Paris, France – Selon une enquête menée par l’association de patients Renaloo, une majorité de patients souffrant d’insuffisance rénale, dialysés ou greffés rénaux restent, à juste titre, toujours très prudents face aux risques liés au Covid-19 [1]. Beaucoup conservent un niveau d’anxiété élevé et regrettent encore un manque d’accompagnement et de soutien des équipes de néphrologie.
L’insuffisance rénale chronique est, après l’âge, le facteur de risque de forme grave de Covid-19 le plus important. Selon l’Agence de la biomédecine, les patients dialysés ont trois fois plus de risque d’être infectés par le SARS-CoV2 et le risque de décéder des suites de complications est cinq fois plus élevé. Chez les patients greffés du rein, le risque de décès est multiplié par sept.
20% de mortalité chez les dialysés
Plus de 8 300 patients dialysés ont été infectés en France par le coronavirus depuis le début de l’épidémie et, parmi eux, 1 616 en sont décédés, soit un taux de mortalité de 19,5%, bien supérieur aux 13% de décès observés chez les patients âgés infectés résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Chez les greffés rénaux, la mortalité liée au Covid-19 s’élève à 15%.
Dès le début de l’épidémie, les néphrologues ont alerté sur les risques encourus par les insuffisants rénaux pendant la crise épidémique, surtout dans le cas des patients dialysés, obligés de sortir du confinement pour aller se faire traiter. Des recommandations spécifiques ont, par conséquent, été mises en place pour aider les néphrologues à adapter la prise en charge dans le contexte épidémique.
Afin d’identifier les besoins de cette population à risque et établir un bilan de leur vécu pendant cette crise, l’association Renaloo a mené une première enquête en juillet 2020, juste après la première vague épidémique, qu’elle a ensuite renouvelée un an plus tard. Pour cette deuxième évaluation, plus de 2 300 personnes en insuffisance rénale, dialysées et greffées du rein ont été interrogées en juillet 2021.
Moins de 4% d’antivax
Les résultats montrent tout d’abord que les insuffisants rénaux se sont, en grande majorité, fait vacciner. Moins de 4% des répondants se sont déclarés hostiles à la vaccination contre le Covid-19. Si 87,8% des greffés avaient reçu, lors de l’enquête, au moins une dose de vaccin, le taux tombe à 68% chez ceux en insuffisance rénale chronique sévère, pourtant considérée comme « ultra-vulnérables » et prioritaires pour la vaccination.
La faible opposition au vaccin suggère que la couverture vaccinale des insuffisants rénaux « pourrait encore progresser notamment via des opérations (…) ciblées, impliquant les structures de soins de ces patients », commente l’association dans un document de synthèse publié sur son site internet. Parmi les vaccinés, seuls trois dialysés sur cinq ont reçu le vaccin dans leur centre de dialyse.
Beaucoup de personnes vaccinées peuvent toutefois apparaitre trop confiantes sur l’efficacité du vaccin. Plus de de 30% des greffés vaccinés affirment se sentir « rassurés d’être protégés par le vaccin », alors que la vaccination est peu efficace chez les immunodéprimés. Chez les dialysés vaccinés, plus de la moitié se considèrent suffisamment protégés.
« Ces constats posent la question de la qualité de l’information délivrée à ces patients, avec des conséquences potentiellement graves », commente Renaloo. Selon l’association, il existe, en effet, un risque élevé de voir ces patients se mettre en danger en renonçant à adopter certaines mesures de précaution.
Un isolement maintenu
L’enquête montre également que l’épidémie, même dans une situation nettement améliorée, continue d’avoir un impact non négligeable sur le quotidien des personnes en insuffisance rénale, qui ont conscience des risques. Alors que le confinement est levé, près des trois-quarts ont conservé les mêmes mesures de précaution que pendant un isolement strict.
Seuls 17% des répondants indiquent avoir « repris une vie normale ». « Mon mari et moi-même avons mis notre vie entre parenthèses depuis le début de l'épidémie. Plus de relations humaines, tout est fait "de loin" car on doit me protéger. Notre vie n'est plus la même et pour moi c'est une double peine » , témoigne l’une des personnes interrogées.
Concernant l’accompagnement et l’information des patients, la première enquête avait dévoilé des lacunes pendant la première vague épidémique. Par exemple, un quart des répondants en attente de greffe n’avaient pas été informés de la suspension des transplantations rénales entre mars et mai 2020. Un an plus tard, les progrès sont évidents, mais des lacunes persistent.
Certains continuent de se plaindre de ne pas avoir de réponse de leur service de néphrologie après des sollicitations au sujet de la situation épidémique. Ainsi, 61% des patients situés en début de parcours de suppléance pour traiter leur insuffisance rénale considèrent toujours « ne pas avoir été accompagnés par leur néphrologue ou leur équipe de néphrologie durant la crise ». Un taux qui passe à 28% et à 17% chez les patients greffés et dialysés.
Sentiment d’abandon
Plus grave: « un peu plus d’un greffé rénal sur cinq indique ne pas avoir pu contacter ni obtenir de réponse de son néphrologue ou équipe médicale durant toute la durée de la crise », précise l’association. « Ceux qui sont dans cette situation s’en plaignent vivement dans leurs témoignages et déplorent l’absence de lien et le sentiment d’abandon qu’il a suscité́. »
Cette situation apparait d’autant plus surprenante que les patients greffés sont particulièrement à risque, en raison du manque d’efficacité du vaccin lié au traitement immunosuppresseur. L’administration d’une troisième dose de vaccin, voire d’une quatrième dose n’a pas toujours permis d’assurer une protection suffisante, rappelle Renaloo.
Preuve que l’information n’est pas toujours bien transmise: 30% des patients greffés ont déclaré ne pas avoir été informés du risque de mauvaise efficacité du vaccin. Et, près de la moitié n’ont pas été sensibilisés par leur médecin référent sur la nécessité que leurs proches soient vaccinés pour les protéger.
Report de soins
L’enquête révèle également que plus d’un quart des répondants ont dû avoir un report de soins liés à leur insuffisance rénale en raison de l’épidémie. Dans un tiers des cas, ces soins n’étaient toujours pas reprogrammés. Ceci dit, près de huit personnes sur dix estiment que leur suivi a pu se poursuivre dans de bonnes conditions, même si beaucoup restent inquiets des conséquences de la crise sur leur santé.
S’agissant des répercussions sur l’activité professionnelle, 40% ont déclaré être toujours en télétravail. Si les dispositifs d’éloignement du lieu de travail ont été maintenus pour les personnes sévèrement immunodéprimées, ils restent difficiles à maintenir dans la durée, ont rapporté les personnes concernées, qui évoquent notamment des pressions exercées par leur employeur.
Dialyse: l’interdiction des collations mal vécue
Pour éviter que les patients retirent leur masque pendant leur séance de dialyse, les collations et le repas ont été interdits dès le début de la crise épidémique. En décembre 2020, la Haute autorité de santé (HAS) a finalement préconisé que les collations soient rétablies en fonction du niveau de circulation du virus.
En juillet 2021, date de l’enquête, seulement un peu plus de la moitié des patients dialysés ont rapporté avoir de nouveau droit à une collation pendant la dialyse. « La dialyse donne très faim et fatigue énormément », témoigne un patient. « Laisser les patients pendant 4 heures sans boire et sans manger c'est inhumain ! », affirme un autre.
Plus de quatre patients sur cinq indiquent que l’interdiction des collations a eu pour eux des conséquences négatives. Une situation d’autant plus mal vécue, que beaucoup d’entre eux considèrent que des mesures de protection jugées importantes sont parfois négligées.
Ainsi, plus d’un patient dialysé sur trois affirme ne pas se sentir en sécurité durant les séances de dialyse. Le défaut d’aération des salles de dialyse est la raison la plus fréquemment évoquée.
Crédit photo de Une : Getty Images
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Citer cet article: COVID-19 : pour beaucoup d'insuffisants rénaux, la vie n'a pas repris un cours normal - Medscape - 8 nov 2021.
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