Paris, France –Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie , qui se sont tenues les 27 et 28 septembre 2021 à Paris, ont consacré une table ronde aux nouvelles pratiques de soins en psychiatrie comme la télémédecine et le suivi à domicile[1].
Développer des soins hors de l’hôpital
L’avenir de la psychiatrie se trouve-t-il à l’extérieur des hôpitaux ? Les assises de la santé mentale semblent faire la part belle à cette stratégie. Dès l’introduction de la table ronde « nouvelles souffrances, nouvelles réponses », la directrice générale de l’offre de soins Katia Julienne donne le ton : « La psychiatrie est une discipline constamment en mouvement que nous devons renforcer en modifiant les conditions de prise en charge. » De fait, les thèmes abordés par les intervenants traitent tous de l’aide apportée hors de l’hôpital public.
Plutôt qu’une hospitalisation qui peut provoquer un vécu « traumatique et stigmatisant si elle se prolonge », le Dr François Olivier, psychiatre au Centre Hospitalier de Montauban, souhaite « poursuivre le développement du soin intensif à domicile ». Cette hospitalisation à domicile (HAD) a, pour le président de FERREPSY Occitanie, l’avantage de maintenir le patient dans son environnement de vie. Objectif : faciliter le rétablissement et la réhabilitation au sein de la société. Par exemple, « faire un sevrage à l’hôpital dans une bulle, loin de la vraie vie, n’est pas la même chose que de le faire à domicile, exposé au craving [désir d’un produit addictif ndlr] », appuie le psychiatre, qui soumet ce processus à la condition d’un suivi constant.
Intégrer l’ensemble des acteurs aux parcours de soins
Ce procédé s’adresserait à ceux qui ne peuvent accéder à des soins au sein de l’hôpital : « les cellules monoparentales, avec des enfants, qui ne peuvent pas être hospitalisées, ou des personnes âgées qui refusent l’hospitalisation psychiatrique car trop stigmatisante. » Pour y parvenir, il sera nécessaire « d’imaginer des textes plus souples que la lourde ossature administrative d’aujourd’hui », et d’intégrer l’ensemble des acteurs aux parcours de soins : infirmiers libéraux et médecins généralistes, pour « ramener le patient dans le tissu social ».
Tenir compte de l’effet Covid
« Nous devons réinterroger nos modèles, co-construire de nouveaux domaines soignants réactifs et mobiles, qui prennent en compte tous les outils à notre disposition. Les unités spécialisées, les nouvelles plateformes ambulatoires graduées, plus intensives et plus individualisées [comme les DSP]*, sont des témoignages de ce qui est possible aujourd’hui. II s’agit de s’engager tous ensemble dans des nouveaux modèles plus agiles et personnalisés », indique le Dr Laurent Morasz, psychiatre libéral à Lyon qui s’est notamment alarmé d’une explosion des souffrances profondes liées à la durée de la crise Covid, avec leur cortège de troubles.
Au diapason de ces pratiques extra-muros, le Covid a également donné un coup d’accélération à la téléconsultation. « Ça ne remplacera pas les psychiatres, mais c’est une méthode de travail qu’on va conserver, et qui nous a rendu bien des services pour toucher les patients chez eux », assure le Dr Martine Pons-Foriel, psychiatre au centre hospitalier de Montperrin.
« Les nouvelles plateformes ambulatoires graduées, plus intensives et plus individualisées, sont des témoignages de ce qui est possible aujourd’hui. » Dr Laurent Morasz
* Les unités spécialisées et les nouvelles plateformes ambulatoires graduées permettent le développement des liens entre le médecin traitant, le psychiatre, les psychologues et les acteurs sociaux pour identifier et soigner en commun les troubles d’un patient. Les dispositifs de soins partagés (DSP), notamment, servent d’interface entre les médecins généralistes et les psychiatres ou psychologues, afin d’affiner l’offre de soin. Voir aussi le Guide de bonnes pratiques de l’HAS : Coordination entre le médecin généraliste et les différents acteurs de soins dans la prise en charge des patients adultes souffrant de troubles mentaux – états des lieux, repères et outils pour une amélioration .
Jeunes aidants : les invisibles du soin de proximité
Si les soins doivent se développer à l’extérieur de l’hôpital, il ne faut toutefois pas que la prise en charge en incombe aux plus jeunes, avec le fardeau psychologique que cela suppose. En 2017, la chercheuse au laboratoire psychopathologie et processus de santé, Aurélie Untas a ainsi découvert avec son équipe « des enfants et adolescents qui vont apporter une aide significative et régulière au sein de leur foyer auprès d’un parent, d’un frère, d’une sœur, voire d’un parent et d’un grand-parent qui souffre d’une maladie ou d’un handicap ». Ces jeunes aidants veillent sur leur proche, l’accompagnent aux consultations, l’aident à prendre ses médicaments, parfois à sa toilette. Des soins qui se cumulent avec les tâches quotidiennes au sein du foyer, telles les courses et le ménage.
« Plus cette aide est importante, plus elle va avoir un impact sur la santé mentale et physique de ces jeunes », décrit l’enseignante à l’université Paris Descartes. Car cet investissement peut prendre de 25 à 50 heures d’efforts par semaine. Autant de temps en moins pour leurs activités, vie personnelle et loisirs. « On sait que ces jeunes vont avoir une moins bonne santé mentale, et beaucoup d’inquiétudes pour leurs proches, encore augmentées par la crise sanitaire, souligne la chercheuse. Or, un jeune qui va se lever plusieurs fois dans la nuit pour veiller sur un proche aura des difficultés le lendemain à l’école, et pourrait être étiqueté mauvais élève. »
Pour faire reconnaître ces jeunes aidants, les accompagner et leur offrir un temps de répit, l’équipe de l’Université Paris Descartes mène un travail pour les identifier. Objectif : leur proposer des prises en charges adaptées et identifier leurs facteurs de vulnérabilités. La tâche est immense. Une première étude menée sur 4 000 lycéens révèle qu’ils seraient trois à quatre jeunes aidants par classe. « Une proportion importante qui mérite notre attention », insiste le Pr Untas.
Crédit photo de Une : BSIP
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Citer cet article: Assises de la santé mentale : l’avenir du soin psychiatrique est-il à l’extérieur de l’hôpital ? - Medscape - 5 oct 2021.
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