Paris, France – Au cours des Journées nationales de médecine générale (JNMG 2021), le Dr Didier Boucarra (Hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris) a détaillé la conduite à tenir face à un patient consultant pour des vertiges [1]. La priorité est d’identifier les signes d’une éventuelle atteinte du système nerveux central pour orienter le patient vers une prise en charge en service d’urgence.
Le défi pour le praticien est de pouvoir distinguer un vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB), très fréquent d’un vertige lié à une atteinte périphérique (maladie de Ménière, névrite vestibulaire…) ou centrale (accident vasculaire cérébelleux…), qui implique de réaliser une imagerie IRM en urgence, a expliqué le Dr Boucarra, au cours de sa présentation.
Déterminer la nature des vertiges, leur durée…
Pour commencer, l’interrogatoire est fondamental pour avoir une première orientation, a rappelé le médecin ORL, spécialiste des vertiges. Il s’agit en priorité d’obtenir une description des vertiges et des symptômes associés (anxiété, nausées, sueurs…), de déterminer la durée des sensations, les facteurs de risque et le mode de déclenchement (mouvement de tête, choc…).
Lorsque le patient est interrogé sur les sensations ressenties, « il faut rechercher une illusion de déplacement » ou un « vertige giratoire », pour s’orienter vers une atteinte du système vestibulaire. Le patient décrit une sensation de « mouvement sans déplacement réel », avec souvent l’impression d’avoir un environnement qui tourne autour de lui, des sensations d’instabilité ou de « pseudo ébriété ».
Concernant les symptômes associés, les signes neurovégétatifs, comme les nausées, les sueurs, une hypotension, se retrouvent dans toutes les situations de vertige et, par conséquent, n’ont pas de valeur diagnostique, a rappelé le Dr Boucarra. Par ailleurs, la perte de connaissance, qui reste exceptionnelle, doit orienter vers une pathologie autre que vestibulaire (trouble neurologique, cardiopathie…).
Accident vasculaire cérébelleux
Il faut aussi savoir éliminer les « faux vertiges », qui ne sont pas les signes d’une pathologie vestibulaire. Il s’agit en majorité du « vertige des hauteurs », caractéristique du malaise ressenti face au vide. Le patient décrit « une perte brutale des références visuelles ». On distingue également « le mal des transports », ainsi que le « syndrome de l’autoroute », qui se manifeste lors des trajets sur voie rapide.
Au-delà de cette description du vertige, il est essentiel d'avoir des précisions sur la durée des symptômes et leur évolution, ainsi que sur les facteurs déclenchants, précise le praticien. Il convient également de poser des questions notamment sur la présence de fourmillements, d’un trouble de la parole (dysarthrie), de la déglutition (dysphagie) pour rechercher une éventuelle atteinte neurologique.
En cas de vertiges brefs et isolés, survenant au lever, au coucher ou en se tournant dans le lit, le diagnostic s’oriente vers un VPPB. Pour des vertiges de durée > 20 min, une atteinte périphérique (névrite vestibulaire, maladie de Ménière…) est à envisager en présence de symptômes auditifs (acouphènes, surdité…). Lorsqu’ils sont associés à des troubles neurologiques, l’imagerie s’impose pour rechercher une atteinte du système nerveux central.
« La crainte pour le praticien est de passer à côté d’un accident vasculaire cérébelleux », touchant le cervelet, a souligné le Boucarra. Un âge avancé est un facteur de risque, mais le signe d’alerte majeur est l’incapacité pour le patient de se maintenir debout, sans avoir d'appui. Il y a urgence si le patient se plaint en plus de céphalées récentes et intenses.
Protocole HINTS
Après l’interrogatoire, plusieurs examens cliniques permettent de poser le diagnostic. Pour confirmer l’atteinte périphérique ou centrale, il est recommandé d’appliquer le protocole clinique HINTS (Head Impulse, Nystagmus and Test of Skew), qui s’appuie sur trois examens:
Head Impulse Test (HIT): le patient fixe un point pendant que le praticien déplace sa tête de droite à gauche et de haut en bas d’un léger mouvement sec. Une impossibilité à stabiliser le regard signale une atteinte vestibulaire périphérique du côté vers lequel s’est dirigé le mouvement. Les saccades oculaires pouvant être très discrètes, l’examen est plus précis avec l’appui de la video (vHIT). Sans saccades, l’atteinte peut être centrale.`
Nystagmus: un nystagmus spontané (mouvements saccadés des yeux en suivant un doigt de gauche à droite, inhibés par fixation visuelle) suggère une atteinte vestibulaire, tandis qu’un nystagmus central (mouvements saccadés non inhibés par fixation visuelle) évoque une atteinte centrale.
Test de Skew: le patient fixe un point avec un oeil couvert. En retirant le cache, si l’oeil couvert est en décalage dans le plan horizontal avec l’autre oeil, il s’agit du signe d’une atteinte centrale.
Une atteinte vestibulaire périphérique peut aussi être suggérée par la présence d’une déviation segmentaire lors d’une épreuve stato-cinétique (par exemple: déviation de la marche les yeux fermés pendant le test de Fukuda).
Une fois l’urgence vasculaire éliminée, il reste à définir le vertige d’origine périphérique. On distingue essentiellement le VPPB, largement majoritaire, la névrite vestibulaire (inflammation du nerf innervant les canaux vestibulaires) et la maladie de Ménière.
VPPB: des vertiges de moins d’une minute
Le VPPB est lié au détachement dans l’oreille interne des otoconies, des petits cristaux de carbonate de calcium qui servent à la perception de l’équilibre. Les vertiges causés surviennent lors de changements de position de la tête et ne sont pas associés à des symptômes auditifs. Ils durent moins d’une minute et disparaissent spontanément sous sept jours dans un tiers des cas.
Le diagnostic est confirmé en exécutant la manoeuvre de Dix-Hallpike. Le patient est allongé avec la tête sur le côté, ramenée ensuite à la verticale. Le diagnostic est posé lorsque ce test provoque un vertige associé à un nystagmus de quelques secondes, qui selon sa nature (torsionnel, vertical ou horizontal) permet d’identifier le canal vestibulaire affecté.
Le traitement dépend du canal semi-circulaire impliqué et s’appuie sur des manoeuvres consistant à repositionner les micro-cristaux dans l’oreille interne. Les dernières recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) sur la prise en charge des VPPB insistent sur le fait que les médecins et les masseurs-kinésithérapeutes qui n’ont pas suivi de formation spécifique doivent orienter tout patient présentant un VPPB vers un professionnel formé.
Dans 90% des cas, les otoconies migrent dans le canal postérieur. Les manoeuvres d’Epley et de Sémont sont indiquées dans le traitement du VPPB du canal semi-circulaire postérieur. Lorsque le canal horizontal est impliqué, il faut opter pour la manoeuvre de Lempert (BBQ) ou de Gufoni. Le VPPB du canal antérieur, plus rare, se traite par les manoeuvres de Yacovino ou d’Epley modifiée.
Après ces manoeuvres, « le patient peut présenter une instabilité importante transitoire », précise le Dr Boucarra. Il doit être informé sur le risque accru de chute, ainsi que sur la possibilité d’avoir des récidives des vertiges et des symptômes atypiques (troubles de la marche, perte auditive subjective, nausées…).
Maladie de Ménière: des symptômes auditifs spécifiques
Concernant la maladie de Ménière, elle se caractérise par une répétition de crises de vertige de plus de 20 minutes, s’accompagnant d’une perte progressive de l’audition, d’acouphènes et d’une sensation d’oreille bouchée. Elle est provoquée par un déséquilibre de la pression des liquides contenus dans l’oreille interne.
Selon le Dr Boucarra, il est préférable de réaliser un examen par IRM, à condition qu’il soit analysé par un radiologue expert, spécialisé en oto-rhino-laryngologie (ORL), compte tenu de la difficulté à caractériser la maladie de Ménière.
Le traitement repose sur l’application de mesures destinées à réduire la pression des liquides de l’oreille interne (prescription de diurétiques, réduction de la consommation de sel, de caféine…). Une approche chirurgicale peut aussi être envisagée (section du nerf vestibulaire, ablation du labyrinthe…).
Dans le cas d'une névrite vestibulaire, « le patient présente brutalement un vertige important, qui devient de plus en plus intense », ce qui l’oblige à s’allonger. Cette névrite est liée à une réactivation du virus de l’herpès, provoquant une inflammation et un œdème qui vient comprimer le nerf du système vestibulaire.
Une hospitalisation est à envisager, explique le praticien. La prise en charge inclut des tests d’audition et de l’équilibre, ainsi qu’une imagerie IRM. A la phase initiale de la névrite vestibulaire, « un traitement par corticoïdes permet d’améliorer la récupération ». La prescription d’antiviraux n’a, en revanche, pas montré de bénéfice dans cette indication.
La névrite vestibulaire guérit sans traitement. Pour soulager les vertiges, des médicaments anti-vertigineux peuvent également être prescris, ainsi qu’une rééducation vestibulaire, qui doit être conduite par un kinésithérapeute spécialisé.
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Citer cet article: Maladie de Ménière, vertiges positionnels, vestibulaires... : diagnostic et prise en charge des vertiges - Medscape - 18 oct 2021.
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