France – Faut-il vacciner les enfants ? A cette question cruciale, l’Académie de Médecine, après analyse des arguments Pour et Contre, adopte une position prudente en s’abstenant de recommander une vaccination pour tous les 6-12 ans [1].
Augmenter le taux de couverture vaccinale
En pleine cinquième vague, la question de la vaccination des plus jeunes va indéniablement faire couler de l’encre dans les semaines à venir. Alors que les Etats-Unis et Israël ont commencé à vacciner à tour de bras les 6-12 ans, la France s’interroge alors que l’Agence européenne du médicament (EMA) étudie actuellement le dossier d’autorisation du vaccin PfizerBioNTech chez les enfants avec un avis qui devrait être rendu, selon des sources ministérielles, à la mi-décembre.
Pour l’Académie de Médecine, le rationnel de la vaccination chez les enfants est le suivant : « bien que le taux de couverture vaccinale de 75% soit parmi les plus élevés au monde, comment faire en sorte de l’augmenter encore de façon à être au-dessus des 90% , ce qui considéré comme nécessaire pour contrôler la circulation du variant Delta » ? Deux options, selon elle, sont possibles. L’une d’elle consiste en l'instauration d'un pass vaccinal – et non d’un pass sanitaire – rendant obligatoire la vaccination des personnes âgées de 12 ans et plus, telle qu’elle le recommande depuis le mois de mai 2021 . L’autre option est d’étendre la vaccination aux enfants âgés de 5 à 11 ans, mesure déjà approuvée dans au moins 2 pays. A noter, qu’en raison d’un taux plus élevé de myocardites et de péricardites avec le vaccin Moderna qu’avec le vaccin Pfizer/ BioNTech dans les tranches d’âge les plus jeunes de la population actuellement éligibles à la vaccination, la Haute Autorité de Santé a décidé ce 8 novembre de déconseiller Spikevax® est chez les moins de 30 ans en primo-vaccination ou en rappel.
Arguments en faveur et en défaveur de la vaccination des enfants
A ce stade de la réflexion, les Académiciens se sont contentés de lister les arguments en faveur et en défaveur de la vaccination des enfants.
Pour ce qui est des « Pour », ils ont retenu :
l’immunogénicité et le profil de tolérance d’un schéma vaccinal comportant 2 doses de 10 μg du vaccin Comirnaty (BioNtech/Pfizer) à 21 jours d’intervalle, lesquels ont été considérés comme très satisfaisants chez les enfants âgés de 5 à 11 ans dans l’essai NCT04816643, avec un taux d’efficacité vaccinale de 90,7% ;
le bénéfice individuel direct lié à la prévention des cas graves, des hospitalisations et des formes prolongées de Covid-19 dont la fréquence, plus faible chez les enfants, n’est cependant pas négligeable ;
la réduction potentielle de circulation du virus dans l’entourage familial des enfants et la protection indirecte des personnes à risque qui en font partie ;
la réduction potentielle de circulation du virus dans les établissements d’enseignement primaire, évitant les fermetures de classes, les retards d’apprentissage et les coûts sociaux et économiques pour les familles ;
le possible tarissement du réservoir de SARS-CoV-2 dans la population enfantine, d’où pourraient éclore de nouveaux foyers épidémiques et émerger de nouveaux variants.
Mais il y a aussi encore de nombreux arguments « contre », dans la plupart ont été évoqués à plusieurs reprises que ce soit par certains pédiatres ou encore le Comité d’éthique :
ainsi le nombre d’enfants recrutés dans les essais cliniques de phases 2/3 (1517 vaccinés vs 751 avec placebo) est jugé encore très insuffisant pour détecter d’éventuels évènements indésirables sévères et rares, selon l’Académie de Médecine ;
la rareté des formes graves de Covid-19 chez l’enfant, sauf chez ceux qui sont porteurs de comorbidités (la principale étant l’obésité, significativement plus prévalente aux États-Unis qu’en France dans la population enfantine) fait que le bénéfice individuel direct de la vaccination dans cette tranche d’âge est faible ;
de fait, le principe éthique selon lequel la vaccination des enfants, qui ont peu de risques de développer des formes sévères de la maladie, ne doit pas servir, pour atteindre l’immunité collective, à compenser le refus de vaccination de certains adultes, prend tout son sens ; À ce propos, le CCNE indiquait en juin dernier – alors que les résultats d’étude chez les moins de 12 ans n’étaient pas encore connus – : « la vaccination des enfants de moins de 12 ans ne semble pas éthiquement et scientifiquement acceptable ».
enfin l’Institution avance l’argument, peu mis en avant jusqu’à présent, selon lequel il y aurait un avantage potentiel à laisser « se développer une immunité naturelle dans la population en laissant le virus circuler dans les groupes les moins à risque de formes graves de Covid-19. »
Recommandations
Au vu de cette analyse et « dans l’attente d’éléments supplémentaires pour confirmer la bonne tolérance du vaccin chez les enfants », l’Académie nationale de médecine recommande :
d’élargir l’immunisation contre la Covid-19 par le vaccin de PfizerBioNTech aux enfants à risque de formes graves en raison de comorbidités, quel que soit leur âge, ainsi qu’aux autres enfants vivant dans leur environnement familial et scolaire ;
de vacciner les enfants vivant dans l’entourage d’adultes vulnérables, en particulier les immunodéprimés et les personnes atteintes de maladies chroniques ;
de renforcer la prévention de la transmission en milieu scolaire par le maintien des mesures barrière, l’aération régulière des locaux et l’utilisation périodique des tests de dépistage.
Vaccination des enfants : des enjeux éthiques inédits
Rappelons que, dans son avis du 9 juin 2021 « Enjeux éthiques relatifs à la vaccination contre la Covid-19 des enfants et des adolescents » – alors que les résultats d’étude chez les moins de 12 ans n’étaient pas encore connus – , le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) considérait : « [qu’] à ce jour la vaccination des enfants de moins de 12 ans ne semble pas éthiquement et scientifiquement acceptable, en grande partie parce qu’il n’existe aucune étude évaluant la sécurité des vaccins contre le Covid-19 dans cette population. » Depuis, des données récentes tirées d’essais cliniques ont conduit les autorités américaines de régulation à donner leur autorisation. Il s’agit toutefois de données préliminaires qui ne portent pas sur la totalité des enfants inclus, indiquaient les laboratoires Pfizer/BioNTech en septembre dernier. Alors que l’Europe étudie le dossier, et en attendant que la Haute Autorité de Santé rende un avis pour la France – pas avant janvier 2022 – le CCNE pourrait être amené à rendre un nouvel avis. « Pour autant, le bien-fondé de son extension aux enfants fait dès à présent l’objet de réserves, ne serait-ce que parce que la prévalence de l’obésité infantile aggravant l’exposition aux risques du Covid-19 est moindre qu’aux États-Unis » souligne le Pr Emmanuel Hirsch dans un article consacré aux enjeux éthiques inédits de la vaccination des enfants publié dans The Conversation [2].
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Crédit photo de Une : Tawatchai Khuankhaew/Dreamstime.com
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Citer cet article: Vacciner les moins de 12 ans : l’Académie de Médecine n’y est pas favorable - Medscape - 19 nov 2021.
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