Nimègue, Pays-Bas – Une équipe néerlandaise s’est penchée sur sept stratégies dites de compensation pouvant être utilisées par les patients atteints de la maladie de Parkinson afin de les aider à surmonter leurs difficultés à marcher. Leur enquête montre que ces stratégies sont utiles, qu’importe le degré de sévérité de la maladie, mais elles ne sont pas assez évoquées par les professionnels de santé [1].
« Les personnes atteintes de la maladie de Parkinson devraient être mieux informées de la diversité des méthodes disponibles », ont souligné les auteurs de l’étude. L’efficacité des stratégies étant variables d’un individu à l’autre et selon le contexte, une approche personnalisée est à mettre en place, en proposant notamment d’alterner diverses tactiques de compensation plutôt que d’en utiliser une seule, estiment-ils.
Les troubles de la marche sont fréquents dans la maladie de Parkinson et comptent parmi les symptômes les plus invalidants. Ils sont souvent à l’origine de chutes et contribuent à la perte d’autonomie. Les difficultés à marcher peuvent être permanentes (marche lente, de faible amplitude…) ou ponctuelles (blocage soudain de la marche ou freezing, déséquilibres…).
Compter ses pas, franchir un obstacle imaginaire…
Généralement, les patients adoptent spontanément des stratégies pour compenser ces difficultés afin de maintenir leur autonomie. Ils peuvent ainsi choisir de calquer le rythme de leur pas sur celui d’une autre personne, marcher en comptant dans leur tête, adopter une démarche spécifique, en levant par exemple très haut les genoux, comme pour franchir un obstacle imaginaire, marcher à reculons ou en croisant les jambes.
De récents travaux ont permis de définir sept stratégies de compensation de la marche [2]:
Utiliser des repères externes, essentiellement visuels et auditifs, en marchant par exemple au rythme d’un morceau de musique ou d’un métronome;
Utiliser des repères internes, en focalisant son attention sur le déplacement, en comptant ses pas dans sa tête par exemple;
Changer ses points d’équilibre, en faisant des virages plus larges ou en prenant appui sur des outils d’aide à la marche (canne, déambulateur…);
Modifier son état mental, afin de renforcer sa vigilance par la pratique d’exercices de respiration ou de toute activité permettant de réduire l’anxiété et la peur de tomber;
Observer une action pour adapter son activité motrice, en imitant notamment la démarche d’une autre personne;
Adopter une nouvelle manière de marcher (marcher à reculons, sautiller, lever davantage les genoux…);
Utiliser ses jambes d’une autre manière pour se déplacer (faire du vélo…).
Selon des observations cliniques, ces stratégies de compensation peuvent s’avérer très efficaces chez certains patients, mais complètement inadaptées, voire néfastes pour d’autres. Une stratégie peut aussi avoir un impact différent selon le contexte, pendant un déplacement à l’intérieur ou à l’extérieur du domicile notamment.
Plus de 4 000 personnes interrogées
Afin de mieux cerner l’intérêt de ces stratégies et de pouvoir les proposer de manière adéquate aux patients, en fonction de leurs besoins, le Dr Anouk Tosserams (Université de Radboud, Nimègue, Pays-Bas) et son équipe ont mené une enquête en ligne auprès de 4 324 personnes atteintes de la maladie de Parkinson et confrontées à des troubles de la marche.
Les personnes interrogées (64% d’hommes) étaient âgées en moyenne de 65 ans. Le diagnostic de maladie de Parkinson était posé depuis six ans en moyenne. Selon les résultats de l’enquête, un tiers des répondants estiment que leurs difficultés à marcher ont un impact négatif sur leurs activités quotidiennes. La moitié d’entre eux ont été victimes d’au moins une chute au cours des 12 derniers mois.
Concernant les stratégies de compensation, seules 16,7% des personnes interrogés ont affirmé n’en avoir jamais entendu parler. Les trois-quarts affirment les utiliser fréquemment. Dans un cas sur trois, ils ont été informés par leur thérapeute. Les autres en ont eu connaissance en lisant des articles sur le sujet ou les ont adoptées spontanément.
Les stratégies basées sur le recours à des stimuli internes ou externes sont les plus connues, tandis que la méthode consistant à se caler sur des mouvements extérieurs apparait moins familière. Le changement de la position d’équilibre pour amorcer la marche est la stratégie la plus couramment employée, suivie du recours à des repères internes et de l’adoption d’une nouvelle démarche.
Plus adapté pour initier la marche
En général, ces stratégies de compensation sont utilisées à l’extérieur ou lorsqu’il faut se dépêcher. Dans 12% des cas, les répondants ont indiqué qu’ils ont dû changer de méthode en raison de la progression de la maladie, par exemple en passant à un déambulateur spécialisé dans la maladie de Parkinson, qui guide la marche en projetant un laser au sol.
L’analyse des réponses suggère une efficacité variable d’une stratégie à l’autre, selon le contexte et les individus. Dans l’ensemble, le changement de la position d’équilibre est considéré comme la méthode la plus efficace, à l’inverse du déplacement basé sur des stimuli externes. Ces stratégies semblent mieux fonctionner pour initier la marche, que pour s’arrêter ou franchir une porte.
Certaines méthodes semblent plus appropriées dans des contextes précis. C’est le cas notamment du recours à des repères internes, en commençant à compter par exemple, beaucoup plus efficace pour initier la marche (75% de taux de réussite chez ceux qui l’utilisent) que pour la stopper (47% de réussite). Globalement, s’arrêter ou franchir une porte est toujours plus compliqué.
En général, ces méthodes sont moins efficaces dans des situations stressantes, lorsque les individus se retrouvent par exemple dans un espace étroit ou au milieu d’une foule, ou lorsqu’ils doivent se concentrer sur une autre tâche (mener une conversation en marchant, porter quelque chose…).
Des méthodes globalement méconnues
L’efficacité de ces stratégies de compensation étant variable, « il est nécessaire d’avoir une approche plus personnalisée de la réadaptation » face aux troubles de la marche chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson , estiment les auteurs. Selon eux, les différentes méthodes ne sont pas suffisamment connues et trop peu de personnes ont pu bénéficier de conseils de spécialistes.
Une autre enquête menée aux Pays-Bas auprès de professionnels de santé spécialisés dans la maladie de Parkinson (physiothérapeute, ergothérapeute…) a montré que seuls un quart d’entre eux utilisent les stratégies de compensation et accompagnent leurs patients pour les aider à les mettre en pratique dans leur vie quotidienne.
« Les personnes atteintes de la maladie de Parkinson devraient être mieux informées sur les diverses stratégies de compensation de la marche », concluent les chercheurs. « Ces résultats montrent que les approches doivent être adaptées au patient et au contexte », en présentant les différentes options qui peuvent être mises en application.
Selon eux, il faudrait désormais mener des études prospectives pour définir les meilleures stratégies à mettre en place pour une approche plus personnalisée et contribuer ainsi au maintien de l’autonomie des patients.
Crédits de Une : Brusinski via Getty
Actualités Medscape © 2021 WebMD, LLC
Citer cet article: Maladie de Parkinson: 7 stratégies pour lutter contre les difficultés à marcher - Medscape - 1er oct 2021.
Commenter