Paracétamol pendant la grossesse : 13 experts appellent à la prudence

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

29 septembre 2021

Etats-Unis ― Largement utilisé pour faire baisser la fièvre et soulager les douleurs légères à modérées, le paracétamol a néanmoins un mécanisme d’action qui reste mal connu. En se fondant sur des études épidémiologiques et des travaux expérimentaux chez l’animal et in vitro – publiés entre 1995 et 2020 –, un nouveau consensus de 13 experts internationaux mené par Ann Z. Bauer (Lowell, Etats-Unis) – et auquel participe le Pr Bernard Jégou (Rennes) pour la France – suggère que l’utilisation de paracétamol pendant la grossesse pourrait altérer le développement fœtal et augmenter le risque de troubles du neuro-développement ainsi que du système reproductif et urogénital.

Dans Nature reviews endocrinology[1], ces auteurs donnent des conseils pour diminuer le risque d’exposition au paracétamol pendant la grossesse et appellent à informer sur ce risque, tout en développant une recherche dédiée à ce sujet.

Très largement utilisé par les femmes enceintes

Le paracétamol est l’ingrédient actif de plus de 600 médicaments à visée antalgique et/ou antipyrétique et très largement utilisé par les femmes enceintes (65% d’entre elles aux Etats-Unis, et plus de 50% dans le monde, selon des estimations). Et ce, avec l’approbation des agences sanitaires, que ce soient la FDA ou l’EMA. Cette dernière stipule, par exemple, que le paracétamol peut être utilisé pendant la grossesse, à la plus petite dose efficace, pendant la durée la plus courte possible et le moins fréquemment possible. Mais alors que la FDA et l’EMA considèrent qu’il n’y a pas de lien entre la prise de paracétamol et d’éventuels troubles chez la descendance, ou plutôt que les études ne permettent pas d’établir clairement l’existence d’un tel lien, les auteurs de ce consensus appellent à revoir les tous derniers travaux et à reconsidérer ces recommandations.

La plus petite dose efficace pendant le temps le plus court possible

Pour les auteurs, la gestion de la douleur chez la femme enceinte est sous-étudiée, bien que des douleurs sévères et persistantes puissent avoir des conséquences néfastes chez celle-ci. De plus, disent-ils, l’exposition in utero à une forte fièvre peut entrainer des défauts du tube neural et des problèmes cardiovasculaires dans la vie des enfants ultérieurement. Les opioïdes et les AINS ont quant à eux des risques connus pour le fœtus. Il faut donc tenir compte de la balance entre l’effet néfaste d’un non-traitement de la douleur et de la fièvre et un risque augmenté pour le fœtus lié aux médicaments. C’est pourquoi, les recommandations de Ann Z. Bauer et ses collègues sont que le paracétamol ne soit pris que si indiqué médicalement, et que les patientes demandent conseil à leur médecin ou à leur pharmacien en cas de doute sur l’utilité de la prise d’un tel médicament, et de prendre en tout état de cause, la plus petite dose efficace pendant le temps le plus court possible. De même, tous les médicaments contenant du paracétamol devraient, selon eux, être accompagnés de recommandations concernant leur utilisation pendant la grossesse, avec un logo sur l’emballage. Idéalement, ces médicaments ne devraient être vendus que dans les pharmacies (comme en France, en Espagne, en Suède, Finlande et Islande).

Des recommandations finalement pas très différentes de ce qui se fait dans certains pays, mais qui de l’avis des experts, méritent d’être rappelées, notamment à la vue de l’utilisation de plus en plus fréquente de paracétamol chez les femmes enceintes avec l’impression – en augmentation chez elles, selon les experts – d’un risque négligeable.

Risque de malformations et autres troubles

Les études épidémiologiques résumées par Ann Z. Bauer et ses collègues suggèrent qu’une exposition prénatale au paracétamol pourrait augmenter le risque de cryptorchidie (la plupart des associations pour la cryptorchidie sont observées après une exposition > 2 semaines à la fin du premier et au début du deuxième trimestre) et/ou réduire la distance anogénitale chez les garçons (indicateur de la masculinisation des appareils génitaux, qui survient entre 8 et 14 SG) et entrainer des troubles du neurodéveloppement chez les filles et les garçons, et notamment des troubles de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) (exposition prolongée plutôt au 2e et 3e trimestres de grossesse). Ces études ont des limites, avec de potentiels facteurs confondants, reconnaissent les auteurs. Elles sont néanmoins confortées par des études chez l’animal et in vitro. Au vu des différences de taille et de physiologie entre ces différents modèles, les auteurs font des recommandations pour conduire des études plus solides chez les humains.

« Il est à noter que les études épidémiologiques et expérimentales semblent indiquer une relation dose/réponse avec des effets taille maximaux avec une utilisation du paracétamol à long terme (supérieure à deux semaines chez les humains). Il semblerait par ailleurs que le moment de l’utilisation du paracétamol – pendant certaines fenêtres de la grossesse – soit crucial », indiquent-ils.

Il est également précisé que les problèmes débattus dans le document concernent toutes les personnes souhaitant être enceintes, y compris les individus transgenres, non-binaires et intersexes et que les futures recherches doivent se montrer plus inclusives.

Être en capacité de décider par soi-même

Plus aller plus loin dans la réflexion, les auteurs préconisent que les personnes enceintes soient informées par leurs médecins de façon à ce qu’elles se sentent en capacité de faire leur propre choix pour prendre le moins de risque en toute connaissance de cause. Et bien que ce consensus d’experts appelle à la prudence, il leur faut reconnaitre que le paracétamol est, à ce jour, le médicament disponible le plus sûr pour soulager fièvre et douleur chez les femmes enceintes.

 

 

 

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