Isni, dans un communiqué commun[1].

Ce message de la DGOS dresse un état des lieux inquiétant de l'état des ressources humaines à l'hôpital : « Les difficultés à remplir les tableaux de garde ou à maintenir une offre de soins complète sont récurrentes depuis plusieurs années pendant les mois d’hiver et d’été. Ces difficultés sont rencontrées dès cet automne dans les établissements du fait des vagues successives de l’épidémie Covid-19, d’une recrudescence de l’épidémie Covid-19 ces dernières semaines et d’une circulation active et précoce des virus hivernaux, notamment la grippe et le virus respiratoire syncytial (VRS) », indique en préambule la DGOS.

Ce message urgent résulte en fait en un plan d’action pour lutter contre les situations de tensions sanitaires (voir encadré). C'est un appel à la mobilisation, voire à la réquisition des personnels soignants, en vue d'affronter la cinquième vague de Covid et la montée en puissance des autres pathologies hivernales.

Une "solution" qui, pour les trois syndicats, n'en est pas une. Face au constat que « l’hôpital public ne peut plus soigner correctement tout le monde», que «les urgences craquent et ferment», et qu'« il n’y a pas de plan B», il y a «tout juste un plan blanc !» déplorent-ils.

 
L’hôpital public ne peut plus soigner correctement tout le monde, les urgences craquent et ferment, et il n’y a pas de plan B. Tout juste un plan blanc !
 

 

Appel aux volontaires et réquisitions

Pour maintenir les urgences ouvertes à tout prix, la Direction générale de l'organisation des soins (DGOS) préconise entre autres un « appel aux volontaires en interne, y compris chez les internes de dernier semestre, docteurs juniors, assistants spécialistes (AS), chefs de clinique assistants des hôpitaux (CCA), etc. », un « appel aux volontaires en externe : les médecins libéraux qui pourraient intervenir dans le cadre de contrat ou de mises à disposition ; Mobilisation des établissements voisins, y compris privés ».

Des mesures plus coercitives sont également listées : assignations des AS/CCA et des praticiens exerçant dans les services de médecine, réquisition des intérimaires, réquisition des libéraux...

La DGOS prévoit aussi de réactiver des majorations de rémunération, comme la majoration de 50% des heures supplémentaires, du temps de travail additionnel, l'indemnisation des jours de congé non pris, la mobilisation des retraités...

Mobilisation le 4 décembre

Pour le moins, cet appel à la mobilisation de soignants épuisés par la pandémie de Covid a été très mal reçu par les organisations représentatives médicales, qui devraient appeler à une journée de mobilisation le 4 décembre prochain.

Ce DGS-urgent a été suivi d’une visioconférence avec Olivier Véran, le 18 novembre, qui avait convié les personnels de santé.

« Il y a un mouvement qui se prépare pour le 4 décembre et nous déciderons si nous y allons ou pas lors de notre conseil d'administration du 19 novembre », précise Anne Geoffroy-Wernet, présidente du syndicat SNPHARE. Même son de cloche du côté du Dr Jean-François Cibien, président de l'intersyndicale Avenir Hospitalier, qui semble désespérer par la situation de l'hôpital public, et par celle du système de santé en général : « Il va y avoir une grande grève, nous allons inciter les gens à descendre dans la rue à partir du 4 décembre. On manque de lits, on manque de soignants et l'on n'anticipe rien. Plus ça va et plus les gens sont épuisés, on a quand même osé fermer 6000 lits en 2020 en plein Covid par manque de personnels, nous avons des soignants malades, non vaccinés, et le Covid qui repart. Nous n'avons plus d'oxygène. »

Le Dr Cibien demande par ailleurs au Parlement de lancer un audit sur l’hôpital public.

Le Dr Carole Poupon, présidente de l'intersyndicale CPH, est abasourdie par les mesures prises par la DGOS pour faire face à cette cinquième vague : « Ils font appel à des recours qui n'existent pas, puisque les libéraux sont eux aussi en difficulté. Cela fait des années que nous tirons la sonnette d'alarme mais nous ne sommes pas écoutés. Ils invoquent la pandémie mais il n'y a pas que cela. Le Ségur n'a pas suffi, il n'y a toujours pas d'attractivité à l'hôpital, les départs se poursuivent, nous en sommes arrivés à rappeler les retraités et les internes. »

 
Il va y avoir une grande grève, nous allons inciter les gens à descendre dans la rue à partir du 4 décembre. On manque de lits, on manque de soignants et l'on n'anticipe rien  Dr Jean-François Cibien
 

Le Dr Anne Geoffroy-Wernet regrette pour sa part la surdité du ministère de la santé face aux revendications des syndicats de médecins : « Ces 15 derniers jours en conseil supérieur des professions médicales, la DGOS n'a pris en compte aucune demande de modifications des textes sur l'attractivité médicale que nous lui avions proposé, seule la FHF a voté les textes proposés par la DGOS, et parfois les PU, parce qu'ils ne sont pas concernés. La réunion de jeudi avec Olivier Véran a exclu les organisations syndicales, et les parties civiles membres du conseil supérieur de l'urgence hospitalière. »

Le Collectif santé en danger, présidé par le Dr Arnaud Chiche, sera lui aussi partie prenante de la mobilisation du 4 décembre : « la priorité absolue, c'est de stopper les départs de personnel à l'hôpital, stabiliser les salariés avec des majorations de salaires. Il faut aussi majorer la garde de nuit, et valoriser les formations. » A l'orée de la cinquième vague, les personnels de santé semblent ulcérés par le manque de considération du ministère de la santé.

 
La priorité absolue c'est de stopper les départs de personnel à l'hôpital, stabiliser les salariés avec des majorations de salaires. Il faut aussi majorer la garde de nuit, et valoriser les formations  Dr Arnaud Chiche
 

Le plan d’action de la DGOS en trois grandes mesures :

  1. Lancement d’une enquête nationale mensuelle pour préciser la situation des établissements de santé ;

  2. Rappel des dispositifs nationaux de soutien à la mobilisation du personnel soignant ;

  3. Recommandations portant sur :

    • L’activation des cellules territoriales de suivi des tensions de l’offre chargée de veiller à la permanence des soins en ville et en établissements de santé et l’activation des leviers pour anticiper et limiter les risques pesant sur l’offre de soins.

    • L’anticipation, la préparation et les réponses aux situations de tension dans les structures de médecine d’urgence.

    • L’organisation de la PDSA et le renforcement de la continuité des soins en ville.

La feuille de route de la DGS sur « l'anticipation et à l'adaptation de la réponse de l'offre de soins aux situations de tensions » est assortie de deux annexes – l'une sur les réponses aux situations de tension aux urgences, l'autre sur l'organisation de la permanence des soins ambulatoires (PDS-A) cet hiver.

 

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