Cardiopathie rhumatismale latente : l’antibiothérapie prophylactique réduit le risque de progression de la maladie

Vincent Richeux

16 novembre 2021

Virtuel Selon une étude menée en Ouganda, une injection mensuelle de pénicilline en intramusculaire chez des enfants et adolescents atteints d’une cardiopathie rhumatismale latente permet de réduire à deux ans le risque de progression de la maladie. Les résultats ont été présentés lors d’une session virtuelle de l’ American Heart Association (AHA 2021) et publiés simultanément dans le NEJM[1,2].

Le traitement prophylactique a été mis en place chez des sujets asymptomatiques atteints d’une forme précoce de cette maladie d’origine infectieuse. Celle-ci a été détectée par échographie dans le cadre d’une campagne de dépistage, à laquelle ont participé plus de 100 000 jeunes ougandais âgés de 5 à 17 ans.

Pour autant, « ces résultats ne sont pas suffisants pour justifier la mise en place de vastes campagnes de dépistage de la cardiopathie rhumatismale », dans les pays fortement touchés, a commenté le Dr Andrea Beaton (Cincinnati Children’s Hospital Medical Center, Cincinnati, Etats-Unis), principale auteure de l’étude, lors de sa présentation en ligne.

Les recherches doivent, selon elle, se poursuivre pour évaluer notamment l’impact des réticences des populations à recevoir un tel traitement, ainsi que des éventuelles difficultés à se fournir en pénicilline dans les régions les plus isolées.

Les streptocoques de groupe A en cause

La maladie cardiaque rhumatismale chronique est une pathologie d’origine infectieuse. Elle survient après des épisodes répétés de rhumatisme articulaire aigu, consécutifs à une infection de l’oropharynx par des streptocoques de groupe A (SGA). Cette fièvre rhumatismale provoque alors des lésions au niveau des valves cardiaques, qui peuvent conduire au décès prématuré.

Une infection à SGA non traitée peut ainsi favoriser l’apparition d’une réponse auto-immune tardive qui se traduit par un rhumatisme articulaire aigu, dont les épisodes répétés favorisent l’apparition de la cardiopathie. Ces affections touchent essentiellement les enfants et les adolescents, en particulier dans les milieux défavorisés ayant peu accès aux soins.

Au niveau mondial, on estime à plus de 40 millions le nombre de cas de cardiopathie rhumatismale. Elles sont responsables de 350 000 décès par an. Les cas se concentrent essentiellement dans les pays à faibles revenus, notamment en Afrique de l’Ouest et dans le sous-continent asiatique, où cette pathologie représente un problème majeur de santé publique.

Le développement d’une cardiopathie rhumatismale chronique peut être évité en mettant en place une antibiothérapie par pénicilline. Malheureusement, la cardiopathie rhumatismale est souvent détectée trop tard dans ces pays, où on enregistre « un taux de décès de 30% dans les neuf mois qui suivent le diagnostic », a souligné le Dr Beaton.

Prévalence de 1% des formes latentes

Dans leur étude, la cardiologue et ses collègues ont voulu vérifier si l’administration d’une antibiothérapie sur le long terme pouvait également réduire la progression d’une cardiopathie rhumatismale latente. Auquel cas, il deviendrait pertinent de conduire des campagnes de dépistage pour traiter les individus présentant les signes d’une cardiopathie rhumatismale en développement.

La cardiopathie rhumatismale latente se caractérise par de légères modifications des valves cardiaques visibles à l’échographie, mais asymptomatiques. « Afin de justifier un dépistage par échographie, il est nécessaire d’apporter la preuve que la prophylaxie secondaire est bénéfique chez les enfants et adolescents atteints d’une cardiopathie rhumatismale latente », expliquent les auteurs.

Intitulé GOAL (Gwoko Adunu pa Lutino, qui signifie « Sauver le cœur d’un enfant »), l’essai a débuté par une large campagne de dépistage menée dans le Nord de l’Ouganda. Après un appel dans les écoles de cette région, plus de 100 000 enfants et adolescents âgés de 5 à 17 ans ont été examinés, dans un premier temps avec un échocardiogramme.

Celui-ci a permis de déceler une éventuelle cardiopathie chez 3 327 individus. Parmi eux, 926 ont ensuite eu confirmation par échographie du diagnostic d’une forme légère de cardiopathie rhumatismale latente, soit une prévalence de près de 1%. Ceux présentant une forme modérée ou sévère de la maladie ont été exclus (n=6).

Une amélioration dans la moitié des cas

Au total, 818 enfants et adolescents atteints d’une cardiopathie rhumatismale asymptomatique ont été randomisés pour recevoir une injection en intramusculaire de benzathine benzylpénicilline, une fois par mois pendant deux ans, ou bénéficier d’un simple suivi sans traitement prophylactique, ni placebo.

A deux ans, une nouvelle échographie a été pratiquée chez tous les participants. Les résultats montrent que le traitement prophylactique par pénicilline est associé à une baisse significative du risque d’aggravation de la cardiopathie rhumatismale.

Au total, parmi les participants qui ont terminé l’étude, seuls trois sous antibiothérapie (0,8%) ont eu une aggravation de leur cardiopathie, contre 33 (8,3%) dans le groupe contrôle. Ainsi, sur deux ans, il faut traiter par pénicilline 13 enfants et adolescents atteints d’une cardiopathie rhumatismale latente pour éviter une progression de la maladie chez l’un d’entre eux, notent les auteurs.

Le critère de jugement secondaire portait sur la régression des lésions. De manière surprenante, celle-ci a été observée à deux ans chez près de la moitié des participants, autant dans le groupe sous traitement que dans le groupe contrôle. L’échocardiogramme s’est alors révélé normal dans 94% des cas.

Des effets secondaires légers ont été observés chez 63% des participants recevant l’antibiotique (douleur au niveau du site d’injection, gonflement léger…). Sept cas de rash cutané ont également été rapportés et deux participants ont eu des effets indésirables attribués au traitement par pénicilline, dont une réaction anaphylactique légère.

Evaluer des approches alternatives

« Les résultats de cette étude montrent qu’une prophylaxie par benzathine benzylpénicilline administrée toutes les 4 semaines pendant 2 ans permet de réduire le progression de la maladie latente, ce qui apporte à nouveau la preuve de l’intérêt du dépistage », estiment les chercheurs.

Selon eux, d’autres études doivent être menées, notamment pour évaluer des approches préventives alternatives, en optant par exemple pour de la pénicilline par voie orale ou pour un suivi régulier des individus porteurs de la cardiopathie, mais non traités, incluant des examens par échocardiographie.

En attendant, l’essai GOAL se poursuit avec une surveillance médicale des participants, qui ne sont plus sous traitement, pour avoir des résultats à cinq ans. Il reste notamment à savoir s’il est nécessaire de maintenir le traitement prophylactique chez les enfants présentant une échographie normale, a précisé le Dr Beaton.

Les résultats de cette étude montrent qu’une prophylaxie par benzathine benzylpénicilline administrée toutes les 4 semaines pendant 2 ans permet de réduire le progression de la maladie latente Les chercheurs

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