Des praticiens franciliens réclament un plan « choc » pour rendre plus attractif l’hôpital public

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

11 novembre 2021

France – L’hôpital va mal. Déstabilisé par les réformes successives (Hôpital 2007, loi HPST de 2009, Pacte de confiance en 2012, loi de modernisation de 2016, Ma Santé 2022), éreinté par la crise Covid qui lui a laissé peu de répit depuis 18 mois, l’hôpital public traverse une zone de turbulences.

Indicateurs dans le rouge

En dépit du Ségur de la santé qui a apporté un début de revalorisation salariale aux professionnels, en dépit d’un budget de la Sécu qui prévoit pour l’hôpital une enveloppe en hausse de 1,7 milliard d’euros en 2022, les établissements sont confrontés à des départs massifs et rencontrent d’importantes difficultés de recrutement. Environ 30 % des postes de praticiens hospitaliers, 5 % des postes d’infirmiers et 2,5 % des postes d’aide soignants seraient vacants selon les chiffres dévoilés par la Fédération hospitalière de France (FHF) lors du salon Santexpo. L’absentéisme, de l’ordre de 10 %, n’a jamais été aussi important. Et les établissements ont été contraints de fermer des lits (20 % selon une enquête flash du président du Conseil scientifique, le Pr Jean-François Delfraissy ; 6 % selon la FHF). « La réalité aujourd’hui, c’est une situation qui n’est pas bonne mais qui n’est pas catastrophique non plus », a pondéré Olivier Véran. Le ministre de la Santé a annoncé une enquête sur les nombres de lits fermés ainsi que sur les tensions en matière de ressources humaines dont les résultats seront publiés fin novembre.

 
Environ 30 % des postes de praticiens hospitaliers, 5 % des postes d’infirmiers et 2,5 % des postes d’aide soignants seraient vacants.
 

Situation critique en Ile-de-France

La situation est en tout cas suffisamment alarmante pour que ces derniers jours, des voix se lèvent pour réclamer des mesures en urgence. Ce mercredi, dans une tribune publiée dans Le Monde, une centaine de responsables des commissions médicales d’établissement (CME) d’Ile-de-France et de l’AP-HP, réclament un « choc d’attractivité » pour sauver l’hôpital public. « Nous n’avons plus assez de lits par manque de personnel. Tous les établissements de santé sont concernés, publics et privés, dans toutes les régions à des degrés divers, mais la situation est particulièrement critique en région parisienne », écrivent ces responsables. Désireux de dépasser la polémique sur les chiffres exacts de fermetures de lits, ces patrons de CME font le même constat : la situation n’est pas bonne. « Longueur excessive des délais de rendez-vous, attentes prolongées sur des brancards aux urgences, interventions chirurgicales reportées, transferts de patients, y compris d’enfants, d’un hôpital à l’autre parfois loin de chez eux… Cela n’est pas acceptable », écrivent-ils.

Effet boule de neige

Il importe, selon eux, de ne plus fermer les yeux sur la nette dégradation des conditions de travail des dernières années : « les déplacements des infirmiers d’un service à l’autre, d’un horaire à l’autre, parfois à la dernière minute, sursollicitation pour faire des heures supplémentaires, rythmes … ». D’autant que les départs enregistrés ces derniers mois n’arrangent rien. « Les postes laissés vacants par ceux qui partent obligent ceux qui sont encore en place à travailler dans des conditions dégradées, mettant ainsi en cause la qualité des soins, ce qui les incite à leur tour à partir », constatent les patrons des CME.

 
Les postes laissés vacants par ceux qui partent obligent ceux qui sont encore en place à travailler dans des conditions dégradées, mettant ainsi en cause la qualité des soins.
 

Gagner plus pour travailler mieux

Les patrons des CME franciliennes invitent les pouvoirs publics à activer trois leviers pour inverser la tendance. Ils réclament en premier lieu une revalorisation du travail de nuit, les week-ends et jours fériés pour assurer la permanence des soins. « C’est le principal point noir du recrutement », observent-ils. La rémunération des soignants franciliens (bien inférieure à celle des pays de l’OCDE) pose en effet un singulier problème, notamment pour se loger.

Les responsables hospitaliers demandent par ailleurs de « garantir aux soignants la perspective d’effectifs suffisants pour travailler dans de bonnes conditions et pouvoir bien soigner ».  Ils suggèrent d’instaurer des « ratios de personnel en fonction du nombre de patients et de leur type de pathologie ». « Une infirmière ou un infirmier pour six à huit patients dans les services de pathologies aiguës constitue un critère majeur de qualité et de sécurité des soins, mais aussi d’attractivité », considèrent les signataires.

Plus de liberté et de perspectives de carrière

Enfin, pour redonner aux professionnels du sens à leur métier et l’envie de s’investir, les présidents des commissions médicales d’établissement recommandent de « renforcer la formation pratique des soignants ». Ils souhaitent que soit donnée à chacun la possibilité de développer ses compétences et de valoriser les acquis de son expérience, bref de développer davantage les perspectives de carrière. Et pour sortir des carcans administratifs, ils suggèrent aussi de confier aux services la responsabilité d’évaluer leurs besoins et la liberté d’organiser leur travail. Reconnaissant à demi-mots que le fonctionnement de l’hôpital-entreprise a montré ses limites. « Il faut remettre le fonctionnement de l’hôpital sur pied : les besoins des patients obligent les équipes soignantes et les besoins des équipes soignantes obligent les gestionnaires, et non l’inverse », concluent les responsables des CME.

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