Vitamine D: quand et pourquoi une supplémentation en population générale?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

11 octobre 2021

Paris, France – Quand faut-il apporter une supplémentation en vitamine D ? A qui en donner en priorité ? A quelle dose ? Au cours des Journées nationales de médecine générale (JNMG 2021), le Pr Jean-Claude Souberbielle, ancien responsable du laboratoire d’hormonologie de l’hôpital Necker-enfants malades (AP-HP, Paris) a donné ses recommandations, après avoir exposé quelques résultats récents qui suggèrent des bénéfices avec la supplémentation en vitamine D en population générale, en particulier lorsqu’elle est journalière [1].

« Les données publiées incitent à considérer que l’insuffisance, et a fortiori, la carence en vitamine D sont des facteurs de risque de nombreuses pathologies ou anomalies qui doivent être évités ou corrigés », a commenté le médecin spécialiste de la vitamine D, lors de sa présentation. D’autant plus que cette supplémentation s’avère « simple, peu couteuse et sans risque » lorsque les doses recommandées sont respectées, rappelle-t-il.

La moitié de la population en insuffisance

L’insuffisance en vitamine D (taux de 25(OH)D circulant < 20 ng/mL) est très répandue, surtout pendant la période de plus faible ensoleillement (entre novembre et avril). Selon plusieurs études épidémiologiques, elle toucherait près de la moitié de la population adulte française. La carence en vitamine D (25(OH)D<12 ng/mL) concernerait 15% des adultes.

L’intérêt de la supplémentation en vitamine D fait régulièrement débat. Alors que de nombreuses études observationnelles ont suggéré un lien entre un déficit et certaines pathologies, comme la fragilité osseuse, des méta-analyses plus récentes n’ont pas pu apporter la preuve de ses bienfaits. Certains scientifiques prônent un retour au naturel pour se fournir en vitamine D (alimentation et soleil), tandis que d’autres recommandent de faibles doses pour tous.

Le Pr Souberbielle fait partie de la deuxième catégorie. Selon lui, il convient de porter un regard nouveau sur ces méta-analyses. Argument majeur : les essais randomisés analysés sont très hétérogènes. Par exemple, le niveau de base en 25(OH)D des participants n’est pas toujours mesuré et les doses de vitamines D administrées peuvent être très variables, tout comme les modes d’administration (journalier, bolus espacés…).

Des analyses secondaires en sous-groupes et d’autres méta-analyses mieux construites ont pu montrer depuis un bénéfice de la supplémentation, plus particulièrement chez les individus présentant un déficit et lorsque la vitamine D est administrée en doses journalières, a indiqué le spécialiste.

Baisse du risque d’infection respiratoire

L’administration de vitamine D a ainsi été associée à une baisse de 12 à 15% du risque d’infection respiratoire. Celui-ci est réduit de 70% chez les patients carencés en vitamine D [2]. Des études ont d’ailleurs suggéré un bénéfice en prévention de la Covid19, ce qui a conduit plusieurs médecins à se prononcer en faveur d’une supplémentation de la population générale dans le contexte de la pandémie.

D’autres travaux ont rapporté, après une analyse de sous-groupe, une baisse significative de la pression artérielle chez des patients légèrement hypertendus avec déficit en vitamine D [3]. Une supplémentation est également associée à une baisse de la mortalité par cancer ou à une réduction du risque de diabète de type 2 chez les prédiabétiques carencés[4,5].

Malgré tout, le lien de cause à effet pour les différentes pathologies associées au manque de vitamine D n’est pas prouvé, a rappelé le Pr Souberbielle. En revanche, « on peut considérer que l’insuffisance en vitamine D est un facteur de risque modeste, qui a l’avantage d’être facilement modifiable », en comparaison avec les autres facteurs de risque (obésité, âge, sédentarité…).

 

50 000 UI/mois, au moins en hiver

Etant donné que le dosage de la 25(OH)D n’est pas recommandé, ni remboursé en population générale, la question se pose de prescrire de la vitamine D pour tous pour traiter les insuffisances. Selon de récentes études, il faudrait apporter entre 1 100 et 1 200 UI de vitamine D par jour pour que 97% de la population présente un taux de 25(OH)D compris entre  20 et 60 ng/mL.

En conséquence, en l’absence actuellement de formes pharmaceutiques adaptées à une prise journalière simple, « on peut proposer pour tous les adultes, 50 000 UI/mois de vitamine D3 entre novembre et avril », estime le médecin. L’ampoule à 50 000 UI est la forme la moins titrée en vitamine D3 disponible sur le marché français.

« On sait désormais qu’une supplémentation tous les trois mois ne permet pas de stabiliser le taux de 25(OH)D. Un espacement inférieur ou égal à un mois permet une stabilisation, à condition d’utiliser la vitamine D3 et non la vitamine D2 dont la demi-vie est plus courte. »

Pour les populations plus à risque d’hypovitaminose D, qu’il convient de cibler en priorité, la supplémentation à 50 000 UI/mois est à envisager toute l’année, selon le Pr Souberbielle. Les populations en question sont :

  • les personnes en surpoids ou obèses;

  • les sujets à peau foncée;

  • les personnes sédentaires ou avec peu d’activité en extérieur;

  • les personnes portant des vêtements couvrants;

  • les sujets âgés.

Une prescription de 4 gouttes à 300 UI par jour à partir de la forme pharmaceutique destinée aux enfants peut être envisagée chez le patient adulte capable de respecter une bonne observance, a précisé le médecin. « L’idéal serait de pouvoir administrer la dose journalière sous forme de capsule molle », mais pour le moment, les industriels se montrent réticents à diversifier les formes galéniques.

 
L’idéal serait de pouvoir administrer la dose journalière sous forme de capsule molle. Pr Jean-Claude Souberbielle
 

Pendant toute la croissance chez l’enfant

Chez l’enfant, la supplémentation en vitamine D est recommandée dès les premiers jours (2 à 3 gouttes à 300 UI/jour) et doit se poursuivre pendant toute la croissance « idéalement de manière quotidienne », selon les dernières recommandations de la Société française de pédiatrie (SFD), qui devraient être prochainement publiées. Après l’entrée en école maternelle, « on peut proposer 50 000 UI/mois », au minimum entre novembre et avril.

Chez la femme enceinte, la recommandation actuelle est de prescrire une ampoule de 100 000 UI de vitamine D3 au début du troisième trimestre de grossesse. La supplémentation en début de grossesse « est très fortement suggéré » avec idéalement 800 à 1200 UI/jour ou 50 000 UI/mois. « Certains experts suggèrent une supplémentation systématique avant la grossesse ».

 
Certains experts suggèrent une supplémentation systématique avant la grossesse. Pr Jean-Claude Souberbielle
 

Dans l’ensemble, le risque d’intoxication liée à un excès de vitamine D est quasiment nul tant que les doses recommandées sont respectées, a précisé le Pr Souberbielle. De même, les données les plus récentes se sont montrées rassurantes en ce qui concerne le risque de lithiases rénales. Un argument souvent avancé pour justifier les réticences à prescrire de la vitamine D sans dosage préalable.

Dans l’étude VIDA par exemple, plus de 5000 personnes avec une concentration initiale en 25(OH)D moyenne de 26 ng/mL ont été randomisées pour recevoir soit un placebo, soit des doses élevées de vitamine D3 (100 000 UI /mois) pendant plus de trois ans. Aucune augmentation du risque de lithiases rénales n’a été constatée dans le groupe sous supplémentation [6].

Le dosage préconisé dans six situations cliniques

La Haute autorité de santé (HAS) préconise le dosage de la vitamine D dans seulement six situations cliniques:

  1. suspicion de rachitisme ;

  2. suspicion d’ostéomalacie (minéralisation insuffisante de l’os) ;

  3. suivi ambulatoire de l’adulte transplanté rénal au-delà de trois mois après transplantation ;

  4. avant et après une chirurgie de l’obésité ;

  5. évaluation et prise en charge des personnes âgées sujettes aux chutes répétées ;

  6. dans le respect des résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments préconisant la réalisation du dosage de vitamine D.

Chez les patients en situation de fragilité osseuse, les insuffisants rénaux chroniques (à partir du stade 3b), ceux souffrant de malabsorption (après chirurgie bariatrique, maladie cœliaque, MICI, mucoviscidose…) et chez les sujets âgés à fort risque de chute, « il faut cibler une concentration en 25(OH)D de 30 à 60 ng/mL », a rappelé le Pr Souberbielle. Le dosage est à effectuer au moment du diagnostic, puis 3 à 6 mois après la supplémentation pour ajuster la posologie.

 

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