Ré-organisation des Urgences : le service d'accès aux soins, un échec avant l'heure ?

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

13 octobre 2021

France — Actuellement, 22 sites pilotes expérimentent le service d'accès aux soins (SAS), une nouvelle organisation de la médecine de ville et de l'hôpital testée afin de désengorger les services d'urgence. Sur le terrain, cependant, l'effection en médecine générale semble poser des problèmes. Dans le dernier éditorial publié sur le site du syndicat Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel dénonce un « concept du SAS inacceptable » et un niveau de rémunération des médecins participants bien trop faible.

Nouveau service d’orientation de la population

Débuté en mai dernier, la phase pilote de la mise en place des services d'accès aux soins (SAS) n'est pas loin de son dénouement. Au mois de janvier dernier, en effet, le ministre de la santé, Olivier Véran, avait annoncé le lancement de 22 expérimentations de cette nouvelle organisation des soins, censée désengorger les urgences hospitalières. Comme annoncé sur le site du ministère de la santé, le « service d’accès aux soins est un nouveau service d’orientation de la population dans leur parcours de soins. Il doit permettre d’accéder à distance à un professionnel de santé pouvant fournir un conseil médical, proposer une téléconsultation, orienter selon la situation vers une consultation non programmée en ville, vers un service d’urgence ou déclencher l’intervention d’un SMUR, par exemple ».

Rémunération des SAS

L'avenant à la convention médicale, signé à la fin du mois de septembre dernier, a fixé « le modèle d’organisation et le modèle de rémunération du SAS, modalités qui pourront le cas échéant être amenées à évoluer. Un patient ressentant un besoin de soin urgent, et ne parvenant pas à joindre son médecin traitant, pourra ainsi s’adresser par téléphone à un médecin « régulateur » (appel direct, ou redirigé par un numéro d’urgence), qui pourra lui trouver un rendez-vous médical en ville dans les 48 h », précisait l'Assurance maladie.

L'avenant prévoit ainsi un forfait de 1 400 € par an pour la participation au SAS. Pour l'obtenir, le médecin libéral doit avoir un agenda ouvert permettant la réservation en ligne ou partagé avec le régulateur et être inscrit dans le dispositif — ou être membre d'une communauté pluriprofessionnelle territoriale de santé participant au SAS. Une rémunération annuelle maximale de 2 520 € est prévue pour les médecins s’organisant pour prendre un patient supplémentaire. Enfin, la régulation est rémunérée 90 € de l’heure en cas de prise en charge des cotisations. Cette rémunération, sur le fonds d’intervention régional, est de 75 € net, soit 100 € brut de l’heure, pour les médecins non conventionnés. Et c’est là que le bât blesse.

Quid des médecins généralistes ?

Dans un éditorial intitulé « Le SAS pour les nuls », le Dr Luc Duquesnel, dénonce une rémunération insuffisante des médecins généralistes, et un système, de fait, voué à l'échec. Et c'est déjà le cas dans les sites pilotes : « Force est de constater que ces projets sont au point mort... La raison principale est le contenu de l’avenant 9 imposé au début de l’été par le gouvernement et l’Assurance maladie aux syndicats de médecins libéraux. Pour obtenir les revalorisations tarifaires attendues depuis plusieurs années par les médecins, il fallait, dans cet avenant 9, valider une organisation du SAS et la rémunération des médecins généralistes y participant, auxquelles tous les syndicats étaient opposés. » Les médecins régulateurs ne sont pas mieux lotis selon le Dr Duquesnel : « Question rémunération, les médecins régulateurs ne percevront que 90 euros par heure alors que dans certains départements ils sont à 125 euros par heure et qu’en centre de vaccination ils sont rémunérés 105 euros par heure ! » Pour les médecins effecteurs, le forfait annuel de 1400 euros n'est pas non plus suffisant : « pour les médecins effecteurs, alors que nous demandions une majoration de 15 euros par acte comme dans certains départements où le SAS fonctionne, ce sera un forfait qui correspondra à 4,66 euros par acte si le médecin a réalisé par trimestre 15 actes en plus des 8 actes hebdomadaires imposés par le centre 15 et non comptabilisés ! ».

 
Question rémunération, les médecins régulateurs ne percevront que 90 euros par heure alors que dans certains départements ils sont à 125 euros par heure et qu’en centre de vaccination ils sont rémunérés 105 euros par heure !
 

Succès de la régulation

Contacté par Medscape, le Dr François Braun, président de Samu Urgences de France, fervent promoteur du SAS, y compris dans sa région de Moselle, se montre, lui, plus enthousiaste quant aux projets en cours : « Le SAS a deux composantes qui sont très liées : la régulation médicale et l'effection. Aujourd'hui il y a beaucoup d'endroit, où il n'y avait pas de régulation de médecine générale, à côté de l'aide médicale urgente, le SAS répond à cette problématique, c'est un succès au niveau des sites pilotes. Il reste des choses à améliorer comme la possibilité de faire de la régulation médicale à distance. Par ailleurs, parallèlement à la mise en place de régulation de médecine générale, se sont aussi installées des régulations en psychiatrie dans certaines régions, c'est un autre succès à mettre sur le compte de ces sites pilotes, à Lille mais aussi à Rennes. Et il y a d'autres filières du SAS qui ont l'air de bien fonctionner comme la filière du centre antipoison à Bordeaux. »

Peu de médecins effecteurs

Pour autant, le Dr Braun ne nie pas que des problèmes sont rencontrés en matière de d'affection en médecine générale : « L'effection de médecine générale focalise toutes les inquiétudes car c'est elle qui aura un effet sur le désengorgement des urgences.  Mais il ne faut pas s'attendre à ce que l'on ait des résultats en six mois : nous n'avons plus de garde de médecine générale depuis 2003... Il est clair que nous ne connaissons pas aujourd'hui de département où l'effection de médecine générale fonctionne bien à 100%. » Autre sujet épineux, la forme juridique que prendront les SAS : « Le modèle juridique des SAS est aussi un sujet. La majorité des sites pilotes a adopté la forme conventionnelle à savoir la signature d'une convention entre la médecine de ville et l'hôpital. Mais dès lors que nous viserons une organisation supra départementale, la convention risque d'être limitée. Nous avions de notre côté réfléchi à un modèle de groupement de coopération sanitaire (GCS). Nous serions alors dans une structure indépendante où tout le monde serait représenté. »

 
L'effection de médecine générale focalise toutes les inquiétudes car c'est elle qui aura un effet sur le désengorgement des urgences.
 

Les conclusions sur la mise en place des sites pilotes sont attendues en début d'année prochaine.
 

 

Crédit photo de Une : Getty Images

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