Prise en charge de la douleur lombaire: les signes d’alerte à garder en tête

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

20 octobre 2021

Paris, France –  Au cours des Journées nationales de médecine générale (JNMG 2021), le Dr Violène Foltz Benjamen (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris) a rappelé les signes qui doivent alerter pendant la prise en charge d’un patient souffrant de douleurs lombaires. L’objectif est de pouvoir distinguer une lombalgie symptomatique d’une lombalgie commune, d’origine mécanique, mais aussi d’identifier les étiologies à risque, tel que le syndrome de la queue-de-cheval.

« Une lombalgie mécanique s’améliore toujours dans le temps. Une douleur qui s’aggrave est forcément suspecte », a souligné la rhumatologue, au cours de sa présentation. Associée à une incontinence urinaire soudaine, une douleur lombaire intense conduisant à des réveils nocturnes et augmentant dans le temps doit évoquer un syndrome de la queue-de-cheval, qui implique une prise en charge chirurgicale dans les 48 heures.

La lombalgie est définie par une douleur située entre la charnière thoraco-lombaire et le pli fessier inférieur. On distingue la lombalgie commune ou mécanique, qui est considérée comme chronique en cas de douleurs de plus de trois mois, de la lombalgie symptomatique, associée à une pathologie sous-jacente et nécessitant une prise en charge spécifique.

Déficit moteur et lombalgie hyperalgique

Lorsqu’un patient consulte pour des douleurs dans le bas du dos, « il faut dans un premier temps vérifier qu’il s’agit bien de douleurs lombaires et non pas de douleurs de la région lombaire », a souligné la praticienne. En plus d’interroger le patient sur l’origine et la nature des sensations douloureuses, il convient de « s’assurer qu’une mobilisation du rachis lombaire déclenche bien la douleur ».

Dès lors, il faut rechercher des signes de gravité. L’objectif est d’identifier en priorité un éventuel syndrome de la queue-de-cheval, qui doit être traité en urgence par chirurgie. Ce syndrome est caractérisé par une compression des racines nerveuses situées dans le bas du dos pouvant entrainer une perte de sensibilité dans la zone périnéale et les membres inférieurs.

Une douleur intense s’aggravant dans le temps, une incontinence urinaire soudaine, des pertes fécales ainsi qu’une baisse de la sensibilité au niveau périnéal (anesthésie en selle…) sont des signes d’alerte. « Au moindre doute, il faut effectuer un toucher rectal pour rechercher une baisse de tonus du sphincter anal. »

En cas de syndrome de la queue-de-cheval, « le patient doit être opéré en urgence dans les 48 heures » pour lui éviter des troubles fonctionnels irréversibles, notamment au niveau sphinctérien.

Autre signe de gravité: un déficit moteur des muscles innervés par les cinq paires de nerfs lombaires, caractérisé par une cotation de force musculaire ≤ 3 (échelle de 0 à 5). Le déficit est évalué par différents tests. Par exemple, la marche sur la pointe des pieds teste le triceps sural (innervés par les nerfs rachidiens S1), tandis que la marche sur les talons évalue les releveurs des pieds (L5).

Une fois le déficit moteur identifié, une surveillance s’impose pour détecter une éventuelle aggravation, malgré la prise en charge par un kinésithérapeute. « On se donne huit jours pour déterminer l’évolution du déficit. S’il s’aggrave et touche un muscle important pour la marche, il faut envisager une opération et demander l’avis d’un chirurgien ».

Troisième signe de gravité à rechercher en priorité: la lombalgie hyperalgique, résistante aux antalgiques morphiniques (2X30 mg de sulphate de morphine orale/jour). « Il n’y a pas d’urgence chirurgicale, mais il faut éventuellement hospitaliser les patients en raison des douleurs intenses », en attendant d’adapter le traitement.

Examens complémentaires en cas de signes d’alerte

Après avoir écarté ces trois situations de gravité, d'autre signaux d’alerte sont à rechercher pour pouvoir différentier une lombalgie commune (ou mécanique) de la lombalgie symptomatique, qui doit orienter vers la recherche d’une pathologie sous-jacente (infection, tumeur osseuse, rhumatisme inflammatoire chronique…).

Les lombalgies symptomatiques représentent 1% des lombalgies. Plusieurs signaux d’alerte, communément nommés « drapeaux rouges », ont été identifiés pour justifier des examens complémentaires:

  • Âge < 20 ans ou > 55 ans: « un premier épisode de lombalgie avant 20 ans doit systématiquement amener à suspecter une lombalgie symptomatique et à prescrire des examens complémentaires », précise le Dr Foltez Benjamen. De même, une première lombalgie mécanique après 55 ans est peu probable.

  • Antécédents de traumatisme violent;

  • Antécédents de cancer: en raison du risque de récidive et de métastase osseuse;

  • Altération de l’état général, perte de poids inexpliquée, fièvre: globalement, « tout signe suggérant une origine infectieuse ou un cancer » doit amener à envisager une lombalgie symptomatique;

  • Usage de drogue en intra-veineuse, immunosuppression, infection HIV; « toute situation favorisant une immunodépression et par conséquent une infection ou certains cancers comme le lymphome »;

  • Douleur de type non mécanique (douleur constante ou d’aggravation progressive, présente au repos, en particulier la nuit): par nature, « une lombalgie mécanique s’améliore toujours dans le temps. Son évolution est naturellement favorable. Une douleur constante ou qui s’aggrave est forcément suspecte ». 

  • Douleur dorsale (rachialgie dorsale): « une dorsalgie mécanique, jusqu’à preuve du contraire, n’existe pas. Toute dorsalgie doit être considérée comme une cause symptomatique et conduire à une imagerie. »

  • Utilisation prolongée de corticoïdes: « les corticoïdes favorisent l’immunodépression, et par conséquent les infections, ainsi que la décalcification. »

  • Symptômes neurologiques étendus: « il faut alors chercher une maladie démyélinisante. »

  • Déformation rachidienne.

Ces « drapeaux rouges » sont listés par la Haute autorité de santé (HAS) dans ses dernières recommandations sur la prise en charge du patient présentant une lombalgie commune.

Lombalgie commune: l’imagerie non indiquée

« La recherche de ces signes d’alerte doit rester à l’esprit du praticien à tous les stades de la lombalgie », précise la HAS. Elle doit être réalisée « pour toute douleur lombaire récente ou aggravation des symptômes ou apparition de nouveaux symptômes ».

Pris isolément, la spécificité de ces signes d’alerte reste limitée, ajoute la Haute autorité. « C’est leur combinaison qui doit attirer l’attention et faire suspecter une pathologie sous-jacente à la douleur lombaire justifiant une prise en charge spécifique. »

A chaque consultation, « il faut savoir poser les bonnes questions pour repérer les signes d’alerte », en particulier chez les patients présentant des douleurs lombaires persistantes, a souligné le Dr Foltez Benjamen.

En l’absence de drapeau rouge, une imagerie par IRM (ou par scanner en cas de contre-indication à l’IRM) est recommandée uniquement en cas de lombalgie chronique (douleurs lombaires de plus de trois mois). En dehors de cette situation et hors signe d’alerte, l’imagerie n’est pas indiquée, même en cas de poussée aiguë de lombalgie, précise la HAS.

En revanche, après l’apparition des premières douleurs, plusieurs mesures de prévention ont été définies pour éviter le passage de la lombalgie commune à la chronicité, en donnant notamment la priorité au mouvement et à l’activité physique. L’évolution est majoritairement favorable après quelques semaines.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....