Premières implantations en France d'un stimulateur diaphragmatique chez des tétraplégiques

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

16 novembre 2021

Nantes, France – Spécialisé dans la prise en charge des lésions de la moëlle épinière, le service de médecine physique et réadaptation neurologique du CHU de Nantes a commencé cette année à implanter des stimulateurs de diaphragme chez des patients tétraplégiques atteints de paralysie ventilatoire. Une approche unique en France qui offre davantage d’autonomie et une nette amélioration de la qualité de vie.

Depuis le début de l’année, trois patients ont été opérés pour recevoir le stimulateur diaphragmatique NeuRx DPS® (Synapse Biomedical). Le premier s’est totalement affranchi du respirateur assurant jusqu’alors une ventilation mécanique. Les deux autres alternent entre la ventilation mécanique et la stimulation diaphragmatique, qui leur apporte entre 4 et 12 heures d’autonomie par jour.

En se passant complètement de la ventilation mécanique, « ce premier patient est depuis complètement autonome sur le plan respiratoire, ce qui facilite son retour à domicile et sa réinsertion », explique le Pr Brigitte Perrouin-Verbe, responsable du pôle de médecine physique et réadaptation (MPR) du CHU de Nantes, dans un communiqué.

« Pour ces patients, le gain de qualité de vie est exceptionnel. Ils ne dépendent plus du ventilateur. Avec le stimulateur de diaphragme, la respiration redevient normale. Ils retrouvent le goût, l’odorat, ainsi que leur voix naturelle. Ils peuvent à nouveau s’exprimer oralement », sans les contraintes liées au ventilateur mécanique, a ajouté la neurologue auprès de Medscape édition française.

500 heures de stimulation

Le stimulateur diaphragmatique se compose de quatre électrodes, qui sont implantées dans le diaphragme, au niveau des points moteurs, là où le muscle est innervé par les nerfs phréniques. Les extrémités des électrodes se rejoignent hors abdomen dans un dispositif connecté, via un clip, à une batterie externe, qui peut être facilement portée sur soi.

Menée en ambulatoire, l’implantation nécessite entre 1h et 1h30 d’intervention par voie coelioscopique. « La phase la plus longue est le repérage par stimulation des points moteurs qui vont recevoir les électrodes », précise la neurologue. « Le soir même, le patient peut déjà tester le stimulateur. En 15 jours, il peut accéder à plus de 10 heures d’autonomie par jour. »

Il est recommandé, dans un premier temps, de lancer la stimulation pendant de courtes périodes, étant donné que le diaphragme, longtemps non sollicité, est en général moins performant. La durée des sessions est ensuite augmentée progressivement jusqu’à s’affranchir, si possible, de la ventilation mécanique.

Principale contrainte du dispositif : la batterie. Celle-ci doit être remplacée et chargée régulièrement. Elle dispose toutefois d’une capacité suffisante pour stimuler le diaphragme pendant 500 heures. Lorsqu’elle arrive en fin de capacité, l’utilisateur est informé de la nécessité de la changer par un bip sonore répété toutes les dix secondes.

La trachéotomie maintenue

« Par sécurité, certains préfèrent être sous ventilation mécanique la nuit et brancher leur stimulateur la journée. D’autres peuvent s’affranchir complètement de leur ventilateur. » Tout dépend également de l’organisation de la prise en charge, plus facile à mettre en place au domicile grâce au dispositif, ainsi que du niveau d’autonomie des patients.

« La trachéotomie est maintenue pour des raisons de sécurité. Les patients ont toujours la possibilité de se brancher sur le ventilateur mécanique qui reste à leur disposition », précise le Pr Perrouin-Verbe. L’objectif est toutefois d’aller vers un sevrage de la ventilation mécanique, celle-ci étant notamment associée à un risque élevé d’infection respiratoire.

Si la stimulation diaphragmatique est validée depuis plusieurs années – le stimulateur NeuRx DPS® a reçu un marquage CE en 2007 -son utilisation s’est surtout développée ces dix dernières années. La neuroprothèse vient progressivement remplacer la stimulation directe du nerf phrénique par voie intrathoracique utilisée depuis longtemps.

En France, seul le service de pneumologie et réanimation médicale du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris) a l’expertise pour poser un stimulateur intrathoracique chez des patients avec lésion médullaire haute. Comparativement à la stimulation diaphragmatique, « l’intervention est plus lourde » et le dispositif est plus imposant, précise le Pr Perrouin-Verbe.

Abandon de la stimulation intrathoracique

Les deux techniques ont accédé au remboursement par la sécurité sociale au début des années 2010 dans la prise en charge des paralysies ventilatoires consécutives aux lésions médullaires hautes (au-dessus de la vertèbre cervicale C4) et des hypoventilations centrales (congénitales ou acquises, nocturnes ou permanentes), tel que le syndrome d’ondine, qui se manifeste par des arrêts respiratoires pendant le sommeil.

A l’étranger, certains centres ont fini par abandonner la stimulation intrathoracique au profit de la stimulation diaphragmatique, indique la neurologue. Au CHU de Nantes, l’expertise dans la prise en charge des patients tétraplégiques avec lésions hautes ventilés 24h/24 a conduit à adopter cette nouvelle approche par stimulation diaphragmatique.

En France, quatre autres centres se sont spécialisés dans la prise en charge des porteurs de lésions médullaires hautes trachéotomisés et dépendant d’une assistance respiratoire. Le service du CHU de Nantes est le centre de référence dans ce domaine et le seul actuellement à proposer l’implantation du stimulateur diaphragmatique.

Au niveau national, on estime qu’il y a chaque année 1 500 blessés médullaires. Parmi eux, 3 à 5% ont une lésion au niveau de la vertèbre C2, où se forment les deux nerfs phréniques pour aller innerver le diaphragme. « On ne dispose pas de données épidémiologiques, mais il y aurait entre 30 et 50 tétraplégiques C2 par an. »

Actuellement, plus de 2 000 patients dans le monde ont reçu un stimulateur diaphragmatique.

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