Toux chronique de l’adulte : le tour de la question avant de nouvelles recommandations

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

28 octobre 2021

Paris, France— La toux chronique est un motif fréquent et répété de consultations car la pathologie est souvent très invalidante, avec un fort retentissement sur la qualité de vie. Comment bien rechercher son étiologie ? Quand s’agit-il d’un symptôme ou d’une maladie en tant que telle ? Lors d’une session des Journées Nationales de Médecine Générale (JNMG) , le Dr Danielle Brouquières (service de pneumologie, CHU-hôpital Larrey, Toulouse) a fait le tour de la question et a invité les médecins à consulter les prochaines recommandations de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) sur le sujet, prévues pour janvier 2022.

« Les patients qui viennent nous voir dans nos consultations de toux chronique toussent depuis en moyenne 8 ans, avec des dossiers énormes, sans qu’on ait trouvé de cause ou de solution », a déploré la pneumologue toulousaine, appelant à créer d’autres consultations « Toux chronique » sur le territoire. « Nous sommes la seule consultation dédiée à la toux chronique en France, créez-en !».

 
Les patients qui viennent nous voir dans nos consultations de toux chronique toussent depuis en moyenne 8 ans. Dr Danielle Brouquières
 

Des causes très variées

Face à une toux chronique, une toux présente depuis au moins 8 semaines, la question centrale des patients est « Pourquoi je tousse, docteur ? ». Il s’agit en effet de la question centrale dont la réponse permettra de soulager au mieux le patient. « Parfois il faut chercher beaucoup avant de trouver une cause », souligne l’oratrice.

Les causes de la toux chronique peuvent être multiples. La toux peut être un réflexe protecteur des voies aériennes face aux agents agresseurs externes :

  • pollution atmosphérique, pollen, poussière, gaz, fumée, cigarette, produits ménagers, solvants et penture, odeurs… ;

  • agents infectieux ;

  • agents inhalés solides ou liquides : corps étrangers, fausses routes alimentaires.

Mais aussi un réflexe face aux agresseurs internes :

  • écoulement postérieur (sinusite, rhinite) ;

  • reflux gastro-œsophagien ;

  • certains médicaments : IES, sartans, bêtabloquants, …

  • Inflammation : maladie auto-immune, obésité ( ?)…

Elle peut également être induite par :

  • un cancer ;

  • de l’asthme, la BPCO, la mucoviscidose, la dilatation des bronches, le syndrome d’apnée du sommeil…

  • des troubles du rythme cardiaque ou autre maladie cardiovasculaire ;

  • une pathologie interstitielle, fibrose…

Il peut aussi s’agir d’une toux psychogène.

Enfin, la toux peut s’auto entretenir quand elle est irritative. Parfois le réflexe de toux peut être majoré, « déréglé » du fait d’un excès de sensibilité des récepteurs de la toux : ceci va entraîner une toux disproportionnée, inadaptée. On parle alors de toux chronique réfractaire ou inexpliquée (TOCRI).

Une étude réalisée auprès de 653 patients tousseurs chroniques de la consultation dédiée à la toux chronique au CHU de Larrey a permis de mettre en évidence les principales causes de toux chroniques avec dans l’ordre : les causes ORL, le RGO, l’asthme, la BPCO, la pneumopathie interstitielle diffuse (PID), une étiologie cardiologique, néoplasique, un stress psychologique, un SAS, la dilatation des bronches, l’environnement, le diabète, un trouble de la déglutition, un trouble de la motricité, une hernie hiatale, et enfin les causes inconnues.

Concernant le Covid, l’oratrice a indiqué : « nous n’avons pas l’impression que la maladie pérennise la toux mais nous en saurons plus dans le futur ».

Quelle prise en charge ?

La première étape de la prise en charge, explique la pneumologue, est de rechercher les signes de gravité (altération de l’état général, syndrome infectieux, dyspnée d’effort, hémoptysie, apparition ou modification de la toux chez un fumeur, dysphonie, dysphagie, fausses routes, adénopathie(s) cervicale(s) suspecte(s), anomalies majeures de l’examen clinique cardiopulmonaire.

Mais, ce sont surtout l’interrogatoire et l’écoute du patient qui sont primordiaux pour rechercher les signes d’alerte, les différentes étiologies de la toux, les symptômes associés (conséquences ou causes de la toux), apprécier l’intensité du symptôme et le retentissement sur la vie du patient.

« Il faut prévoir du temps pour cette consultation », insiste l’oratrice.

Ce n’est que dans un second temps que peuvent être proposés des examens complémentaires, qui sont, comme l’examen clinique, souvent peu contributifs.

 
Il faut prévoir du temps pour cette consultation  Dr Danielle Brouquières
 

 

L’interrogatoire du patient

ATCD Patient

  • Tabagisme

  • Profession, exposition, cadre de vie

  • Autres pathologies et traitements en cours

  • ATCD familiaux et personnels: de toux ou
    autres pathologies respiratoires

Historique de la toux

  • Début, durée

  • Période de rémission? Variation dans le temps ?

  • Les examens déjà réalisés

  • Traitements de la toux et leur efficacité (tous
    réfractaire ?)

Caractéristiques de la toux

  • Sèche ou grasse ?

  • Intensité et fréquence

  • Nocturne et/ou diurne ?

  • Insomniante ?

  • Quinteuse ?

  • Toux ou hemmage ?

Facteurs déclenchants évoquant une étiologie

  • Infections ORL ou bronchiques banales

  • Changements de position : RGO ?

  • Changements de lieu ou d’atmosphère : HRB ?

  • Exposition à des irritants : allergie ou asthme ?

  • Activité physique : asthme d’effort ?

  • Lien avec les repas: RGO ?

  • Lors de l’alimentation: troubles de la déglutition ?

Déclencheurs de toux

  • Odeur, parfum, spray, produits ménagers, javel,
    fumées, tabac…

  • Changements de température

  • Parole, rire, téléphone, chant, stress

  • Hyperventilation

  • Aliments secs ou granuleux, vinaigre

  • Autres

Symptômes associés à la toux

  • ORL

  • Pulmonaires

  • Digestifs

  • Autres : fièvre, AEG…

Complications

  • Incontinence urinaire ou fécale

  • Ictus laryngé, trachéo-bronchomalacie

  • Céphalées

  • Douleurs thoraciques

  • Fractures des côtes…

Retentissement au quotidien

  • Personnel et psychologique (anxiété,
    dépression, troubles du sommeil)

  • Familial

  • Professionnel : arrêt de travail

  • Social

En termes d’examens, le bilan à réaliser a minima est la radiographie thoracique et la spirométrie.

En l’absence de cause fréquente ou en présence d’une résistance au traitement, il est recommandé de prendre un avis spécialisé auprès d’un ORL, d’un gastroentérologue, d’un diabétologue, d’un neurologue ou d’un phoniatre pour repérer les troubles de la déglutition.

Un bilan complémentaire peut être réalisé en fonction du contexte :

  • PH-métrie des 24 h +/- manométrie ;

  • gastroscopie ;

  • scanner thoracique ;

  • scanner ou d’un Conebeam des sinus ;

  • endoscopie bronchique ;

  • test à la métacholine (hyperactivité bronchique) ;

  • test allergologique ;

  • fibroscopie et lavage bronchoalvéolaire ;

  • évaluation cardiologique ;

  • enregistrement polygraphique nocturne …

 
En termes d’examens, le bilan à réaliser a minima est la radiographie thoracique et la spirométrie.
 

« Face à la toux chronique, il y a le plus souvent plusieurs causes à traiter conjointement pour être efficace sur la toux », a précisé le Dr Brouquières.

Mais parfois, après 6 à 12 semaines, les traitements n’améliorent pas la toux ou il n’a pas été retrouvé de cause malgré de nombreuses consultations, examens et bilans complémentaires.

On parle alors de toux chronique réfractaire ou inexpliquée (TOCRI).

« Il s’agit d’une pathologie et non d’un symptôme », souligne-t-elle.

« Les patients sont souvent épuisés physiquement et moralement. Ils décrivent une impression d’irritation ou de démangeaison à l’arrière de la gorge. Les médecins ont l’impression d’avoir tout essayé et sont en échec ».

Lors d’une TOCRI, on retrouve très souvent une modification du réflexe de toux et un excès de sensibilité à des agents ou à des stimuli habituellement non tussigènes qui chez le patient TOCRI vont déclencher une toux sèche, irritative, irrépressible. Il faudra impérativement lors d’une consultation « toux chronique » interroger le patient sur « ces déclencheurs » inhabituels de toux (changements de température, rire, émotions, odeurs, spray, position allongée, lors de la consommation de certains aliments secs, épicés ou acides, boissons…).

 
Lors d’une TOCRI, on retrouve très souvent une modification du réflexe de toux et un excès de sensibilité à des agents ou à des stimuli habituellement non tussigènes.
 

Toux chronique : quelle prise en charge ?

En premier lieu, l’experte a insisté sur la nécessité de supprimer le tabac et les traitements tussigènes (après accord du spécialiste). Puis, sur le traitement des étiologies identifiées en donnant quelques exemples :

  • RGO : IPP pendant 2 mois, pansements, règles hygiéno-diététiques

  • Asthme ou HRB : toux équivalente d’asthme : corticoïdes +/- BD

  • ORL : traitements locaux (lavage) +/- corticoïde nasal +/- antihistaminique

Une corticothérapie po peut être envisagée (40 mg pendant 5 à 7 jours).

Et, un traitement antitussif peut être instauré :

  • +codéine (Néocodion) et detromethorphan (Tussidane). Il est alors nécessaire d’évaluer le rapport bénéfice/risque et que le traitement soit de la durée la plus courte possible, a-t-elle insisté.

  • +Anti-H1 de première génération (Primalan)

  • +Antitussifs périphériques (anesthésiant local : menthol).

En cas de toux très invalidante ou de TOCRI, des traitements hors AMM peuvent parfois être instaurés comme la codéine à plus long cours, les neuro-modulateurs (Laroxyl, Neurontin, Lyrica) ou les morphiniques.

« Quand on décide de donner de la codéine ou des morphiniques, il faut vraiment être sûr que rien d’autre ne marche », a-t-elle précisé, alertant sur le fort risque de dépendance.

Concernant la TOCRI, la pneumologue a souligné que les nouveaux antagonistes de P2X3, comme le géfapixant, étaient porteurs d’espoir. Des essais ont montré qu’ils réduisent de manière significative la fréquence de la toux et qu’« ils ne bloquent que la toux inutile ».

 
Quand on décide de donner de la codéine ou des morphiniques, il faut vraiment être sûr que rien d’autre ne marche  Dr Danielle Brouquières
 

En cas de SAS ou de trachéobronchomalacie, la ventilation non invasive peut « parfois être très efficace », a-t-elle souligné.

 
J’ai eu des patients transformés par la réhabilitation respiratoire  Dr Danielle Brouquières
 

Enfin, Danielle Brouquières souligne qu’il faut savoir proposer des alternatives thérapeutiques comme la sophrologie, la relaxation, l’orthophonie (++), la psychothérapie, l’hypnose, l’ostéopathie, la réhabilitation respiratoire (++)…

« J’ai eu des patients transformés par la réhabilitation respiratoire. Les bénéfices sont très très intéressants ».

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....