Paris, France — La situation faisait tache. Il faut dire que pendant son allocution le 28 octobre dernier, lors du séminaire à l'Assemblée nationale de l'intersyndicale nationale des internes (Isni), Olivier Véran s'était félicité du retrait d'agrément et de chefferie de service dans des hôpitaux où l'accueil des internes en stage était déplorable. Dans le viseur du ministre : le service des urgences de l'hôpital Kremlin Bicêtre, dont l'agrément a été retiré en juillet dernier.
« C'est un problème qui existe depuis un certain nombre d'années puisque les internes des étages y faisaient encore des stages, ce qui n'était plus le cas des urgentistes et d'un certain nombre de généralistes depuis un certain nombre d'années, du fait du mauvais encadrement et de conditions de travail déplorables. Le service d'urgence est complètement sous-dimensionné, il accueille 65 000 patients par an, et les effectifs paramédicaux et médicaux n'ont jamais été augmentés si bien qu'aujourd'hui le service a 12 ETP médicaux alors qu'il devrait en avoir 24 selon les critères de la société française de médecine d'urgence.
C'est dans ce services qu'ont été rapportées des affaires retentissantes de patients morts sur des brancards avant d'avoir pu voir un urgentiste. Le syndicat des internes de Paris et l'ARS Ile-de-France se sont penchés sur la question et nous avons obtenu le 12 juillet le retrait de l'agrément. Ce service n'était plus supposé accueillir des internes en stage à temps plein. Ce retrait d'agrément a été suivi de mesures de reprise en main, via le changement de chefferie de service, repris par le Dr Foudi », explique Léonard Corti, président du SIHP (syndicat des internes des hôpitaux de Paris) à Medscape édition française.
La suspension d’agrément ignorée
Coup de théâtre début octobre : malgré ce retrait d'agrément, la direction du Kremlin Bicêtre annonce « qu’elle compte ignorer la suspension d'agrément en imposant aux internes de prendre des gardes au SAU tout en accueillant des internes étrangers ! », s'étranglent les syndicat SIHP, SRP-IMG, dans un communiqué commun. Résultat : lesdits syndicats ont déposé un préavis de grève dès le 2 novembre, ainsi qu'un référé « contestant la décision écrite de la direction de faire venir des internes contre leur volonté dans un service sans agrément ».
Entendons-nous bien : sans agrément, la direction du Kremlin Bicêtre ne souhaitait pas accueillir des internes à titre principal, mais à titre accessoire, dans le cadre de la permanence des soins. Et c'est là que le bât blesse : comment le Kremlin-Bicêtre pouvait-il accueillir ces internes, dans le cadre de la permanence des soins, sans agrément ?
« Cette situation inédite a soulevé des questions inédites sur la sécurité juridique de l'interne. Un interne ne peut exercer que par délégation ; or on ne peut pas travailler dans un service qui n'a pas l'autorisation de déléguer, du fait du retrait de l'agrément : les internes se seraient retrouvés dans une situation d'exercice illégal de la médecine. C'était la première question qu'il fallait trancher. On peut aussi se questionner sur la pérennité des mesures prises pour faire en sorte qu'une situation qui posait problème depuis trois ans ait trouvé un aboutissement en trois mois. Nous avons demandé des engagements pour nous assurer que les efforts allaient être poursuivis. À cette fin, nous désirons mettre en place un système de suivi pour constater de la poursuite de l'amélioration de la situation », ajoute Léonard Corti.
Dans un premier temps, malgré la mobilisation des syndicats, les négociations ont échoué : « la direction du Kremlin-Bicêtre, soutenue par la direction centrale de l'AP-HP, a préféré considérer nos conditions avec désinvolture », lit-on dans le communiqué des syndicats. L'appel à la grève et le soutien d'autres syndicats, notamment du syndicat Jeunes médecins qui, dans un communiqué, a déclaré que « le SIHP et le SRP-IMG, en attaquant cette décision en référé et en appelant à la grève, font preuve de courage et de détermination dans la défense des conditions d'exercice des internes de cet hôpital », ont eu raison de la surdité passagère de la direction du Kremlin-Bicêtre.
Levée du préavis de grève
Ce 4 novembre, nous informe Léonard Corti, la direction de KB a accepté sans réserve toutes les conditions des syndicats qui, sous condition de la bonne transmission des documents faisant foi, devraient lever le préavis de grève le 4 ou le 5 novembre : « L'accueil d'internes au 2 novembre était questionné mais nous avons pu trouver, grâce à la volonté de l'APHP mais aussi des syndicats, un terrain d'entente. Nous allons pouvoir lever la grève puisque nos conditions ont été acceptés sans réserve. Nous avons obtenu des garanties sur la sécurisation juridique des internes, qui consistent dans la réaffirmation de la responsabilité de l'APHP pour ce qui est de l'exercice professionnel des internes, et la réaffirmation de la délégation du chef de service avec une identification précise des médecins délégataires vers les internes. Enfin, nous avons acté la mise en place d'un comité de pilotage avec un suivi régulier afin d'accompagner le changement au SAU du Kremlin Bicêtre, et de se rendre compte que les conditions d'accueil des internes demeurent satisfaisantes. L'objectif final restant la restitution de l'agrément l'année prochaine pour la prochaine campagne. »
Crédit image de Une : BSIP
Actualités Medscape © 2021 WebMD, LLC
Citer cet article: Urgences du Kremlin Bicêtre : les syndicats d'internes mettent fin à la grève - Medscape - 5 nov 2021.
Commenter