Paris, France – Quatre ans après, la santé des futurs médecins a empiré. C’est la triste conclusion de la deuxième enquête portant sur la santé mentale des étudiants en médecine et des internes D'après les résultats préliminaires obtenus auprès de 11754 répondants, 75% des étudiants en médecine (contre 66,2 % en 2017) et des internes montrent des symptômes d'anxiété et 39% des symptômes de dépression sur les 7 derniers jours (contre 27,2%). Des chiffres qui montrent que les 15 engagements pris par le ministère de la Santé mais aussi celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour améliorer la qualité de vie des étudiants, à la suite de la première enquête, n’ont pas eu les effets escomptés.
Le 27 octobre prochain, l'intersyndicale nationale des internes (Isni), l'association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), et l'intersyndicale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) présenteront les résultats complets de cette nouvelle enquête et formuleront une série de recommandations à l'endroit des pouvoirs publics. Nicolas Lunel, étudiant en 3e année à Toulouse et élu président de l'Anemf depuis juillet dernier, a accepté revenir sur le contexte de cette enquête pour Medscape.
Medscape édition française : Pouvez-vous nous rappeler les raisons qui vous ont poussé à réaliser cette enquête ?
Nicolas Lunel : Il y a quatre ans les bureaux de l'Anemf, de l'Isnar-IMG, de l'Isni et de l'Isncca (syndicat des chefs de cliniques) ont décidé de réaliser la première enquête sur la santé mentale des étudiants et internes en médecine. Les résultats de cette enquête ont été malheureusement extrêmement mauvais. À l'issue de la présentation des résultats, des engagements ont été pris, des campagnes de sensibilisation, notamment ministérielles, ont été menées, un centre national d'appui a été créé, etc. L'an dernier, nous nous sommes posé la question de savoir si la santé mentale des étudiants et internes en médecine avaient été améliorés, eu égards aux actions qui avaient été menées. Entretemps il est vrai, la pandémie de Covid est passée par là. Au final, d'après les résultats que nous présenterons la semaine prochaine, la santé mentale des étudiants et internes en médecine s'est encore dégradée.
Quels sont les indicateurs utilisés pour jauger la santé mentale des jeunes médecins ?
Nicolas Lunel : Nous utilisons l’échelle HAD, pour mesurer l'anxiété et la dépression ainsi que deux autres indicateurs. Nous nous sommes basés sur la littérature actuelle en termes d'enquête de santé mentale. Cette enquête a été réalisée par des universitaires pour s’assurer de sa robustesse, en termes de résultats et de méthodologie. Nous constatons que les différentes actions mises en place ces quatre dernières années n'ont pas permis de diminuer les problèmes d'anxiété, de dépression et de burn-out. C'est pourquoi nous réclamons des solutions concrètes.
Quels sont les principaux chiffres qui témoignent de la dégradation de la santé mentale des jeunes médecins et étudiants en médecine ?
Nicolas Lunel : Nous avons annoncé des premiers chiffres, et nous révélerons l’intégralité de nos résultats le 27 octobre concernant l'anxiété, la dépression, les idées suicidaires, le burn-out. Nous avons également initié un nouvel indicateur dans cette enquête, à savoir la définition des facteurs protecteurs et des facteurs aggravants. Nous constatons par exemple qu’avoir subi des violences ou des humiliations ou être dans une situation financière critique, sont des facteurs aggravants. Et nous constatons que la situation empire par rapport à il y a 4 ans. Si nous avions constaté une stabilisation, nous aurions pu conclure que les actions menées avaient entrainé un effet, car il faut aussi compter avec les effets de la Covid qui ont fortement dégradé la santé mentale des étudiants et jeunes médecins. Mais la situation a empiré, donc les actions menées n'ont eu aucun effet.
Les pouvoirs publics ne vont-ils pas vous répondre que la dégradation de la santé mentale des étudiants est due à la pandémie, donc conjoncturelle ?
Nicolas Lunel : Oui, c'est possible, mais cette réponse sera jugée insuffisante. Il faut surtout se demander pourquoi on en est arrivé là, pourquoi trois étudiants sur quatre souffrent d'anxiété pathologique. Il faut que les étudiants soient en mesure d'apprendre et de soigner les gens. Avoir dans le système de santé autant de gens qui souffrent de problèmes de santé mentale est tout à fait anormal.
Constatez-vous également une dégradation concernant le dépassement du temps de travail légal des étudiants ?
Nicolas Lunel : Oui, effectivement un temps de travail important dégrade la santé mentale, surtout des internes. Au niveau des externes, nous avons préféré nous abstenir de conclusions dans ce domaine, car nous n'avions pas un échantillon suffisamment important. Mais pour les internes, le temps de travail trop important joue sur leur santé mentale.
Les actions mises en place entre 2017 et 2021 ont-elles été inefficaces ou n'ont-elles pas été appliquées ?
Nicolas Lunel : Les deux explications sont valables. Certains outils n'ont pas été efficaces, mais il manque aussi des compétences pour améliorer la santé mentale des étudiants, c'est un sujet qui a été négligé ces dernières années. Par ailleurs, nous avons aussi constaté une absence de moyens, tant financiers qu'humains. Par exemple, le centre national d'appui n'avait pas suffisamment de moyens financiers et humains pour pouvoir mettre en place ses actions.
Crédit photo de Une : Robert Kneschke/Dreamstime.com
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Citer cet article: « La santé mentale des étudiants et internes en médecine s'est encore dégradée » - Medscape - 21 oct 2021.
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