Sinistralité : les médecins moins mis en cause en 2020 mais soumis à de nouveaux risques

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

6 octobre 2021

France – A quelque chose malheur est bon. Si l’épidémie de coronavirus a déstabilisé le système de soins, elle a aussi entraîné une baisse de la mise en cause de la responsabilité des médecins, selon le rapport annuel de la MACSF-Le Sou Médical rendu public le 28 septembre. Sur les quelque 157 000 médecins sociétaires de l’assureur, seuls 1 801 ont déclaré un sinistre l’an dernier.

Moins de déclarations de sinistres

Conséquence directe de la baisse de fréquentation des cabinets pendant le premier confinement, le taux de sinistralité des médecins est donc en forte baisse, s’établissant à 1,15 % en 2020 contre 1,53 % l’année précédente. La neurochirurgie demeure la spécialité la plus exposée au risque (avec un taux de sinistralité de 66,4 % l’an dernier. Les chirurgiens orthopédiques et traumatologiques ne sont pas en reste (44,7 %, 294 déclarations). Avec 311 déclarations, les médecins généralistes sont impliqués dans le plus grand nombre de sinistres en valeur absolue mais leur sinistralité demeure mesurée (0,77 %).

Top 10 de la sinistralité par spécialité médicale (source MACSF)

Quarante dossiers liés à la crise sanitaire

L’épidémie de Covid-19 a entraîné de moindres mises en cause de médecins. Elle est cependant spécifiquement à l’origine d’une quarantaine de dossiers auprès de la MACSF, parmi lesquels figurent en premier lieu les pertes de chance liées à la déprogrammation d’actes, d’interventions et à la fermeture de cabinets. Les sinistres concernés portaient sur l’annulation ou le report de coloscopies, colposcopies et le risque de perte de chance suite à la découverte tardive d’un cancer. La MACSF fait état du cas d’une patiente atteinte d’une cataracte et d’un glaucome ayant perdu la vue après le report en septembre d’une intervention programmée en avril.

La contamination de malades par le Covid-19 en établissement de soins, au cabinet libéral, en Ehpad est également à l’origine de déclarations. Très peu de sociétaires ont en revanche été mis en cause pour la vaccination contre le Covid-19, la MACSF n’ayant enregistré qu’une dizaine de dossiers.

 
Très peu de sociétaires ont en revanche été mis en cause pour la vaccination contre le Covid-19, la MACSF n’ayant enregistré qu’une dizaine de dossiers.
 

Quelques cas liés à la téléconsultation

Si les médecins ont largement recouru à la téléconsultation pendant la crise, avec 19 millions d’actes réalisés en 2020, ils sont en revanche peu à avoir été impliqués dans un sinistre en lien avec ce mode de consultation. « Nous avons enregistré peu de déclarations en lien avec la crise sanitaire ou consécutives à l’usage croissant de nouvelles pratiques telles que la téléconsultation, déclare Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF. Cependant, il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions sur les effets du Covid-19 en matière de responsabilité médicale. Nous restons vigilants et surveillons attentivement les risques qui pourraient émerger du fait de l’effet retard dans les réclamations liées par exemple à la perte de vue de patients, à des retards de diagnostic, à la découverte de pathologies ou encore à l’aggravation de pathologies chroniques. »

 
Nous avons enregistré peu de déclarations en lien avec la crise sanitaire ou consécutives à l’usage croissant de nouvelles pratiques telles que la téléconsultation  Nicolas Gombault
 

L’assureur a toutefois présenté deux dossiers emblématiques de sinistres ayant entraînés le décès de patients. Dans le premier cas, un patient obèse de 40 ans est mort des suites d’un coma diabétique sept jours après une téléconsultation pour une mycose buccale. Le médecin a été l’objet d’une plainte pénale pour homicide involontaire. Le second cas concerne un patient testé positif au Covid-19 et qui après deux téléconsultations pour des céphalées, de la fièvre et des vomissements, est décédé quelques jours plus tard d’une péritonite. « Il faut savoir très vite interrompre une téléconsultation lorsqu’un examen clinique s’avère nécessaire et être d’autant plus prudent que l’on ne connaît pas le malade », recommande la MACSF.

Moins de décisions de justice mais une sévérité inégalée des juges

Pour les 1 801 médecins mis en cause, les recours aux réclamations à l’amiable (40 %) et aux commissions de conciliation (31%) sont restés prépondérants en 2020. Seuls 20 % des dossiers ont fait l’objet d’une plainte civile, 6 % d’une poursuite ordinale et 3 % d’une plainte pénale. Mais si l’activité des tribunaux a été en baisse (334 décisions civiles rendues en 2020 contre 438 en 2019), la sévérité des juridictions civiles a atteint en 2020 un niveau inégalé puisque dans 72 % des cas, la décision de la justice a été défavorable aux praticiens. « Les professionnels de santé ne commettent pas plus de fautes et nous ne défendons pas moins bien nos sociétaires qu’auparavant, analyse Nicolas Gombault. La sévérité croissante des juridictions civiles s’explique par l’évolution de la jurisprudence, elle-même reflet des exigences sociétales qui font peser sur les professionnels de santé des obligations de plus en plus lourdes. »

5 dossiers à plus d’un million d’euros

Conséquence directe du moindre recours à la justice pendant la crise Covid, les juridictions civiles ont alloué 29,5 millions d’euros d’indemnisation en 2020, en baisse de 30 % par rapport à 2019.  Chez les médecins, les montants des condamnations les plus élevés concernent la médecine générale, la chirurgie et la gynécologie obstétrique qui représentent à elles seules 64 % du montant total des indemnités allouées aux victimes en 2020. Cinq décisions portent sur des indemnisations supérieures à un million d’euros.

Coût de l’indemnité moyenne par praticien condamné par les juridictions civiles, pour les 10 premières spécialités (source MACSF)

 

L’indemnisation la plus élevée versée en 2020 a impliqué un ophtalmologiste et atteignait un montant de 2,77 millions d’euros. Ce dossier concernait une patiente victime d’une infection nosocomiale et atteinte de lourdes séquelles neurologiques à la suite d’une intervention pour la pose d’une prothèse oculaire.

 

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