Rouayme-Uni (Reuters) – Les infirmières qui travaillent au bloc opératoire depuis longtemps (15 ans et plus) ont un risque augmenté (de 69%) de pneumopathie chronique obstructive (BPCO), selon de nouveaux résultats.
Les cliniciens qui travaillent au bloc opératoire sont exposés à des agents environnementaux potentiellement néfastes, incluant les vapeurs chirurgicales et les désinfectants, indiquent les chercheurs dans un article du JAMA Network Open.
Pour évaluer l’association à long-terme entre le fait de travailler au bloc et le risque de BPCO, le Dr Andrew Stokes de l’Université de santé publique de Boston et ses collègues ont étudié l’incidence de la BPCO diagnostiquée médicalement – mais auto-rapportée dans un questionnaire – chez les infirmières de la Nurses’Health Study.
Les chercheurs ont recherché l’incidence de la BPCO chez plus de 75 000 infirmières américaines (moyenne d’âge : 51 ans) qui ont répondu à des questionnaires portant sur leur déroulé de carrière au bloc opératoire à partir de 1984 et sur leur type de travail en 1982. Aucune des infirmières n’avait d’antécédents de BPCO à l’inclusion en 1984.
Vingt-neuf pour cent des infirmières ont déclaré avoir travaillé à un moment donné dans la salle d'opération, et 3 % y avaient travaillé pendant 15 ans ou plus.
Les chercheurs ont testé le lien avec la BPCO à l'aide de plusieurs modèles statistiques, dont un ajustement pour l'âge (modèle 1), un ajustement également pour le statut tabagique et sur le nombre de paquet-année (modèle 2) et un ajustement également pour la race/l'origine ethnique, la région des Etats-Unis et l’indice de masse corporelle (modèle 3).
Dans le troisième modèle, travailler en salle d'opération pendant 15 ans minimum a été associé à un risque accru de BPCO de 46 % par rapport à celles qui n’avaient jamais occupé un emploi en salle d'opération (rapport de risque : 1,46 ; [IC à 95%:1,10 à 1,93]).
De plus, le risque de BPCO était significativement plus élevé chez les infirmières qui prodiguaient des soins ambulatoires (HR, 1,24 ; IC à 95 % : 1,04 à 1,47) ainsi que chez les infirmières qui fournissaient des soins d'urgence aux patients hospitalisés (HR, 1,31 ; IC à 95 % : 1,07 à 1,59) par rapport aux infirmières qui avaient un emploi administratif ou non infirmier et n'avaient pas d'antécédents d'emploi en salle d'opération en 1982.
Les chercheurs ont également constaté que le risque de développer une BPCO était 69 % plus élevé chez les infirmières ayant une expérience en salle d'opération de 15 ans ou plus (HR 1,69 ; IC à 95 % 1,25-2,28) par rapport aux infirmières qui n'avaient jamais travaillé dans une salle d'opération et avaient un poste administratif ou jamais travaillé au bloc opératoire en 1982.
« En supposant qu'il s'agisse bien d'une constatation causale, cela nécessiterait d'ajuster davantage la protection offerte au personnel du bloc opératoire et/ou les normes de ventilation en salle d'opération » selon le Dr Kevin Tzan, professeur adjoint d'anesthésiologie au Baylor College of Medicine à Houston, Texas.
Le Dr Tzan, qui n'a pas participé à l'étude, a ajouté qu'il n'y avait eu aucun changement significatif dans les agents inhalés eux-mêmes, suggérant que le risque de BPCO pourrait être lié à un délai plus long d’exposition que celui de la période de temps étudié.
« Néanmoins, la simple augmentation du nombre de chirurgies pratiquées aujourd'hui par rapport à il y a 20 ans pourrait potentiellement expliquer cette augmentation d'exposition », a-t-il ajouté.
Le Dr Ilias Kavouras, professeur au département des sciences de l'environnement, du travail et de la santé géospatiale à la CUNY Graduate School of Public Health, à New York, a déclaré que la pandémie de Covid-19 a souligné l'importance d'utiliser des équipements de protection individuelle (EPI), à la fois dans la salle d'opération et dans d'autres types d’environnements sanitaires.
Selon les auteurs de l'étude, les masques modernes utilisés dans la salle d'opération disposent d’une meilleure capacité de filtrage, mais ces masques, comme les N95, peuvent ne pas filtrer les particules ultrafines couramment présentes dans les vapeurs chirurgicales. « Les masques ont toujours été là, mais si vous ne les portez pas bien, ils ne sont pas très utiles », a déclaré le Dr Kavouras, qui ne faisait pas partie de l'étude, à Reuters Health par courrier électronique.
Le Dr Kavouras a également souligné que réaliser une étude longitudinale sur une durée plus longue étudiant les produits chimiques dans la salle d'opération et les effets de l'exposition professionnelle est nécessaire.
« Lorsqu'un nouveau produit chimique ou produit est introduit, nous n'étudions jamais vraiment ses impacts à long terme », a-t-il déclaré. « De même, nous n'avons aucune idée de ce qui arrive à quelqu'un après une exposition à faible niveau sur 15, 20, 25 ans car ces produits chimiques sont destinés à une utilisation à court terme et l'attention au risque d'exposition cumulée n'est pas toujours une priorité».
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre Female Nurses With Long-Term OR Employment Have Increased Risk of COPD. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Source photo : Alexey Poprotskiy/Dreamstime.com
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Citer cet article: BPCO : risque plus élevé chez les infirmières de bloc opératoire - Medscape - 9 nov 2021.
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