La sécurité CV du leuprolide vs dégarélix à l’étude dans le cancer de la prostate

Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

5 octobre 2021

Virtuel – L’étude PRONOUNCE a comparé la sécurité CV du leuprolide vs dégarélix dans le cancer de la prostate mais son résultat ne permet pas de se prononcer sur une différence entre antagoniste et agoniste de la GnRH. Elle constitue néanmoins un modèle du type de travail de recherche à mener en cardio-oncologie. Présentée au Congrès de l’European Society of Cardiology, elle est publiée en ligne dans Circulation[1,2].

Dégarélix vs leuprolide

Chez les patients ayant un cancer de la prostate avancé la suppression médicamenteuse des androgènes est un traitement essentiel cependant il est responsable d’effets métaboliques délétères amplifiant les facteurs de risque cardiovasculaire (CV). Les affections cardiovasculaires sont d’ailleurs la première cause de décès chez ces patients. « Un des traitements les plus fréquemment utilisés est la suppression médicamenteuse de la testostérone mais il est associé à la survenue d’affections cardiaques et accidents vasculaires cérébraux, particulièrement chez ceux qui ont une affection cardiovasculaire préexistante » a expliqué le Dr Renato D. Lopes, premier auteur de l’étude PRONOUNCE [1].

L’agoniste de la GnRH (leuprolide) est le plus communément utilisé pour bloquer la sécrétion d’androgènes mais il est associé à un fort taux de complications cardiovasculaires. De récentes analyses suggèrent que l’antagoniste de la GnRH (dégarélix) aurait un profil cardiovasculaire plus favorable.

Pas possible de trancher mais un intérêt en cardio-oncologie

PRONOUNCE est une étude internationale, randomisée, ouverte, prospective, la première du genre, comparant les conséquences cardiovasculaires d’un antagoniste de la GnRH (dégarélix, Firmagon®, Ferring) avec un agoniste (leuprolide, Eligard® Sanofi) chez les patients ayant un cancer de la prostate évolué et une maladie cardiovasculaire athérosclérotique (MACS). L’étude a été menée pendant 12 mois.

Au final, PRONOUNCE n’a pas permis de montrer une différence entre les deux traitements sur la survenue d’accidents cardiovasculaires majeurs : 5,5% chez les patients recevant le dégarélix et 4,1% dans le groupe leuprolide. L’essai a été interrompu prématurément en raison de la difficulté du recrutement – sur les 900 patients jugés nécessaires au projet pour obtenir la puissance statistique nécessaire mais seuls 545 ont été recrutés – et d’un taux d’événements cardiovasculaires plus faible que prévu.

La sécurité cardiovasculaire relative des antagonistes et des agonistes de la GnRH reste donc non résolue.

Pour autant, le chairman Franz Weidinger (Rudolfstiftung Hospital, Vienne. Autriche) et les intervenants se sont accordés sur le fait que l’intérêt de cette étude est ailleurs et réside dans la perspective de l’amélioration de la survie des patients atteints d’un cancer et d’une maladie cardiovasculaire. Dans ce cadre, des études cliniques rigoureuses dans le domaine de la cardio-oncologie sont primordiales.

 
Des études cliniques rigoureuses dans le domaine de la cardio-oncologie sont primordiales.
 

Chez ces patients à très haut risque CV traités par leuprolide, les auteurs ont noté un taux de 4,1% d’accidents CV à 12 mois, alors que les données observationnelles rapportent plutôt un taux de 10%. « C’est un point très important indiquant que l’action conjointe des différentes spécialités est cruciale pour le patient fait remarquer, le Dr R Lopes (Département de médecine, service de cardiologie, Duke University Medical Center, Durham North Carolina).

« PRONOUNCE est le premier essai clinique qui, de façon prospective, compare la sécurité cardiovasculaire d’un inhibiteur de la gonadotrophine vs un agoniste de la sécrétion de l’hormone chez les patients ayant un cancer de la prostate » précise-t-il.

Méthodologie détaillée

Entre mai 2016 et mars 2020, 545 patients ont été recrutés parmi 113 sites et 12 pays. Ils étaient atteints d’un cancer prostatique localisé (49,8%) avancé localement (26,3%) ou métastasé (20,4%) relevant d’un traitement anti-androgène. Tous avaient des antécédents de maladie cardiovasculaire ou étaient à haut risque (infarctus 44%, HTA 84%, diabétiques 35%). Un grand nombre d’entre eux suivaient un traitement en accord avec les recommandations (bêtabloqueurs 70%, statines 85%, IEC ou ARAII 73%).

L’âge moyen des patients était 73 ans, après randomisation 1 : 1, ils ont reçu soit une dose initiale de 240 mg sous cutanée de dégarélix suivi d’une dose d’entretien de 80 mg par mois, soit 22,5 mg de leuprolide en intra-musculaire à un rythme trimestriel. Les caractéristiques initiales étaient similaires chez tous les patients.

Le critère principal était la survenue à 12 mois d’un événement majeur cardiovasculaire (MACE un composite : décès, infarctus du myocarde, accident cérébro-vasculaire). Une sous-analyse du critère primaire a été effectuée (récurrence des événements dans les 12 mois, date survenue d’un des points du critère principal, événements en rapport avec MACE).

Le critère principal a été constaté chez 15 patients sur 275 (5,5%) dans le bras dégarélix et 11 sur 269 patients (4,1%) dans le groupe leuprolide (HR : 1,8 ; [IC95% : 0,59-2,79, P=0,53]). L’analyse de sensibilité des critères primaires n’atteint pas non plus de niveau de significativité.

« Nous savons que les patients traités par la suppression d’androgène ont un risque cardiovasculaire non seulement immédiat aussi prolongé au-delà de 10 ans qui concerne majoritairement ceux qui ont des facteurs de risques CV ou des antécédents de maladie cardiovasculaire. Nous devons toujours avoir cela en tête » a commenté le Dr Thomas Suter, cardiologue (Université Berne Suisse) lors de la présentation. Félicitant les auteurs pour leur étude, il a ajouté : « c’est ce genre d’études, parfaitement réalisées, dont nous avons besoin en cardio-oncologie, même si malheureusement, elle ne permet pas de conclure [concernant la sécurité du dégarélix par rapport au leuprolide] ».

Un modèle de collaboration entre cardiologues et oncologues

Les implications cliniques découlant de l’étude PRONOUNCE sont au nombre de trois : primo, une indispensable identification des patients à risque, deusio, la surveillance personnalisée lors du traitement, tertio, une collaboration optimale des soignants. « J’invite chacun à rejoindre notre Council of Cardio-Oncology crée il y a trois ans » conclut le Dr Suter.

 
Les implications cliniques découlant de l’étude PRONOUNCE sont au nombre de trois : primo, une indispensable identification des patients à risque, deusio, la surveillance personnalisée lors du traitement, tertio, une collaboration optimale des soignants.
 

« Devrions-nous mesurer le taux de troponine chez ces patients pour mieux connaitre le retentissement cardiaque sous-jacent ? » a interrogé le Dr Franz Weidinger (service de cardiologie et de soins intensifs, KA Rudolfstiftung, Vienne, Austriche). Ce à quoi le Dr Lopez a répondu que la collecte de marqueurs cardiaques et de l’inflammation avait été effectuée au début de l’étude, à 2 mois et au cours du suivi. « Nous avons prévu de les analyser dessus, et peut-être de proposer des scores, la suite est à venir » a-t-il annoncé.

Invité à la présentation de l’étude, le Pr Rudolph de Boer, cardiologue (Translational Cardiology à l’University Medical Center de Groningen, Pays-Bas) a fait remarquer qu’« il est important que nous rencontrions les oncologues et que nous les persuadions qu’il n’y a pas véritablement de barrière entre les deux spécialités. Nous devons les convaincre que nous pouvons former une équipe autour des soins contre le cancer pris sur le long terme. Il faut une organiser une base de travail pour cela. C’est une tâche majeure. Il y a un nombre important de patients ayant un cancer et de nombreux traitements. C’est un magnifique travail précurseur qui nous a été présenté ».

Le Dr Lopes a conclu que, régulièrement suivis par des cardiologues dans le cadre de PRONOUNCE, les patients cancéreux recevaient des traitements de prévention secondaire à un taux adéquats – tels que préconisés par les recommandations. « Et c’est là une des clefs primordiales de cette étude » a-t-il affirmé.

Cette étude a été sponsorisée par Ferring Pharmaceuticals. L’Academic Research Organisation and Clinical Events Classification Comittee (Duke Clinical Research Institue) en a assuré le pilotage.
Le Dr Renato D Lopes reçoit des fonds de recherche de Bayer, Bristol-Myers-Squibb, Ferring, GlaxoSmithKline, Medtronic, Pfizer, et des honoraires de consultant et d’éducation de Sanofi, Boehringer Ingelheim, Daiichi  Sankyo, Merck et Portola.

 

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