Faut-il réellement s'inquiéter de la fermeture de lits en 2020 ?

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

7 octobre 2021

Paris, France — En pleine pandémie, alors que les soignants et les syndicats hospitaliers réclament depuis de nombreuses années une augmentation du "capacitaire", la dernière publication de la Drees, Études et résultats, a provoqué un raz-de-marée de réactions indignées. En effet, il y est écrit qu'entre la fin de l'année 2019 et la fin de l'année 2020, le nombre de lits en hospitalisation complète a été réduit de 5700. De là à conclure que le gouvernement cherche à étouffer l'hospitalisation publique, il n'y a qu'un pas que de nombreux acteurs de l'hospitalisation ont allègrement franchi.

Réactions indignées

Le syndicat Sud santé sociaux, dans un communiqué, dénonce « ces décisions du gouvernement » et s’interroge « sur une manipulation de la situation pour supprimer des lits et donc des postes », s'inscrivant « dans une logique de restriction générale des politiques publiques ».

La sénatrice communiste Laurence Cohen, dans un tweet, pointe du doigt le gouvernement « qui poursuit sa politique de fermeture de lits et d'établissements de santé. Pour répondre aux besoins de la population, cette politique doit cesser. Stop à la casse de notre système de soins ! ».

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et représentant CGT, va dans le même sens que la sénatrice Laurence Cohen : « 5 700 lits fermés en 2020. Ces lits nous manquent aujourd’hui et nous manquerons encore plus cruellement cet hiver ».

Quelles sont les causes ?

Qu'en est-il vraiment ? L’article de la revue Études et résultats est plus nuancé dans son interprétation de la fermeture de lits. Tout d'abord, le nombre de lits fermés, 5700, ne concerne guère que les lits en hospitalisation complète, et en aucun cas la totalité des lits d'hospitalisation. Car dans le même temps, la Drees constate que le nombre de lits en hospitalisation à domicile augmente de 10,8%, et le nombre de lits en soins critiques marque une hausse de 3,6%. « En particulier, la capacité d’accueil en réanimation a progressé de 14,5 % », note la Drees. Puis l'on peut s'interroger sur les raisons de cette fermeture de lits en hospitalisation complète de l'ordre de 1,5%. Paradoxalement, la baisse plus importante du nombre de lits en hospitalisation complète en 2020 par rapport aux années précédentes semble être due... à la pandémie de Covid-19. Car des hôpitaux ont été obligés de fermer des lits dans certains services pour affecter du personnel dans les soins critiques.

Autre explication : la prise en charge en soins critiques a également entrainé la déprogrammation de nombreuses hospitalisations : « certains établissements ont été contraints, temporairement, de ne plus accepter de patients dans plusieurs de leurs services d’hospitalisation pour dégager des moyens en personnel à affecter aux services de soins critiques. La crise sanitaire a en outre entraîné la déprogrammation de nombreuses hospitalisations. »

Dernière explication : « pour limiter la contagion, de nombreuses chambres doubles ont été transformées en chambres simples, réduisant là aussi le nombre de lits d’hospitalisation complète disponibles en fin d’année. » Là où des hospitaliers dénoncent une fermeture drastique de lits, les auteurs de cette étude semblent plutôt décrire un système de vases communicants, entre les lits d'hospitalisation complète, et ceux de soins critiques, voire d'hospitalisation partielle, ou d'hospitalisation à domicile.

Forte croissance de l’HAD

Pour ce qui est de l'hospitalisation à domicile, sa forte croissance de plus de 10% en 2020 semble causer, là encore, par la crise sanitaire. Pour désengorger les établissements, les directions hospitalières ont eu beaucoup plus recours à l'HAD, « notamment pour des patients non concernés par la Covid-19, afin de prendre en charge des patients chroniques stabilisés (en alternative à une hospitalisation complète), permettre des sorties précoces d’hospitalisation ou le retour à domicile immédiat de certains patients des urgences devant faire l’objet d’une surveillance, ou encore pour délivrer des traitements spécialisés habituellement dispensés en hôpital de jour ».

Augmentation trois fois plus importante en soins critiques

En soins critiques, du fait de la crise sanitaire, l'augmentation du nombre de lits a été trois fois plus importante que les années précédentes : « Au 31 décembre 2020, les établissements de santé disposent de 20 300 lits de soins critiques, soit 700 de plus que fin 2019 (+3,6 %), une progression trois fois plus rapide que la tendance des années précédentes (+1,1 % en moyenne de 2013 à 2019), portée par la hausse des lits de réanimation. » Parmi les lits de soins critiques, le nombre de lits de réanimation a connu la plus forte progression, de l'ordre de 14,5%. Le nombre de lits de soins intensifs n'a progressé en revanche que de 0,5% en 2020, et le nombre de lits de surveillance continue a pour sa part baisser de 1,4%, soit 114 lits. Là encore, on peut expliquer cette baisse par un phénomène de vases communicants : « la hausse de la capacité d’accueil en réanimation ou en soins intensifs s’est en effet opérée par une reconversion de lits de surveillance continue. »

Tendance de fond

Si la crise sanitaire explique en partie la baisse du nombre de lits en hospitalisation complète, et la hausse de l'HAD et des soins critiques, il n'en demeure pas moins vrai que des tendances de fond sont à l'œuvre, qui défavorisent l'hospitalisation complète. En effet, le repli de l'hospitalisation complète s'est amorcé il y a plusieurs années, sous l'effet du développement de l'ambulatoire, mais aussi des tensions sur le recrutement de personnels de soins. « Depuis 2013, ce sont en effet 27 000 lits d’hospitalisation complète qui ont ainsi été fermés, soit une baisse de 6,5 % en sept ans. »

Parallèlement, sur la même période, l'hospitalisation partielle s'est développée, encouragée par des innovations médicales, techniques, organisationnelles, notamment en chirurgie et anesthésie-réanimation : « le nombre de places en hospitalisation partielle progresse régulièrement : depuis 2013, 8 200 places ont été créées, soit une hausse de 11,4 % en sept ans. » En 2020, hors contexte de crise sanitaire, ce mouvement de fond s'est poursuivi en hospitalisation partielle : « En 2020, ce mouvement se poursuit et le nombre de places augmente de 1,7 %, un rythme comparable à celui des années précédentes. » Le nombre de places en hospitalisation partielle Médecine, Chirurgie, Obstétrique (MCO) augmente en 2020 de 2,4% et le nombre de place hospitalisation partielle en soins de suite et de réadaptation (SSR) est en hausse de 4,7% en 2020.

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